Jan
05
2016

Pleins feux sur les conditions difficiles des employés de maisons à Kigali

Rares à Kigali sont les foyers qui n’ont pas d’employés de maison. De jeunes foyers d’agents du secteur public ou commis d’entreprises privées, des familles de business people mais aussi des employés d’associations de la société civile, ces familles de standing moyen de Kigali et d’autres villes du pays utilisent jusqu’à deux employés de maison.

C’est généralement un cuisinier faisant de temps à autre fonction de jardinier. Mais c’est aussi une petite ou jeune fille affectée au gardiennage des enfants en bas âge. Ces employés de maison savent-ils qu’ils sont régis par un code du travail rwandais ?

Hélas non ! Les patrons eux aussi peuvent violer ce code du travail à leur encontre du moment que les concernés n’en sont pas conscients ou que des associations de défense des droits de la personne semblent les ranger dans la catégorie de citoyens de seconde zone.

Un collectif d’associations rwandaises intervenant dans la protection des droits de l’homme, CLADHO, s’est penché sur les conditions de travail de cette catégorie de travailleurs dans plusieurs villes du pays. Un rapport publié à cet effet a montré des violations fragrantes des droits de ces travailleurs de maison y compris des supplices corporels, des harcèlements sexuels et un déni de liberté de penser.

Le rapport mentionne le cas d'une fillette Diane Muragijimana de 13 ans originaire de district Karongi, amenée à Kigali sur base d'une promesse d’un emploi de maison pour 5.000 Frw par mois (env. 7 $). Ce cas révèle plusieurs entravent à la législation, notamment celle indiquant que le code du travail punit toute personne qui emploie un enfant de moins de 18 ans. Diane se plaint aussi d’être réveillée à 5.30 du matin pour préparer le déjeuner de ses patrons qui doivent se dépêcher pour arriver à 7.00 au travail. Comme autres tâches inadaptées à son jeune âge, elle doit laver au torchon toute la maison, lessiver les habits de ses patrons, laver la vaisselle, aller au marché pour les vivres du jour, cuisiner et prendre soin de la garde du nourrisson d’un an et demi.

« Je n’ai pas de répit, a confié Diane à The East African. Je ne sais pas me procurer un petit temps pour dormir. Tout le temps je suis appelée à faire ceci ou cela ».

Il en va de même pour Alice Uwase, 18 ans, qui, alors qu’elle prestait dans une famille de Muhima/Kabahizi en contrebas du centre-ville de Kigali, s’est révoltée et est partie pour un autre job à Nyamirambo, un quartier du Centre sud de Kigali. Elle est partie parce qu’elle ne se reposait qu’entre minuit et une heure du matin pour se réveiller à six heure et demie. Selon elle, il lui était difficile de toucher son salaire à la fin du mois. Là encore, ses patrons l’insultaient, lui donnaient des coups de bâton et l'accusaient d’irresponsabilité.

« Je n’ai pas porté plainte à l’autorité civile. Je suis cloîtrée, toujours très occupée au point que je n’ai pas l’occasion de rencontrer les dirigeants de base. Bien plus je me retrouve isolée ne connaissant personne de mon voisinage », a-t-elle confié.

« Notre enquête montre des problèmes sérieux comme employer des mineurs, les moins de 16 ans, généralement des orphelins et autres déscolarisés issus de pauvres familles », lit-on dans le rapport d’enquête effectuée dans 15 districts où 2.480 employés de maison, gardiennage d’enfants, jardiniers ont été interrogés.

« 6.5% d’entre eux ont entre 10 et 15 ans, 53% sont entre 16 et 20 ans », lit-on encore dans un rapport qui jette le tort à certains programmes et projets nationaux qui ne sont pas réalisés correctement et à un Code du Travail rwandais muet dans ce domaine dont le fait qu’il n’est pas spécifié un SMIG ( Salaire Moyen Interprofessionnel Garanti), le non respect du Code de droits des employés de maison.

Le rapport ne donne pas une part belle au Gouvernement qu’il accuse ne pas avoir ratifié les conventions internationales du Travail pour ce qui est de l’emploi de maison. Outre le fait que ces employés de maison sont surexploités, ils ne savent pas non plus qu’ils ont droit de se syndiquer encore que généralement ils n’ont pas la capacité intellectuelle de fonder la revendication de leurs droits devant les syndicats. 

Le rapport montre aussi que le salaire mensuel moyen actuel payé à l’employé de maison de 11.900 Frw, soit quelques 15 $, est à revoir au cas où le Rwanda se conformait aux instruments internationaux en matière d’emploi de maison. Ces jeunes gens employés de maison ne sont presque jamais régi par un contrat de travail de la part de leurs employeurs. Ce flou dans les contours des responsabilités et devoirs fait qu’ils prestent plusieurs heures par jour et qu’ils n’ont aucun droit ne fut-ce qu’à un jour de congé que ce soit un dimanche ou un samedi.

“Ce rapport va nous aider à fixer un code du travail à l’endroit de cette catégorie professionnelle oubliée. Nous non plus ne sommes pas d’accord du traitement indigne que rencontre cette catégorie de travailleurs de maison », a indiqué Anne Mugabo, Directrice Générale du Travail près le Ministère de la Fonction Publique sans toutefois préciser quand le processus d’étude de la question sera fait encore que, a-t-elle ajouté, il faut que cela soit budgétisé et que ça se fasse en collaboration avec l’Institut National de Statistiques.

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