mai
21
2015

Crise burundaise: Cinq personnalités internationales lancent un cri d'alarme

Cinq personnalités politiques lancent à la communauté internationale un appel à la vigilance et à la mobilisation relatif à la situation burundaise. Il s'agit d'André Flahaut, ministre d’Etat, ancien ministre belge de la Défense ;  de Cécile Kyenge, ancienne ministre italienne pour l’Intégration ; de Jean-Pascal Labille, ancien ministre belge de la Coopération au Développement ; de Louis Michel, ministre d’Etat, ancien ministre belge des Affaires étrangères  et de Guy Verhofstadt, ministre d’Etat, ancien Premier ministre belge. 

Voici leur Carte blanche parue dans Le Soir

Depuis quelques semaines, la société burundaise se déchire.

Des dizaines de milliers de Burundais ont repris le chemin de l’exil, certains au Rwanda, d’autres en Tanzanie ou ailleurs.

Les armes « parlent » dans les rues de Bujumbura.

Une tentative de coup d’Etat a été contrée.

La société civile, l’Eglise catholique, de nombreux médias indépendants et des personnalités politiques, y compris au sein du CNDD-FDD du Président Nkurunziza contestent la volonté de ce dernier de se représenter pour un troisième mandat présidentiel.

Nous voulons dire ici avec force que, quoi qu’il arrive désormais, la cohésion sociale et la confiance entre les acteurs pourtant tellement indispensables au développement sont détruites au Burundi.

On ne peut pas impunément créer une milice, destinée à semer le trouble voire à éliminer des opposants, fermer les radios indépendantes, faire tirer sur des manifestants et imposer une volonté d’un groupe sans altérer fortement le lien social.

Une page se tourne actuellement en Afrique.

Les sociétés civiles émergent partout avec une force renouvelée ;

Elles deviennent un acteur à part entière du récit d’une nation sur elle-même ;

Elles exigent que les dirigeants rendent des comptes sur leurs politiques, ce qui est l’un des principes majeurs de toute démocratie.

Elles incarnent une véritable volonté d’agir sur le destin des sociétés.

Lorsqu’une société se divise et se déchire à ce point, deux réponses sont des impasses.

– Placer le débat sur le seul plan juridique (Accords d’Arusha versus l’article 96 de la Constitution de 2005).

– Réprimer, étouffer, écraser des espoirs.

Les citoyens burundais constituent une société qui espère, qui a soif d’inventer librement son avenir, qui veut agir, qui veut bâtir une nation, qui veut participer aux décisions qui concernent tous les citoyens.

Mais qui a maintenant peur. Qui sent que le pouvoir refuse de les écouter, rejette le dialogue et va la réprimer brutalement parce qu’elle a eu l’audace d’exprimer un projet de société différent de celui du Président actuel.

Face à un tel délitement, les réponses strictement juridique ou policière sont des impasses.

Prendre le risque d’un terrible réveil des haines ethniques fait hélas partie des scénarios possibles.

On sait pourtant qu’il s’agit d’un levier si facilement utilisable par une élite à court d’un vrai projet à proposer à sa population. Son seul projet serait de se maintenir au pouvoir. Et de mobiliser en ethnicisant les tensions.

Les impacts sur les pays voisins seraient cataclysmiques.

La Région des Grands Lacs mérite un autre avenir !

La seule voie pour éviter que le Burundi ne sombre dans la nuit pour plusieurs années et que des risques majeurs ne soient pris est :

– que cessent dès demain la répression et toutes les arrestations. Pour garantir cela, nous allons utiliser tous nos canaux pour que des forces de police internationale forment le plus rapidement possible des patrouilles mixtes avec les forces de l’ordre burundaises,

– que s’instaure le plus rapidement possible un vrai dialogue politique avec TOUS les acteurs de la société politique, civile, militaire, culturelle, religieuse. Et ceci avec des médiateurs africains comme l’avait fait Nelson Mandela. Que tout soit remis à plat. Qu’aucun sujet ne soit tabou.

Parce que le passé nous a montré que la Communauté internationale intervient souvent trop tard et laisse les populations qui se battent pour leur dignité seules face à leurs bourreaux ;

Parce que, comme l’a dit Desmond Tutu, «  si tu choisis la neutralité en situation d’injustice, tu choisis le camp de l’oppresseur  » ;

Nous, signataires de cet appel à agir, nous engageons à utiliser toute notre capacité d’influence pour appuyer ces processus et invitons tout responsable démocratique à en faire autant.

Nous savons qu’il y a une véritable urgence. Des hommes et des femmes peuvent tomber, demain, sous les balles d’un pouvoir aveugle. Il faut qu’il sache que cette fois, la Communauté internationale ne laissera pas faire !

Par André Flahaut, ministre d’Etat, ancien ministre belge de la Défense ; Cécile Kyenge, ancienne ministre italienne pour l’Intégration ; Jean-Pascal Labille, ancien ministre belge de la Coopération au Développement ; Louis Michel, ministre d’Etat, ancien ministre belge des Affaires étrangères ; Guy Verhofstadt, ministre d’Etat, ancien Premier ministre belge.

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