mar
15
2016

Minerais de sang: la société civile accentue la pression sur les décideurs politiques européens

Bruxelles - Les décideurs politiques européens à Bruxelles sont prévenus. La société civile ne laissera pas passer sous silence les négociations entamées il y a un mois sur les minerais de sang entre le Parlement européen, la Commission européenne et les 28 États membres de l'UE qui forment le Conseil de l'Union Européenne. Ces discussions, qui ont débuté le 1er février dernier « dans la plus totale opacité » selon Stefan Reynhold, responsable de plaidoyer sur les « minerais de sang » auprès de l’alliance internationale d’ONG catholiques (CIDSE), se déroulent dans le cadre du ‘trilogue’, une formation tripartite de conciliation qui réunit des eurodéputés, des ministres du Conseil européen et des membres de la Commission.

Hier, trois organisations internationales – CIDSE, le Réseau Européen pour l'Afrique Centrale (EurAc) et Justice & Paix - ont lancé une campagne d’information – « Exigeons des dirigeants de l’UE qu’ils mettent un terme aux minerais de conflit » - pour sensibiliser l’opinion publique sur les enjeux de la réglementation que l’UE doit adopter sur l’importation des minerais provenant des zones de conflits armés et faire pression sur décideurs politiques afin qu’ils adoptent une loi contraignante pour les entreprises européennes.

En mai 2015 une majorité de députés européens avaient renversé la proposition de la Commission de l’UE et demandé une conformité obligatoire pour "tous les importateurs de l'Union" s'approvisionnant dans les zones de conflits. En d’autres termes, les produits des importateurs européens d'étain, de tantale, de tungstène et d'or doivent être certifiés par l'UE pour s’assurer qu'ils n'alimentent pas les conflits armés et les violations des droits de l'homme dans les zones de guerre.

Exploitation illicite de minerais et conflits armés, un lien avéré

Le lien entre l’exploitation de minerais et le financement des conflits armés est un fait avéré. En Afrique, où se concentrent 30% des ressources mondiales de minerais,  plus de 25 conflits sont connus pour être liés à l’exploitation illicite de ces ressources. « Dans des pays tels que la Colombie, la République démocratique du Congo et le Myanmar, les populations locales sont souvent victimes de mutilations, de massacres, de viols, d’esclavage et de déplacements massifs, simplement parce qu’elles vivent près d’une mine. Dans ces pays, de nombreuses personnes souffrent de cette spirale de violence liée à l’extraction de ressources naturelles », rappelle les organisations à l’origine de la campagne anti-minerais de sang.

C’est pour rompre ce lien que le Parlement européen avait voté en faveur d’une réglementation contraignante et ainsi éviter que par manque de vigilance sur l’origine des minerais importés des zones de conflits, les entreprises européennes n’entretiennent cette spirale infernale. Dès 2010 par ailleurs, l’OCDE avait adopté un guide sur le devoir de vigilance pour des chaînes d’approvisionnement responsables en minerais provenant de zones de conflit ou à haut risque, encourageant de conséquence les entreprises à exercer leur vigilance sur l’origine des minerais qu’ils importent.

La pression du lobbying industriel

Sous la pression du lobbying industriel, la Commission européenne, une partie du Parlement et de nombreux Etats Membres sont au contraire en faveur d’un mécanisme non contraignant d’auto-certification pour les importateurs. Ce principe de volontariat repose sur la conviction que des normes trop contraignantes finiraient par instaurer une sorte d’embargo sur les sociétés qui en amont exploitent ces minerais, avec des effets négatifs sur l’économie locale.

Les organisations de la société civile sont inquiètes des discussions qui sont en cours car les Etats-Membres sont très influents dans ce type de négociations. Afin que les bénéfices des entreprises ne passent avant les personnes, CIDSE, EruAc et Justice et Paix invitent chaque citoyen à se rendre sur le site de la campagne - http://www.justicepaix.be/minerais-de-conflits/ - et envoyer un message aux responsables politiques européens afin qu’une loi contraignante soit adoptée.

« Grâce à cette campagne de sensibilisation, les citoyens européens seront en mesure d'agir et de montrer à leurs représentants qu'ils ne veulent pas être complices de l’exploitation illicite et de la commercialisation de minerais dans les zones de conflits », a souligné Bernd Nilles, Secrétaire générale de la CIDSE. « Nous espérons que les messages des citoyens adressées aux principaux décideurs de l'UE les encouragerons à saisir cette occasion et à agir en faveur d’une réglementation contraignante qui reflète les aspirations de nombreux citoyens européens ».

Article réalisé dans le cadre d'un partenariat entre Infos Grands Lacs et VITA/Afronline (Italie).