déc
19
2018

Congo Files: l’ONU reconnaît une «potentielle implication d’agents de l’État»

Un nouveau rapport confidentiel de l’ONU apporte de nouveaux faits troublants. Depuis les révélations des Congo Files, un colonel de l’armée congolaise a été arrêté dans le cadre du procès des assassins présumés des deux experts de l’ONU. Les audiences ont été suspendues pour les fêtes et ne devraient reprendre qu’en janvier 2019. Un nouveau rapport vient s’ajouter à ces milliers de pages de documents confidentiels de l’ONU qui ont été analysés par cinq médias internationaux: RFI, Le Monde, Foreign Policy, Süddeutsche Zeitung et la télévision suédoise. Ce rapport est daté du 13 décembre 2018. Il est adressé par le secrétariat de l’ONU au Conseil de sécurité et évoque cette fois ouvertement une possible implication d’agents de l’État.

Le colonel Jean de Dieu Mambweni, l’officier récemment arrêté, est présenté dans le rapport comme « le contact entre les experts de l’ONU et le traducteur, monsieur Betu Tshintela qui serait un agent de l’Agence nationale des Renseignements ». L’homme est donné pour mort par le gouvernement congolais comme les trois autres accompagnateurs congolais de Michael Sharp et Zaida Catalan, tous officiellement tués par des miliciens dans la province tourmentée du Kasaï Central. Trois corps ont même été retrouvés et formellement identifiés par Kinshasa comme ceux de Betu Tshintela et de deux conducteurs de moto-taxis, Isaac Kabuyi et Pascal Nzala. Pourtant, le secrétariat général de l’ONU informe les membres du Conseil de sécurité que les analyses ADN menées n’ont pas été concluantes. Il dit même avoir recommandé de faire de « nouveaux prélèvements et tests ». L’équipe d’experts déployée par le secrétariat général de l’ONU - sous l’autorité du procureur canadien Robert Petit - aurait même reçu des informations qui « pourraient remettre en cause la présomption de décès de partie ou tous ces ressortissants congolais ».

Quelques phrases plus loin, les auteurs de ce rapport précisent que ce colonel a également des contacts « à des moments signifiants » avec Jean Bosco Mukanda, l’ancien témoin, devenu accusé dans le procès de Kananga. « M. Mukanda était un chef local de milice, mais aussi un collaborateur des FARDC, actif tout au long des événements qui ont conduit à la mort de Mme Catalan et M. Sharp », commentent-ils encore. Le colonel Mambweni « a été arrêté, mais il n’est inculpé de rien ». Jean Bosco Mukanda est lui aussi arrêté, inculpé pour association de malfaiteurs, mais pas pour meurtre.

De nouveaux « témoins »

Depuis la dernière communication au conseil de sécurité de l’ONU sur ce dossier, d’autres « témoins » ont fait leur apparition. Parmi eux, Thomas Nkashama et José Tshibuabua qui « ont tous deux des liens avec les milices mais qui sont aussi liés aux services de sécurité congolais ». Ce sont les deux individus qui ont menti aux experts onusiens sur les conditions de sécurité dans la zone où ils seront finalement tués, abattus le 12 mars 2017. Ils ne sont inculpés que pour la disparition des accompagnateurs congolais.

L’enquête menée sur base de « Congo Files », ces milliers de documents confidentiels épluchés par cinq médias internationaux dont RFI, avait conclu que le secrétariat général de l’ONU avait délibérément écarté d’un rapport confidentiel adressé au Conseil de sécurité tous les éléments qui faisaient état d’une possible implication d’agents de l’Etat. Cette fois, les membres du Conseil sont officiellement informés que « l’apparition, comme témoins dans le procès du Colonel Mambweni, de M. Thomas Nkashama et de M. Jose Tshibuabua » constituait la « première admission d’une possible conspiration » et « la première preuve publique d'une potentielle implication de membres des services de sécurité dans les meurtres ».

Mort en prison du chef Tshikele Kengayi

Il y a aussi le cas de "Tshikele Kengayi”, Norbert Kengayi wa Kengayi, mort en détention le 23 octobre 2018. Il était incarcéré à la prison de Kananga dans des conditions décrites comme « pauvres » et « permettant une possible collusion et des interférences ».  La veille de sa mort, il est pour la première fois cité « dans des interviews » comme un important chef de milices et surtout « un intermédiaire possible avec les parrains politiques de la milice. ». Après le dîner, il se plaint d’être malade. C’est « par hasard » que le « mécanisme » - mis en place par le secrétariat général pour soutenir la justice congolaise - a été informé du décès du chef Tshikele Kengayi . Il ne savait même pas que l’homme était détenu. Selon ce rapport confidentiel, des traces d’une sorte d’insecticide ont été retrouvées dans son estomac. « D’autres tests » doivent être effectués, précise le secrétariat général, pour savoir si la dose ingérée était « létale ».

Tout n’est pas négatif. L’implication de l’auditeur militaire général, le numéro un du parquet militaire congolais, le général Tim Mukuntu, est présenté comme ayant « un impact direct et positif dans la conduite du procès, (…) mais les progrès dans l’investigation continuent d’être limités ». Depuis le 7 septembre 2018, les services de sécurité congolais n’ont exercé, assure le secrétariat général dans ce rapport, « plus aucune interférence manifeste ». Ce document de quatre pages est signé de Me Rosemary DiCarlo (des États-Unis), une ancienne ambassadrice américaine qui occupe depuis mars dernier le poste de secrétaire générale adjointe aux affaires politiques.

http://www.rfi.fr/afrique/

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