mai
22
2017

La Chine au chevet du Burundi

Le vice-président chinois a effectué au Burundi  une visite de trois jours la semaine dernière. Une bouffée d’air frais pour Bujumbura.

Renforcer sa coopération dans les domaines de l’éducation, l’énergie, les mines et les infrastructures. La priorité de Pékin. Mais cela va bien au-delà. Puisque la Chine a bousculé ses habitudes. En plus des infrastructures telles que les écoles, les routes, les ponts, et très récemment le palais présidentiel. Pékin a promis des aides budgétaires et humanitaires, sans contrepartie. Joignant la parole aux actes, deux accords ont été signés en fin de visite. Il y a d’abord cet appui budgétaire de plus de 200 millions de yuans, soit un montant de 30 millions de dollars. Et un don humanitaire de 5 mille tonnes de riz, qui vient s’ajouter aux 5200 tonnes que la Chine a octroyées au Burundi fin 2016.

« Il est vrai que ces 30 millions de dollars sont loin du compte si on les compare à la somme que versait l’Union Européenne, mais c’est une belle somme pour Bujumbura en manque cruel de devises,» soutient un analyste. « Et avec la sécheresse qui s’y ajoute, les récoltes ne sont pas au rendez-vous. D’où la nécessité de cette aide céréalière. »

De l’argent, du riz mais pas seulement

Cette visite de trois jours des 4 pointures du gouvernement de la République Populaire de Chine est un symbole fort pour Bujumbura. Le vice-président chinois, Li Yuanchao, était accompagné du vice-ministre du Ministère de l’Éducation Du Zhanyuan, du Ministre assistant des affaires étrangères Qian Hongshan. Il y avait également Wang Bingnan, le Ministre assistant du Commerce ainsi Xu Yanhao, le vice-président de l’association de Science et technologie.

Le Ministre des Affaires Etrangères Burundais, Alain Aimé Nyamitwe s’est empressé de saluer «une délégation de haute importance » parlant de « une visite historique ». Selon lui, cette visite est un témoignage d’un pays ayant recouvré sa sécurité.

Au-delà du prestige que présente ce déplacement, Bujumbura peut également se targuer d’avoir un ami au Conseil de sécurité. A ce sujet, le numéro deux chinois a indiqué que depuis toujours, la Chine soutient les efforts de tous les pays en voie de développement, dont le Burundi, afin de défendre leur souveraineté nationale et lutter contre toute ingérence extérieure.

Depuis le début de la crise burundaise en 2015, plusieurs propositions de résolution sur le Burundi ont été soumises au Conseil de Sécurité. La plupart d’entre elles ont été bloquées par la Chine qui a opposé son véto.

Et cette coïncidence avec la fête de l’Europe

La délégation chinoise est arrivée à Bujumbura le 10 mai, alors que la délégation de l’UE célébrait la fête de l’Union Européenne. Une coïncidence qui n’a pas échappé aux observateurs, certains allant jusqu’à comparer la dissemblance des langages de ces deux puissances.

Le chef de la délégation de l’Union Européenne, l’Ambassadeur Wolfram Vetter a noté que la situation au Burundi ne s’était pas encore normalisée. Il a évoqué une sécurité restée superficielle et fragile. Une rhétorique bien différente du Vice-président chinois Li Yuanchao qui a quant à lui indiqué que le Burundi était sûr et stable. Un écho à la rhétorique du pouvoir en place qui martèle systématiquement à qui veut l’entendre que la paix est retrouvée et qu’il n’y a pas de crise au Burundi.

Le pays est sous sanctions prises par l’UE depuis mars 2016. L’organisation européenne, dont l’aide représentait 20% du budget décide alors de geler les aides directes accordées au Gouvernement burundais. L’Union Européenne a toujours brandi l’accord de Cotonou pour exiger de Bujumbura son respect. Cet accord a été signé par les Etats africains, dont le Burundi d’une part et l’Union Européenne d’autre part. Il stipule en son article 96, que les parties s’engagent à respecter les principes démocratiques, les droits de l’Homme et l’Etat de droit.

Pour le chef de la délégation européenne, les conditions ne sont pas jusqu’à présent réunies pour recommencer à fournir l’aide budgétaire au Gouvernement burundais. « Les violations de droits de l’homme, les cas de tortures, les disparitions continuent à être rapportées. L’espace politique et l’espace pour les médias et la société civile sont fortement réduits », a indiqué Wolfram Vetter.

En tout cas, depuis le gel européen, le Burundi semble chercher de nouveaux alliés. Il s’est mis à courtiser notamment le Cuba, le Venezuela, la Russie et bien évidemment la Chine. Une opération de séduction qui n’a pas encore su boucher le trou créé par l’UE.

A noter que depuis le début de la crise, le Burundi a connu d’importantes visites. Le 22 février, il s’est d’abord agi de la visite du Secrétaire Général des Nations unies, Ban Ki Moon. Juste après lui, du 24 au 25 février, est arrivé une « délégation de haut niveau » de l’Union Africaine forte des Présidents du Sénégal, Gabon, Mauritanie, Afrique du Sud, ainsi que le Premier Ministre de l’Ethiopie.

Et la Chine dans tout ça ?

La grande puissance économique mondiale qui envoie son numéro deux quasiment au chevet d’un Burundi qui lutte contre la faillite peut paraître à priori invraisemblable. Quand on sait que mis à part son souci d’aider la veuve et l’orphelin, il n’empêche que la Chine, fonctionne aussi en termes de profit.

Alors qu’apporte-le Burundi, le pays le plus pauvre du monde ? « Il n’est pas aussi pauvre que ça», affirme un analyste. La découverte des terres rares, des minerais comme le coltan, le nickel, fait qu’il soit convoité. A cela s’ajoute le lac Tanganyika. Sans oublier et peut-être devions-nous commencer par cela : sa position géographique stratégique. Le Burundi a une porte qui ouvre vers son riche pays voisin, la République Démocratique du Congo. Et il a également une clé de la Communauté est- africaine. Et ses atouts ne sont donc pas passés inaperçus, la Chine profite de l’inaction de l’Union Européenne et des Etats-Unis pour « se positionner », prête à conquérir les Grands Lacs et l’EAC.

iwacu-burundi.org

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