Burundi : Le taux de pénétration de l’Internet reste faible
Le Burundi a enregistré des progrès notables en matière de technologies de l’information et de la communication (TIC). Malgré des avancées relativement positives, il reste du chemin à faire pour accroître la connectivité du pays. A côté de la fracture numérique observable entre le milieu rural et urbain, la pauvreté, les lois obsolètes et le déficit énergétique y contribuent aussi
Le ministère de la Jeunesse, des Postes et des Technologies de l’Information et de la Communication a organisé vendredi le 7 décembre 2018 un atelier sur l’état des lieux des TIC au Burundi. L’objectif était de répertorier les principaux enjeux et défis du secteur des TIC afin d’arrêter des stratégies pour accélérer l’atteinte des objectifs fixés et de façon durable.
Au Burundi, le secteur des Télécommunications a connu une croissance considérable depuis sa libéralisation par le décret-loi n°01/11 du septembre 1997. Depuis lors, le marché des Télécommunications a connu une évolution rapide par l’implantation des opérateurs des réseaux et services de Télécommunications mobiles et Internet dans un environnement compétitif et concurrentiel, a déclaré Hon. Evelyne Butoyi, ministre de la Jeunesse, des Postes et des Technologies de l’Information et de la Communication.
Etat des lieux des TIC au Burundi
Actuellement, les sociétés de téléphonie mobile opérationnelles sont au nombre de 4, à savoir : ONATEL, ECONET-LEO, LACELL et VIETTEL Burundi. Les quatre opérateurs combinés utilisent plus de 1300 antennes de relais avec un taux de couverture de l’ordre de 80%, a précisé Ir Donatien Manirampa, directeur général de l’Agence de Régulation et de Contrôle des Télécommunications.
Le paysage médiatique du pays comprend trois télévisons à savoir: RTNB, Télé Héritage, et REMA TV, trente-six stations de radiodiffusion sonores et trois stations de redistribution des chaînes de télévision : Télé-10, Star Times et AZAM Média. Le taux de pénétration de la téléphonie est estimé à 51,81 % contre seulement 10 % de la population qui utilisent la toile.
Des initiatives pour promouvoir les TIC
Hon. Butoyi a indiqué que le Gouvernement de la République du Burundi a déjà pris plusieurs mesures pour encourager les investisseurs en TIC. Il s’agit notamment de la détaxation des équipements, en l’occurrence les ordinateurs et autres matériels connexes. D’autres efforts concernent surtout le déploiement d’une fibre optique « BBS et MAN », la signature d’un réseau de communication gouvernementale « COMGOV », ainsi que la mise en place du décret mettant en place un Fonds de Service Universel (FSU) des TIC destiné au désenclavement de la population par la réduction de la fracture numérique. Le FSU est financé par 1% du chiffre d’affaires des opérateurs des télécoms et les subventions gouvernementales à travers le ministère en charge des TIC.
La ministre en charge des TIC reconnait que malgré les avancées relativement positives, le chemin à parcourir pour accroître la connectivité du pays reste long.
Les TIC et le développement
Le secteur des TIC contribue à l’économie nationale en termes de création d’emplois directs et indirects. Les TIC contribuent également à l’augmentation des recettes fiscales par le biais des redevances annuelles et des taxes sur le trafic national et international, a indiqué Hon. Butoyi.
L’année dernière, les compagnies de téléphonie mobile ont dégagé un chiffre d’affaires de 144 634 875 424 FBu. Pour les fournisseurs d’accès à l’Internet, le chiffre d’affaires a atteint 14 083 940 440 FBu.
La fracture numérique plus prononcée en milieu rural
Pour l’internet 3G et 4G, les opérateurs se concentrent beaucoup plus dans les centres urbains, notamment en Mairie de Bujumbura et dans les chefs-lieux des provinces où le pouvoir d’achat est élevé, déplore Ir Manirampa, directeur général de l’Agence de Régulation et de Contrôle des Télécommunications (ARCT). Le pouvoir d’achat reste faible dans un contexte où 65% de la population baignent dans une extrême pauvreté. En conséquence, insiste-t-il, les prix des services liés aux TIC demeurent exorbitants. Le Burundi est nanti en termes d’infrastructures de télécoms. Pour Ir Manirampa, le grand défi demeure l’accès aux services fournis par les TIC aux utilisateurs. Les terminaux sont onéreux par rapport au pouvoir d’achat de la population. A titre illustratif, pour avoir un smartphone connecté au réseau 3G ou 4G, il faut dépenser au moins 100 000 FBu. Ce qui limite bon nombre de Burundais.
