juin
23
2016

Cecile Kyenge: «Aujourd’hui #JeSuisBeni»

Dans un discours étonnant livré le mercredi 22 juin à Bruxelles au Parlement européen, la député italienne du Groupe des Socialistes et Démocrates européens (S&D), Cecile Kyenge, a voulu témoigner à sa façon les terribles souffrances qu'endurent les femmes du Nord-Kivu, victimes des massacres et des persécutions que les eurodéputés ont voulu dénoncé.

« Pourquoi ce matin je suis allé au-delà de mon itinéraire habituel, plutôt que de rester tranquillement à la maison avec mes enfants ? Pourquoi je n’ai pas demandé à mon mari de m’accompagner ? Pourquoi j’ai décidé de faire ce qu’ont déjà fait plus de 400 mille compatriotes qui ont quitté le pays pour échapper à ces violences ? Oui, mais pour aller où ? En Europe ? En Afrique du Sud ? Et s’ils nous avaient réexpédiés en disant que nous ne sommes pas protégés au niveau international, où serions-nous retournés ? À Beni ?

Pourtant, je me sentais en sécurité ici, le quartier général de la MONUSCO n’est pas loin, ils ont un mandat pour nous protéger, c’est la communauté internationale qui a voulu qu’ils soient là.

Mais, en fait, c’est une bonne chose que je sois seule, parce que ma famille est en sécurité, du moins pour le moment.

Et puis je leur ai épargné un spectacle inhumain, ces bêtes ne se sont pas seulement limitées à me violer, ils blessaient avec des couteaux et des râteaux, puis ils ont complété leur travail en me brûlant. J’étais toujours conscient, mais je n’ai pas eu peur, je pensais à vous, mes enfants, et tout ça est passé en un instant. Malgré tout, je suis heureuse.

Je suis heureuse parce que je n’ai pas reconnu des visages familiers parmi les spectateurs du village obligés d’assister à ces massacres. Je suis heureuse parce que dans ce dernier raid nous étions principalement des adultes, heureusement très peu d’enfants. Et dans cet enfer qui ne dura pas longtemps, ils sont partis très vite. Je suis heureuse parce que personne ne verra les brisures de mon corps après les heures de torture. C’est une grande chance que la communauté internationale s’intéresse peu à tout ce qui se passe ici, dans l’est du Congo, et que les médias aient autre chose à raconter ».



Chers collègues, depuis Octobre 2014 à Mars 2016, dans les territoires de Beni, Butembo et Lubero, 1 200 personnes ont été massacrées dans l’indifférence générale. Le risque d’un génocide est réel. C’est une honte. Aucune impunité pour les responsables de ces massacres. À quand la justice pour Beni ?



#JeSuisBeni

Langues: 
Genre journalistique: 

Partager