mai
15
2017

Kagame annonce son départ en 2024

C’est lors d’un interview avec Jeune Afrique que le Président Paul Kagame a laissé entendre que s’il était élu comme président, ce serait bien son dernier mandat. L’interview a été menée par François Soudan, journaliste à Jeune Afrique et auteur de “L’homme de fer”, ouvrage sur le parcours du Président Kagame. Ci-après, de larges extraits de l’interview.

Jeune Afrique : Le 4 août, les Rwandais iront aux urnes pour élire leur Président. Vous êtes candidat, et personne ne doute une seconde de votre réélection. Comment expliquez-vous cette absence totale de suspense ?

Paul Kagame : Est-ce une mauvaise chose ? Je ne le pense pas. Le Rwanda a une histoire et un passé récent spécifiques qui induisent un processus démocratique et un comportement électoral eux aussi spécifiques. Vouloir les juger à l’aune des

nations qui n’ont pas connu l’absolue tragédie du génocide n’a pas de sens et vous expose à ne jamais rien comprendre de ce qui se passe ici.

JA : Les périodes électorales sont propices aux promesses. Que promettez-vous aux Rwandais pour qu’ils votent en votre faveur ?

Vous me connaissez. Je ne suis pas du genre à bercer les Rwandais d’illusions et de fausses promesses. Je suis un réaliste, pas un populiste. Nous savons d’où nous venons, ce que nous avons réalisé, ce que nous pouvons et devons encore faire, mais aussi quelles sont nos limites. Je ne promets rien que je ne puisse tenir, et n’attendez pas de moi autre chose que de répéter aux Rwandais qu’ils doivent travailler ensemble pour un avenir meilleur. J’ajouterai un point, essentiel : cette élection nous concerne nous et nous seuls. Si je prétendais donner des leçons au monde, le monde serait fondé à me juger. Mais là, il s’agit du Rwanda, il s’agit des Rwandais. Le monde extérieur n’a donc rien à nous dire.

JA : Ce mandat de sept ans sera-t-il le dernier – même si la Constitution vous donne droit à un de plus ?

Je le crois, oui. Et il est probable que je clarifie ce point bientôt, quand j’entrerai en campagne électorale. Il existe une sorte de contrat entre moi, d’une part, le parti FPR et le Peuple rwandais, de l’autre. Ces derniers ont souhaité, via le référendum constitutionnel de décembre 2015, que je poursuive ma tâche, ce que j’ai accepté. Mais le temps est venu de leur dire qu’ils doivent commencer à réfléchir, au-delà de ma personne.

JA : C’est votre réponse à ceux qui pensent qu’il est impossible de succéder à Paul Kagame de son vivant ?

Ceux qui disent cela le font à dessein, dans un but politique. Cette assertion ne repose sur rien.

JA : On l’a vu lors du référendum constitutionnel et on le reverra sans doute en août prochain : il existe, autour de votre personne, une sorte de consensus. N’y a-t-il pas un risque réel de voir cette quasi-unanimité se transformer en uniformité, laquelle est le contraire de la démocratie ?

Il n’y a pas d’uniformité au Rwanda. Ce n’est pas parce qu’une opinion fait consensus et l’emporte de façon écrasante sur les autres qu’il y a uniformité. Pour ce qui est de l’unanimité, laissez-moi me répéter : vous ne pouvez la comprendre que si vous l’inscrivez dans le contexte rwandais, pas en dehors.

JA  : Pourtant, tout l’équilibre, tout le système politique rwandais repose sur vous. Vous en êtes la clé de voûte. Même vos partisans le disent : si vous disparaissez, c’est l’inconnu, et il faudra tout recommencer. En êtes-vous conscient ?

Les choses ne fonctionnent pas de cette manière. L’important, c’est ce que nous avons construit de façon irréversible et qui demeurera, avec ou sans Kagame. Les nouvelles générations de Rwandais ont intégré beaucoup d’éléments, beaucoup de réflexions diverses et retenu beaucoup de leçons. La crainte que vous exprimez serait fondée si la société rwandaise était statique, figée. Or c’est tout le contraire. À l’image de notre économie, de nos institutions et de nos compétences, notre société évolue et s’inscrit dans une dynamique vertueuse. Même si le Peuple rwandais a souhaité que j’assume le leadership pour quelque temps encore, cette dynamique ne s’arrêtera pas avec mon départ. Soyez-en sûr.

jeuneafrique.com

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