Le blues des élèves du Lycée Notre Dame de la Sagesse en situation de handicap
Les élèves malvoyants et sourds-muets des classes de 9ème et 10ème au Lycée Notre Dame de la Sagesse de Gitega ne savent plus à quel saint se vouer. Faute du matériel pédagogique adapté à leur handicap et du personnel enseignant spécialisé, ils se demandent s’ils vont être orientés au cycle supérieur ou mettre à terme leur scolarité.
« Il nous faut des professeurs spécialisés dans tous les domaines et non des encadreurs », souligne Emmanuel Sindayigaya atteint d’une cécité à 10ans.
Le Lycée Notre Dame de la Sagesse de Gitega héberge 69 élèves sourds-muets et aveugles ou malvoyants. Il est l’unique école secondaire classique du pays à avoir adopté le programme d’éducation inclusive, il y’a 4ans.
« Il ne suffit pas de mettre dans la même classe un enfant valide et les sourds-muets ou aveugles pour que l’éducation soit inclusive. Il faut aussi des mesures d’accompagnement et une adaptation du manuel scolaire », déplorent ces élèves. Ils estiment avoir été servis de cobaye par le gouvernement. Aujourd’hui, 25 élèves qui ont passé le test de fin du cycle inferieur sont désespérés. Pour cause, rien ne garanti s’ils pourront continuer leur scolarité. Jusqu’aujourd’hui, l’école n’a pas encore reçu des équipements adaptés à leur infirmité ni des professeurs spécialisés. Ils se demandent comment ils vont étudier les cours scientifiques ou l’enseignement supérieur des métiers dans les conditions présentes. D’après Donatien Niyonkuru, leur avenir est incertain.
« Suivre les cours en écoutant seulement et prendre les notes quand les autres sont en train de réviser nous expose à un échec. Il fallait au moins que chacun d’entre nous ait son livre adapté à son handicap ! »
« Non seulement les encadreurs sont insuffisants mais aussi leur capacité à nous expliquer tous les cours n’est pas satisfaisante malgré leur courage et leur souhait de nous voir réussir », a poursuivi son camarade de classe lui aussi malvoyant. Quant à Francine Niyonkuru, les choses se sont compliquées depuis qu’elle a été orientée à cette école. Avant, elle avait fait l école primaire au Centre Rumuri (centre spécialisé pour les aveuglés et malvoyants de Mushasha à Gitega).
« Nous avions le personnel enseignant et du matériel suffisants. En plus, tous les enfants étaient dans les mêmes conditions », précise-t-elle. Diane est malentendante. Traduite par son encadreur, elle fait savoir qu’elle est aussi à bout de souffle.
Ils ne sont pas les seuls à se plaindre
Comme le souligne certains professeurs, ce système d’éducation inclusive n’a pas été bien étudié. « Ma conscience m’accuse d’être complice de cette injustice faite à ces élèves. Ecrire au tableau noir ou expliquer une leçon sachant que certains élèves ne le voient pas ou ne l’entendent pas m’affecte énormément », explique un professeur de mathématique.
Ces difficultés rencontrées par ces élèves à handicap affectent aussi les encadreurs qui suivent ces élèves matin et soir. Ils déplorent les conditions dans lesquelles ils travaillent alors qu’ils n’ont ni prime ni repos. Ils sont en tout 8(4pour les malvoyants et 4 interprètes pour les sourds- muets). Comme l’indique Blandine Kanyana l'encadreuse interprète, elle doit être présente en classe et rester debout durant toute la journée en suivant les leçons quitte à les expliquer après.
« Si rien n’est fait dans l’immédiat, les déficients visuels et les malentendants ne pourront pas faire l’enseignement supérieur car je ne peux pas me targuer de comprendre toutes les matières du supérieur ! » Elle demande qu’il y’ait plus des formations de mise à niveau et de nouveaux outils de travail. Le directeur de cette école reconnaît lui aussi que l’école est incapable à donner un enseignement de qualité aux élèves à handicap.
« Je n’ai pas de solution à proposer, je me contente d’espérer que le gouvernement va doubler d’efforts pour que l’éducation soit réellement inclusive », a indiqué Abbé Elie Sakubu. Contacté, le directeur provincial de l’enseignement à Gitega s’est refusé de donner des éclaircissements arguant qu’il n’est pas apte à répondre à nos questions.