Kabila fait tout pour empêcher le retour de Katumbi
Sous pression de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU qui appelle au retour de Moïse Katumbi en RDC après un an d’exil forcé, Kinshasa multiplie les stratagèmes pour éviter qu’un tel scénario ne se produise.
« Le pire cauchemar de Kabila, c’est Katumbi », indique un conseiller très introduit au Palais de la Nation. En exil depuis un an, Moïse Katumbi s’est dit prêt, il y a quelques jours, à rentrer très prochainement dans son pays afin d’y mener campagne pour l’élection présidentielle à laquelle il s’est porté candidat. En effet, depuis, une décision du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unis, le 13 juin 2017, le régime de Kinshasa est sous pression pour autoriser le retour de l’opposant et assurer sa sécurité, tant sur le plan judiciaire que physique.
Une hypothèse que même Alexis Thambwe Mwamba, le ministre de la Justice RD congolais, pourtant très impliqué dans le traitement des différents dossiers "montés" contre le dernier ex-Gouverneur du Katanga, a reconnu à l’occasion d’une conférence de presse à Genève le 19 juin dernier. Moïse Katumbi « peut rentrer quand il veut », a déclaré le Garde des Sceaux RD congolais. Un véritable changement car jusqu’à présent Kinshasa menaçait l’opposant d’arrestation immédiate en cas de retour au Congo-Kinshasa.
Le retour de Katumbi en RDC redouté par Kabila
Problème. Le retour du très populaire Katumbi en RDC est sans doute l’événement que redoute le plus Joseph Kabila. Ce dernier craint avant tout son activisme en faveur d’une organisation rapide de l’élection présidentielle qu’il fait tout, au contraire, pour retarder. Du coup, à Kinshasa, le clan présidentiel phosphore pour éviter le retour de l’enfant prodigue au pays.
Il y a quelques jours, le pouvoir congolais a tenté de lever un nouveau lièvre : celui de la double-nationalité que Moïse Katumbi serait censé avoir et qui lui interdirait de se présenter à l’élection présidentielle. Une allégation catégoriquement rejetée par les proches de l’intéressé et qui peut prêter à sourire dans un pays où la nationalité congolaise du président de la République est régulièrement l’objet de débat et où le dernier Premier ministre, Samy Badibanga, était un citoyen... belge.
Kinshasa tente de relancer le dossier des « mercenaires »
L’argument ne prenant manifestement pas, à Kinshasa, certains services tentent du coup de relancer le dossier des « mercenaires » pour lequel Katumbi est mis en examen pour atteinte à la sureté de l’Etat et que les évêques de la CENCO ont qualifié de "farce" dans leur rapport de contre-enquête. Selon des sources concordantes, un certain Akili Byamungu, actuellement retenu à la DEMIAP à Kinshasa au motif qu’il est suspecté d’appartenir à une bande armée sévissant dans l’est de la RDC, aurait subi diverses "pressions" pour imputer à Moïse Katumbi la responsabilité des troubles en cours sur le territoire de Beni, dans le Nord-Kivu. Objectif : étoffer le dossier « mercenaires » (manifestement vide) et dissuader ainsi le principal opposant à Joseph Kabila de retourner dans son pays.
C’est ce dernier point, précisément, qui a motivé l’envoi d’un courrier daté du 20 juin 2017 au Bâtonnier Jean Joseph Mukendi, l’avocat de Moïse Katumbi. Son auteur, le procureur général de la République (PGR), Flory Kabange, y annonce le retrait de l’autorisation de sortie du territoire national accordée au dernier Gouverneur de l’ex-province du Katanga voilà plus d’un an (agressé par des policiers encagoulés au moyen d’une seringue, l’opposant avait été contraint de se faire soigner en Afrique du Sud, puis en Europe). Une décision justifiée, selon lui, par le « non-respect du devoir de réserve » qu’il dit avoir constaté chez Moïse Katumbi alors que ce dernier s’y serait engagé. « En vertu du paragraphe trois de la correspondance [ayant autorisé Moïse Katumbi à quitter le territoire RD congolais], je retire à votre client ladite autorisation lui accordée le 20 mai 2016. Il est tenu dès la réception de la présente à se présenter devant le magistrat instructeur », a écrit Flory Kabange. En apparence, ce courrier peut donner l’impression d’« inviter » l’intéressé à rentrer dans son pays. En réalité, l’objectif est précisément de l’en dissuader.
Kalev Mutond, encore et toujours à la manœuvre
Derrière ce courrier du PGR plane l’ombre de Kalev Mutond. Le patron de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR), à la manœuvre dans l’ensemble des dossiers concernant Moïse Katumbi, a indiqué à certains de ses proches être à l’origine de ce courrier. « Le chef [Joseph Kabila] attend ce courrier. Il te faut l’envoyer avant qu’il ne rentre de Lubumbashi [où Joseph Kabila était en déplacement ces derniers jours] », aurait-il dit en substance à Flory Kabange pour le presser d’envoyer sa missive.
La réponse – cinglante – des proches de l’intéressé n’a pas tardée. « Au lieu de chercher et trouver des solutions à la crise sécuritaire qui endeuille la Nation et à la situation économique catastrophique du Congo, l’Etat préfère mobiliser toute son énergie pour s’occuper d’un seul individu ! », a dénoncé la garde rapprochée de Moïse Katumbi avant de prévenir : « malgré les menaces qui pèsent sur sa personne, il va rentrer dans son pays […] Qu’on se le dise, il y aura élections cette année 2017 ! »
A Kinshasa, le régime peut donner l’apparence de contrôler la situation politique. En réalité, il fait preuve d’une grande fébrilité. D’autant que le retour annoncé de Moïse Katumbi s’est accompagné d’une autre mauvaise nouvelle pour le pouvoir. L’Eglise catholique, très puissante en RDC, s’est, semble-t-il, résolu à activer son fameux « plan B ». Elle a récemment annoncé qu’elle commencerait à mobiliser la population congolaise à compter du 30 juin, date anniversaire de l’indépendance du pays, afin d’exiger la tenue des élections au terme convenu dans l’Accord de la Saint-Sylvestre.
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