mai
20
2017

Burundi : une économie au point mort faute de carburant

Une sévère pénurie de carburants au Burundi affecte durement la vie quotidienne de la population et frappe de plein fouet l'économie de ce pays déjà affaiblie par une crise politique majeure depuis plus de deux ans.

Des centaines de voitures attendant un hypothétique approvisionnement devant une station-service fermée, des milliers de personnes qui patientent pendant des heures dans une gare routière où les bus se comptent sur les doigts de la main: ces scènes sont devenues monnaie courante à Bujumbura.

« Depuis des semaines, on ne trouve plus d’essence et quand il y en a, c’est le chaos total: on voit alors des centaines de voitures, de motos ou de gens avec des bidons s’agglutiner autour des pompes », décrit Gérard, un moto-taxi interrogé par l’AFP au téléphone.

« La vie est devenue un véritable calvaire », lance cet homme de 23 ans avant d’ajouter en kirundi, la langue nationale : « La barbe a recouvert la bouche » (« Ubwanwa bwarapfutse umunwa »), une expression signifiant que la situation va au-delà de tout ce qu’on peut imaginer.

Le gouvernement a récemment reconnu que la pénurie était due à un manque de devises étrangères. Les importations de carburants se font en dollars et le pays manque cruellement de billets verts, sur fond de sanctions économiques de l’UE et de ses pays membres, principaux bailleurs de fonds du pays.

Le gouvernement a annoncé mardi un rationnement journalier par véhicule, par exemple 30 litres pour un bus de transport.

Mais les stations sont le plus souvent à sec et pour continuer à tourner, les opérateurs de bus et de poids lourds se tournent vers le marché noir, où le litre se négocie désormais autour de 4 euros (8.000 Fbu), quatre fois le prix à la pompe. A l’intérieur du pays, certaines régions n’ont pas été approvisionnées depuis plus de deux mois.

La pénurie a entraîné une hausse généralisée des prix du transport, provoquant à son tour une augmentation vertigineuse des prix des denrées alimentaires.

 A bout de souffle

Outre les dizaines de milliers de chauffeurs en tous genres (taxi, moto-taxi, poids lourds) directement touchés par la pénurie, celle-ci a quasiment mis à l’arrêt l’activité de très nombreux artisans – coiffeurs, mécaniciens, tôliers, petits commerçants – qui ne trouvent pas de mazout pour faire tourner leurs générateurs et donc leur outil de travail.

« Dans les quartiers populaires, on peut passer trois ou quatre jours sans électricité et si on en a enfin, c’est pour quelques heures », se lamente Didi, un coiffeur de 28 ans père de deux enfants.

« La situation est dramatique car on manque de tout dans ce pays. Il n’y pratiquement plus d’essence et de mazout, pas d’électricité, le transport des personnes et des produits vivriers est paralysé à travers tout le pays », énumère Gabriel Rufyiri, président de l’OLUCOME, principale organisation de lutte contre la corruption.

Les Burundais « ont perdu le goût du sucre » devenu « un produit de luxe » alors que le pays en a produit plus de 25.00 tonnes en 2016, mais « il est exporté clandestinement, notamment au Rwanda, par de hautes personnalités qui s’enrichissent outrageusement », dénonce-t-il.

Même la principale industrie du pays est touchée: les chaînes de production de la BRARUDI (Brasserie et Limonaderie du Burundi), le plus gros contribuable du pays, sont à l’arrêt plus de 12 heures par jour.

« L’Etat ne nous fournit pas assez d’électricité, on ne trouve plus assez de mazout pour faire fonctionner nos groupes ou d’essence pour ramener les bouteilles vides (consignées) éparpillées à travers le pays », explique un cadre de la société sous couvert d’anonymat, par craintes pour sa sécurité.

Le gouvernement du Burundi doit aujourd’hui près de 60 millions de dollars aux importateurs de produits pétroliers correspondant à plusieurs mois de consommation, selon l’OLUCOME et plusieurs sources administratives.

Et les observateurs se demandent désormais si le gouvernement va être en mesure de payer les fonctionnaires dans les mois qui viennent.

« Le pouvoir semblait tenir le coup malgré la crise et les sanctions de l’UE grâce notamment à une forte pression fiscale intérieure, mais il semble à bout de souffle aujourd’hui », a résumé pour l’AFP un économiste en poste à Bujumbura.

jeuneafrique.com

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