Dieudonné Mirimo : « Le seuil d’éligibilité a l’avantage de réduire le nombre de candidatures »
La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a publié en fin de semaine dernière les résultats provisoires des élections législatives et provinciales. Contrairement aux élections de 2006 et 2011, ces scrutins ont été organisés en recourant au seuil légal de représentativité. Il est de 3% pour les élections provinciales et 1% pour les nationales. Radio Okapi a interrogé Dieudonné Mirimo, le secrétaire général de l’Ecole de formation électorale en Afrique centrale et ancien rapporteur de la Commission électorale nationale (CEI), actuelle CENI. Il explique l’introduction du seuil électoral dans les scrutins de 2018. Interview.
Radio Okapi : M. Dieudonné Mirimo, quelle différence établissez-vous entre les scrutins actuels organisés par la CENI et ceux que vous avez organisés en 2006 et 2011 ?
Dieudonné Mirimo : en 2006, conformément à la loi électorale le siège était attribué suivant la règle de la proportionnelle du plus fort reste pour les circonscriptions à plus de deux sièges et le système majoritaire pour les circonscriptions à un seul siège. En 2006, nous avions 274 partis politiques, 196 se sont présentés avec 15 regroupements politiques. En 2018, nous avons 620 partis politiques. Imaginez si chaque parti politique avait présenté une liste. Cette fois-ci il y avait 69 regroupements politiques avec plus de 15 000 candidats pour la députation nationale, et avec comme ratio, près de 30 candidats pour un siège. Avec l’introduction du seuil national de 1%, il a l’avantage de réduire le nombre de candidatures pour ce qui est des partis politiques, mais aussi la manipulation du vote par les électeurs et les agents électoraux.
Vous parlez de l’introduction de seuil électoral. Que faut-il comprendre par seuil ?
À l’issue du vote, pour ce qui est de la députation nationale, on fait la sommation de tous les votants de la République, et on applique le 1% sur le nombre de suffrages valablement exprimés. Ne participent à l’attribution des sièges que les candidats indépendants, les listes des partis ou regroupements politiques qui ont atteint le 1% au niveau provincial. Au niveau provincial, on regarde les suffrages valablement exprimés dans la province et on applique le seuil de 3%. Ne participe à l’attribution des sièges que les listes des indépendants, les partis et regroupements politiques qui ont atteint ce seuil.
Comment arrive-t-on à déterminer le seuil, le quotient électoral et à déterminer le siège ?
Lorsque la CENI finit d’enrôler les électeurs, on détermine le nombre d’enrôlés. Cette étape se fait avant les scrutins. Le jour des scrutins, on regarde le nombre des suffrages valablement exprimés pour l’ensemble du territoire national en ce qui concerne la députation nationale. Et on regarde les listes des indépendants, partis et regroupements politiques qui ont atteint le seuil de 1%. Seuls les partis et regroupements politiques qui ont atteint le seuil participent à la deuxième étape qui est celle de l’attribution des sièges. Pour ce qui est de l’attribution des sièges, on prend les voix obtenues par les listes des partis et regroupements politiques et on divise par le nombre de sièges de la circonscription pour dégager un quotient électoral d’attribution. On va regarder les listes des partis ou regroupements qui ont atteint le quotient électoral. C’est-à-dire qu’on attribue un siège au prorata du nombre de fois que la liste a atteint ce quotient électoral, jusqu’à ce qu’on épuise l’attribution de tous les sièges prévus par la circonscription. Le siège est attribué à la liste. Dans la liste, il y a des candidats. On va attribuer le siège au candidat de la liste qui a obtenu le plus grand nombre de voix.
Comment alors un candidat qui obtient beaucoup de voix peut ne pas être élu ?
Vous verrez que dans la même circonscription, quelqu’un a obtenu beaucoup de voix mais sa liste n’a pas atteint le seuil. Ce qui fait que vous votez un candidat et vous lui avez donné beaucoup de voix, mais il n’est pas déclaré par la CENI parce que son parti ou son regroupement politique n’a pas atteint le seuil.
Le seuil apporte quel avantage par rapport aux élections de 2006 et 2011 où il n’y avait pas de seuil d’éligibilité ?
Les leçons qui seront tirées pour les prochaines élections est qu’il y aura moins de partis politiques qui vont concourir. Ça ne sert à rien de se présenter et de recueillir de suffrages qui ne vous permettent pas de gagner des sièges parce que votre parti politique n’a pas atteint le seuil de 1% ou de 3%. Nous pensons que comme près de 69 regroupements politiques qui se sont présentés et que 3/4 n’ont pas atteint le seuil, les partis se regrouperont aux prochaines élections pour éviter la multiplicité des listes et des candidatures pour faciliter les opérations et pour les électeurs et pour les agents électoraux.
Quel conseil prodiguez-vous aux formations politiques pour les prochaines élections ?
Nous avons constaté que les acteurs politiques s’engagent dans la compétition sans avoir maitrisé les règles de jeu. Nous les invitons à bien lire la loi électorale avant de s’engager.
Interview réalisée par Billy Ivan Lutumba.