Prix officiels de produits agricoles : les commerçants se rebellent
Le ministère en charge de l’Agriculture a fixé mercredi 30 juin les prix de certains produits agricoles. Une mesure loin d’être respectée par les commerçants et les agriculteurs qui la trouvent inappropriée.
Selon le communiqué ministériel, sont concernés les prix de graines de maïs, de pomme de terre, du riz, du haricot, et des oignons. Selon cette mesure, le prix des graines de maïs secs est de 680 BIF le kg. Celui de la pomme de terre est fixé à 700BIF le kg.
Le prix du riz varie en fonction de la variété et de la qualité. Pour le riz paddy grain court, le prix d’achat au producteur est de 830 BIF. Le prix du riz plat grain court a été fixé à 950 BIF alors que celui du riz paddy grain long est à 860 BIF. Quant au riz paddy blanc grain long, il s’achètera à 1000 BIF.
Cette mesure fixe le prix du haricot volubile catégorie 1 homogène à 1100 BIF le kg et à 950 BIF pour le haricot nain homogène catégorie deux. Le prix du haricot mélangé est fixé à 900 BIF. Pour les oignons rouges, le prix au producteur est de 1200 BIF tandis que le prix des oignons blancs est fixé à 750 BIF le kg.
Déo Guide Rurema, ministre en charge de l’Agriculture, explique que la production des principales cultures dont le maïs, la pomme de terre, le riz, le haricot et les oignons a sensiblement augmenté au cours des trois dernières années occasionnant par la suite la baisse des prix de ces produits. « Cela a poussé le gouvernement du Burundi à mettre en place le mécanisme de gestion du circuit de production depuis la deuxième saison culturale 2021. Ce mécanisme encourage les producteurs tout en leur garantissant le marché d’écoulement à un prix rémunérateur calculé sur base du coût de production et des efforts fournis par le producteur».
Des stocks stratégiques
M. Rurema fait savoir que cette mesure a été prise pour protéger les agriculteurs qui sont parfois victimes des spéculations des commerçants : « Des stocks stratégiques ont été constitués afin d’épargner le pays de la pénurie alimentaire au moment de la période critique où ces commerçants en profitent pour augmenter les prix.»
D’après le ministre Rurema, toute la production va bientôt être acheté afin d’encourager les producteurs d’éviter que la production soit un problème au niveau local comme cela été remarqué dans les saisons passées où les agriculteurs ont manqué de marché d’écoulement de leurs productions. Il donne l’exemple des grains de maïs secs dont le prix a été fixé à 680 BIF le kg alors que les commerçants s’en procuraient seulement à un prix variant entre 250 et 350 BIF.
Cette haute autorité met en garde, par ailleurs, tous les commerçants qui passeront outre cette mesure en achetant le surplus de la production à un prix inférieur au prix fixé par le gouvernement : « Les commerçants qui achètent la production sur pied, une mauvaise pratique dite ‘’umurwazo’’, seront sévèrement punis.»
Il demande aux agriculteurs de dénoncer tous les spéculateurs et aux administratifs, surtout ceux en charge de la sécurité, de prêter main forte à son ministère pour la mise en œuvre de cette mesure pour augmenter et valoriser la production agropastorale. « Le Burundi peut vivre grâce aux produits vivriers nationaux sans recourir aux importations. Cela montre que la production de ces produits agricoles a largement augmenté».
Cependant, malgré l’autosuffisance alimentaire avancée par le ministère en charge de l’Agriculture, le Burundi continue d’importer des quantités importantes de produits agricoles vivriers. Les statistiques de la Banque centrale montre que l’importation du riz au cours des trois dernières années est allée croissante, soit 15627 tonnes en 2018, 16960,9 tonnes en 2019 et 17935,3 tonnes en 2020. Les quantités de graines de maïs sec importées étaient de 33611,6 tonnes en 2018, 22693,2 en 2019 et 15999,6 tonnes en 2020.
Une mesure loin d’être respectée
Lundi 5 juillet, il est 11h au marché dit ‘’Cotebu’’. Il s’observe un grand écart entre les prix fixés par le ministère et les prix réels sur le marché. Le prix d’un kg de la pomme de terre fixé à 700 BIF par le ministère dirigé par Déo Guide Rurema varie en fonction de la variété. Il est de 1100BIF le kg pour la variété dite ‘’ndinamagara’’ et 1200 BIF le kg pour la variété dite ‘’Kijumbu’’.
Un kg d’oignon rouge varie entre 1500 et 1800 BIF en fonction de la qualité alors qu’il est fixé à 1200 BIF le kilo par le ministère en charge de l’Agriculture. Le prix de l’oignon blanc fixé à 750 BIF se vend entre 1200 et 1600 BIF le kilo. Le prix d’un kg de haricot de la variété dite ‘’Kirundo’’ qui était fixé à 900BIF s’achète à 1100 BIF tandis que celui de la variété dite jaune fixé à 1100 BIF coûte 1700 BIF.
Dédith Nimbona, cultivateur d’oignons de la colline Kirama zone Bugarama de la province Muramvya, dit ne pas adhérer à la mesure prise par le ministère en charge de l’Agriculture : « Le prix fixé à 750 BIF pour l’oignon blanc par kg est trop bas. Le ministère ne tient pas compte des efforts fournis et du coût de la production pour avoir un kg d’oignon. Les semences coûtent très cher. Un paquet de 250 g s’achète à 45 000 mille BIF sans oublier les frais liés à l’achat d’engrais chimiques.»
M. Nimbona affirme que le prix de l’oignon blanc fixé à 750 BIF le kilo ne reflète pas la réalité sur le terrain où le prix varie entre 1200 et 1300 BIF à Muramvya.
Cet agriculteur estime que le ministère ne devrait pas s’ingérer dans la fixation des prix. Car, estime-t-il, les prix sont déterminés par la production.
La production reste toujours faible
Ce producteur agricole assure qu’il n’y a pas une augmentation de la production, contrairement à ce qu’avance le ministère : « Quand la production est meilleure, le prix des oignons baisse jusqu’à 500 BIF le kg. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Actuellement, les prix sont négociés entre l’agriculteur et l’acheteur.» Au lieu de fixer les prix, conclut-il, le gouvernement devrait d’abord procéder à l’augmentation de la production.
Josée Ndayisaba, commerçante de pomme de terre au marché dit ‘’Cotebu’’, abonde dans le même sens : « L’offre de la pomme de terre sur le marché est très faible. Aucun producteur n’accepte de vendre sa production au prix fixé par le ministère. Le prix est déterminé en fonction de l’offre et de la demande.»
Cette commerçante affirme s’approvisionner à Kayanza, la province la plus réputée pour la production de la pomme de terre. « Le prix d’achat au producteur d’un kg de pomme de terre de variété dite ‘’Kijumbu’’ est de 920 BIF et celui de la variété dite ‘’Ndinamagara’’ s’achète à 850 BIF le kg ». Et de préciser que cette mesure n’a aucune importance tant que la production sera toujours faible.
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