La CVR découvre de nouvelles fosses communes qui divisent les Burundais
La CVR (Commission Vérité et Réconciliation) a procédé hier au lancement des travaux d’exhumation des restes des personnes tuées en 1972 et enterrées dans un site de Mashitsi, dans la commune de Giheta en province de Gitega (centre du Burundi ). Depuis plus de quatre semaines quand la commission a commencé à déterrer des restes humains en province voisine de Karusi, ses actions divisent de plus en plus les Burundais. Des candidats à la prochaine présidentielle ont déjà annoncé que l’une des priorités serait de restructurer «cette commission qui divise au lieu de réconcilier les Burundais » s’ils ont la chance de gagner. ( SOS médias Burundi)
Témoignages :
«Mon mari était cadre à l’agence des services de statistiques et était venu participer à des cérémonies de remise de dot de l’un des membres de sa famille le 30 avril 1972 à Giheta. Selon un témoin, à la fin de cet événement, lui et d’autres personnes relativement aisés ont été interpellés par l’administrateur de la commune de Giheta à cette époque. Ils ont ensuite été conduits à bord d’une camionnette que l’on surnommait «Ngeringeri » à la prison centrale de Gitega. Le directeur de la prison centrale de Gitega Joseph Ndabahagamye avec qui on vivait au quartier de Magarama m’avait accordée la permission de rendre visite à mon mari, et lors de nos échanges, il me disait que pendant la nuit, des camions venaient prendre les détenus pour les transférer dans d’autres prisons du pays. Je lui ai répondu qu’il ne s’agit pas de transferts, mais plutôt qu’ils ont été exécutés. Le 16 mai 1972, mon mari a subi le même sort et a été tué », a témoigné Frederica Bigaragu , une veuve infirmière en retraite du quartier de Magarama dans la ville de Gitega, avant de déclarer être très satisfaite des travaux d’exhumation des restes des corps humains par la CVR.
Bien que la commission brille en exhumant des restes de personnes assassinées pendant la crise de 1972, des Tutsis rescapés d’autres crises dénoncent ce qu’ils qualifient de «partialité » de sa part.
C’est le cas de cet enseignant dont toute la famille a été décimée par des Hutus. «Après l’assassinat du président Ndadaye, le 26 octobre 1993, plusieurs personnes constituées de femmes, hommes et enfants toutes des Tutsis de la colline de Gihuga dans la commune de Giheta en province de Gitega avaient été sauvagement tuées par des Hutus. Elles ont été enterrées dans une fosse commune située dans une petite brousse sur la même colline », raconte Gaspard Niyonkuru, 61 ans, enseignant de l’ethnie Tutsi à l’école fondamentale de Rweru1 qui habite le site de déplacés de Ryanyoni dans la commune de Giheta.
Il dit ne pas comprendre pourquoi la CVR insiste sur la crise de 1972 seulement en ignorant celles de 1965 et 1969 par exemple et lui demande de chercher la vérité sur les crises qui ont emporté les vies des Tutsis aussi. » Cela aiderait dans sa mission de réconcilier tous les Burundais », trouve-t-il.
Comme Niyonkuru, Léonce Nzeyimana, 65 ans trouve inacceptable que la commission ferme les jeux sur le drame qu’il a vécu en 1993. «Mes petits frères Cyprien Masabo et Évariste Nahimana ainsi que plusieurs de mes voisins ont été tués le 30 octobre 1993 sur la colline de Carire dans la commune de Bugendana (province de Gitega). Nous ne savons pas où ils ont été enterrés, mais certains disent qu’ils auraient été jetés dans des toilettes. Un voisin Hutu m’a confirmé qu’ils ont été enterrés dans une fosse commune sur la même colline, mais la CVR n’a jamais fait d’efforts pour trouver la vérité », se désole cet homme qui vit dans un site de déplacés depuis lors.
Il demande à la CVR d’être professionnelle et d’enquêter sur les différentes crises qu’a connues le Burundi.
Cela crédibiliserait le travail de la CVR, selon ce déplacé rescapé de la crise de 1993.
Dans un discours hier lors du lancement d’un chantier d’exhumation des restes des corps humains des victimes des massacres de 1972 dans 4 fosses communes sur le site de Mashitsi, Pierre Claver Ndayicariye président de la CVR a fait savoir que la commission ne se substitut pas à la justice.
Il a réaffirmé que la commission est en train d’accomplir sa tâche de recherche de la vérité et de réconcilier les Burundais.
Des candidats à la prochaine présidentielle dénoncent également des actions de la CVR. Le premier vice-président de la République Gaston Sindimwo et candidat du parti Uprona ainsi que Léonce Ngendakumana, candidat du parti Frodebu ont successivement dénoncé une campagne de la CVR « qui ne s’inscrit pas dans le cadre de ce que les Burundais se sont convenus dans les Accords d’Arusha » et ont promis de «réformer la commission » s’ils ont la chance de gagner les élections. Tellement la question de la commission est sensible que la RTNB (Radio Télévision Nationale du Burundi) n’a pas diffusé mercredi 4 mars les propos de M. Sindimwo alors que ce média public avait couvert le point de presse que le politique avait animé après la déposition de sa candidature à la CENI(Commission Électorale Nationale Indépendante).