Khadja Nin, de la musique au jury du septième art
Chaque 26 avril, le monde célèbre la Journée de la propriété intellectuelle afin de nous tenir informés du rôle que joue la propriété intellectuelle dans l’innovation et la créativité. Cette année, la campagne pour la Journée mondiale de la propriété intellectuelle célèbre le génie, l’ingéniosité, la curiosité et le courage des femmes qui changent le monde et œuvrent à la construction de leur avenir. Burundi Eco met en valeur une femme burundaise qui a su percer dans le monde musical, ses débuts, son parcours et ses réalisations.
Fille de Jean Ntiruhwama, ancien ministre de l’Intérieur burundais sous le règne du Roi Mwambutsa IV et cadette d’une fratrie de huit enfants, Jeanine Ntiruhwama est née à Ruvyagira dans la province de Gitega. Elle passe une enfance paisible à Bujumbura où elle pratique très tôt le chant et la musique comme la plupart des jeunes de son âge. Dès l’âge de sept ans, elle devient une des principales voix de la chorale de son école et de la cathédrale Regina Mundi. Petite et assez menue, tout le monde l’appelle « Ka Jeanine » (La petite Jeanine) pour parler d’elle. C’est donc ce sobriquet qu’elle choisit comme nom d’artiste au début de sa carrière, en l’épelant « Khadja Nin ». Elle monte son premier vrai groupe en 1973 avant de partir étudier à Kinshasa (Zaïre) en 1975. Après s’être mariée en 1978, elle s’installe définitivement en Belgique en 1980 avec son fils de deux ans et son mari.
Ses timides débuts dans le monde musical
Après quelques emplois de choriste et de figuration, elle rencontre son producteur, le guitariste Nicolas Fiszman en 1985. Avec lui, elle écrit une vingtaine de titres. Après avoir signé en 1991 avec BMG, un premier album voit le jour en 1992. Entièrement en swahili (principale langue parlée en Afrique de l’Est et que la jeune femme maîtrisait parfaitement), ses douze premiers titres mêlent avec mélancolie des thèmes brésiliens, afro-cubains et africains ainsi qu’un peu de rock avec le titre « Mulofa ».
Du café au lait dans la musique de Khadja Nin
Elle décrit elle-même sa musique comme de « la musique ni blanche ni noire, mais café au lait ». En 1994, elle sort son deuxième album « Ya Pili », qui justement signifie « Le second ». Plus encore que le premier, il mélange la pop occidentale et les rythmes africains et afro-cubains. Les textes sont toujours en Swahili, excepté un en anglais et un en français. Dans ce deuxième album, on trouve le titre « Sambolera Mayi Son » sorti en 1996 qui, deux ans plus tard, lui ouvrira les portes du succès (n°6 en France au Top 50 et au Top 100 TMP et n°19 en Wallonie). Cette chanson qui évoque une mère contant le monde à son enfant illustre bien les préoccupations de Khadja Nin face à l’état du monde, thème très présent dans ses textes. Les ventes explosent et le troisième album sorti dans la foulée avec onze titres anciens et nouveaux est double disque d’or deux mois après le début de la campagne de promotion (200.000 albums vendus).
Sur la pente ascendante, Khadja sort un nouvel album en octobre 1998 intitulé « Ya… » (De vous à moi). Elle y chante en Swahili mais aussi en Kirundi et aborde des sujets qui lui tiennent à cœur, (les enfants de la rue, les situations de guerre, la lutte contre les inégalités). Elle signe là un vibrant hommage à Mandela en même temps qu’une chanson sur la condition de mère, « Mama », sortie en simple et filmée pour le besoin d’un clip par la grande comédienne Jeanne Moreau.
Ses souvenirs lors d’un concert avec Sting
En 1999, Khadja Nin se produit en première partie de Sting lors d’une série de concerts à New York. Elle est également accompagnée de Cheb Mami lui aussi invité par la star anglaise. Le trio se produit le 10 janvier 2000 sur la scène parisienne de Bercy. Les conditions techniques ont été plus difficiles pour Khadja Nin qui s’est produite au tout début de la soirée sans pouvoir effectuer la balance et les réglages sonores. La déesse burundaise s’en sort fort bien. Ses incantations, à la grâce princière, parlent directement à l’âme. En une poignée de chansons, elle installe la magie de son univers : Sambolera, le tube qui la révéla au grand public en 1996 ; Mama dont le clip a été réalisé par l’actrice Jeanne Moreau ; Free de Stevie Wonder, adapté en Swahili ; Sesiliya, émouvante ode à sa grande sœur décédée ; Kembo et sa guitare au parfum flamenco… Khadja Nin conclut avec Damu Ya Salaam : quatre tambourinaires du Burundi se joignent à l’orchestre dirigé par le guitariste Nicolas Fiszman. Le chant de la colombe noire s’envole au-dessus des rythmes enracinés dans la terre de ses ancêtres. Cette finale, Damu Ya Salaam constitue pour la chanteuse le trait d’union emblématique avec son hôte anglais. Elle s’est en effet directement inspirée du titre de Sting, Russians. Ce soir-là, une fois le concert terminé, c’est son fils aîné qui viendra la féliciter, dans les coulisses.
Un retour au pays unique en son genre
Khadja Nin ne s’est produit qu’une seule fois au Burundi, en 2007, au plus fort de la guerre civile qui ravageait le pays à cette époque. « Toutes les filles branchées de la capitale vont marcher pieds nus pendant des mois, pour faire comme elle », se souvient la chanteuse. Et cette dernière de confirmer qu’elle ne porte jamais de souliers sous le climat tropical burundais, un souvenir des années yé-yé.
Côté relation amoureuse, elle est mariée avec le champion de course automobile belge Jacky Ickx, vit à Monaco et est devenue une habituée du jet set français. Aujourd’hui, l’artiste burundaise a mis de côté sa carrière musicale et se consacre à des faits sociaux liés à son pays et à des actions philanthropiques.
Signalons que cette année-ci, elle est honorablement nommée membre du jury du Festival de Cannes, sous la présidence de Cate Blanchett, aux côtés des actrices Léa Seydoux et Kristen Stewart, de la réalisatrice Ava DuVernay, de l’acteur Chang Chen et des réalisateurs Robert Guédiguian, Denis Villeneuve et Andreï Zviaguintsev
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