En outre, les lois qui règlementent le secteur des télécoms sont obsolètes. La technologie évolue beaucoup mais les lois ne suivent pas la même cadence. De surcroît, le Burundi ne dispose pas de loi relative à la cybercriminalité ou à la protection des données individuelles. D’où la mise en place d’un cadre légal qui répond aux besoins actuels est plus que nécessaire. Les participants à l’atelier ont sollicité la mise en place d’un centre de gestion des métadonnées à l’échelle nationale. En ce qui concerne le cadre légal, Mme Espérance Niyonzima, Directeur Général des TIC a notifié que le ministère est à l’œuvre pour mettre en place une loi sur les communications électroniques et celle relative aux transactions électroniques avec ses textes d’application.
La fibre optique révolutionne le secteur des TIC
Actuellement, plus de 8000 km de fibre optique en aérien et souterrain sont déjà installés dans les 18 provinces du Burundi. La fibre optique est exploitée par trois opérateurs, à savoir : Burundi Backbone System BBS (fibre souterraine), la compagnie VIETTEL (fibre aérienne) et l’ONATEL avec son réseau MAN (Metropolitan Area NetWork). L’arrivée de la fibre optique a cassé les prix de l’Internet. Un mégabit par sec qui coûtait 2 000 USD coûte actuellement entre 150 et 170 USD, a précisé M. Elie le Directeur Général de BBS.
Le Burundi est connecté à l’International par 5 points d’Interconnection de Kanyaru Haut, Gasenyi et Ruhwa du côté Rwanda, Kobero et Mugina du côté de la Tanzanie. Le point de Gatumba qui va relier le Burundi à la RDC n’est pas encore opérationnel. Dans le cadre de la décentralisation, l’Etat du Burundi est en train d’établir des Guichets Uniques Provinciaux (GUP). Ils épargnent les citoyens des déplacements vers la capitale Bujumbura pour leurs besoins administratifs. Grâce aux TIC, les passeports, les permis de conduire, les extraits de casiers judiciaires, etc. sont délivrés sur place.
2019, une année prometteuse pour les TIC
La Société BBS a engagé des discussions fructueuses avec les opérateurs satellitaires pour installer un téléport – complexe de télécommunication destiné à recevoir et à distribuer des informations à des utilisateurs dans une zone d’activité-au Burundi dès l’année prochaine. Ce dispositif permettra de couvrir tout le territoire national y compris les régions les plus enclavées.
Pour accroître le taux de pénétration et d’accessibilité de l’Internet au Burundi, il est prévu la poursuite du projet d’implantation des télécentres communautaires, la connectivité des centres d’agglomérations tels que les établissements scolaires, les hôpitaux, les centres pour handicapés etc.
Quelques recommandations
La lenteur dans l‘implémentation des nouvelles technologies, l’inaccessibilité des TIC dans les zones rurales et isolées, le déficit énergétique pour assurer l’alimentation des infrastructures déployées en milieu rural sont autant de défis auxquels est confronté le secteur des TIC. L’autre problème est lié à l’analphabétisme numérique parce qu’il ne suffit pas d’avoir un smartphone encore faut-il savoir comment s’en servir.
De ce qui précède, il est indispensable de mettre en œuvre des plans de déploiement des infrastructures haut débit pour servir les zones isolées et inciter les opérateurs à investir dans les milieux ruraux et si besoin les appuyer.
Une récente étude de la Web Foundation relayée par le journal britannique » The Guardian « a révélé que la part de la population mondiale connectée diminue depuis trois ans. D’après cette étude, l’accroissement de la population est plus rapide que la construction des infrastructures de réseau. Un peu plus de la moitié de l’humanité (3,8 milliards) n’ont pas accès à Internet. Ils vivent principalement dans des zones rurales où la technologie ne s’implante pas rapidement. Pour y remédier, la Web Foundation préconise de développer des technologies bon marché, dans les zones non rentables pour les fournisseurs d’accès.
Benjamin Kuriyo.