Manque de devises au grand dam des importateurs
Les importateurs indiquent que les devises sont rares dans les banques commerciales et à la banque centrale. Certains affirment avoir cherché des devises à maintes reprises, en vain. D’autres disent les acquérir en quantité insuffisante.
Lundi 2 août 2021. Au marché de Bujumbura city market communément appelé « chez Sion ». Les importateurs de divers types de marchandises rencontrés font savoir que trouver les devises pour importer des marchandises à l’extérieur du pays est un casse-tête : « Nous avons demandé des divises à la banque centrale et aux banques commerciales, mais nous n’avons reçu aucun sou.»
Certains importateurs précisent avoir suspendu leurs activités suite au manque de devises. Ils préfèrent s’approvisionner chez leurs collègues qui ont eu la chance d’aller à l’extérieur du pays.
« Ils fixent les prix comme ils l’entendent. C’est pourquoi nous assistons à la hausse des prix des produits importés, » constate impuissant un ancien importateur devenu grossiste à cause du manque de devises.
Les banques fournissent des devises aux importateurs des produits dits stratégiques. Il s’agit des médicaments, le carburant et les engrais chimiques. Ceux qui s’occupent du commerce d’autres biens se sentent ignorés et s’interrogent sur l’avenir de leur commerce. D’autres commerçants déplorent de leur part le comportement de certains agents de banques qui donnent des devises aux commerçants en tenant compte du favoritisme.
Des importateurs plus tenaces s’approvisionnent au marché noir. Ils disent être au courant de l’interdiction de la BRB de la vente des devises au marché noir. Mais pour eux, il n’y a pas d’autres choix pour trouver les devises et continuer à travailler.
De la hausse des prix des produits importés
B.H. est un importateur des bassins qu’il achète en Ouganda. Pour s’approvisionner en devises il est obligé d’aller à la frontière burundo-tanzanienne où il trouve des shillings sans problème mais à un prix élevé. « Je suis obligé de revoir le prix à la hausse pour récupérer tous les frais liés au coût d’achat des marchandises ».
D’autres importateurs disent avoir diminué la quantité des produits importés suite au manque des devises.
Les victimes sont les clients. Le prix de certains articles a doublé sur le marché.
K. B., un importateur des matériaux de construction croisé au quartier asiatique de la commune urbaine de Mukaza, fait savoir qu’il a demandé des devises auprès des banques commerciales sans succès. Il se débrouille pour obtenir des devises. Il cherche les commissionnaires qui connaissent bien le marché qui l’aide à trouver les devises à un prix de 3360 BIF par dollar américain. Il rémunère les commissionnaires en tenant compte des devises collectées. D’après ce commerçant les prix des marchandises au marché international n’ont pas changé, elles coûtent en plus moins chères. C’est la BRB qui complique les choses en ne fournissant pas les devises.
Cet importateur parle également de pénurie de devises car les prix de certains produits importés ont été revus à la hausse. Il donne l’exemple des fers à béton et des tubes métalliques. Le fer à béton d’origine turque vient d’être revu à la hausse. Le fer à béton de 12 mm de diamètre et 12 mètres de longueur coûte 60 mille BIF contre 41.000 BIF du mois de mars. Les tubes métalliques de 60 fois 60 d’origine kenyane sont vendus à 55 mille BIF contre 36 mille BIF du mois de mars. Ceux de 16 fois 16 s’obtiennent à 15 mille BIF contre 23000 BIF.
Les devises disponibles sont partagées entre les importateurs
Antoine Muzaneza président de l’association des commerçants du Burundi(ACOBU) n’est pas du même avis que les importateurs qui disent ne pas être servis par la banque de République du Burundi(BRB). Il reconnaît que la banque fournit les devises en quantité insuffisante. Selon lui, toutes les devises sont partagées par les importateurs qui ont des licences d’importation mais après avoir servi les importateurs des produits stratégiques. Il interpelle les commerçants de ne pas recourir au marché noir. M.Muzaneza recommande plutôt aux commerçants de s’approvisionner localement par des produits fabriqués sur place. La Covid-19 est l’une des causes de la hausse des prix des produits importés. Depuis l’apparition de la pandémie, les prix des marchandises importées ont été revus à la hausse à plus de 50 %. Les marchandises en provenance de la Chine, de l’Europe et de Dubaï ont connu une forte augmentation. Le délai de livraison d’une une semaine avant la pandémie pour les marchandises dont les importateurs utilisent les bateaux, est passé à trois mois. La faible production locale est aussi à la base de la hausse des prix.
« Le gouvernement n’a pas de solution magique »
Prosper Niyoboke, économiste et professeur d’universités, fait savoir que la sécheresse des devises dans les banques est une évidence incontestable : « Le gouvernement n’a pas de solution magique. Le gouvernement peine à assurer des devises dans un contexte de baisse des investissements directs étrangers, de rupture d’aides directes au gouvernement et de peu de recettes récoltées des exportations traditionnelles et du tourisme. »
M. Niyoboke précise que la marge de manœuvre est aussi limitée par la baisse accrue des réserves de devises. C’est ainsi que le gouvernement voudrait prendre des mesures limitant l’accès aux devises étrangères afin de maintenir le taux de change. Ce qui par conséquent affecte les industries, les commerçants et évite une sorte de point mort de l’activité économique pour ne pas se retrouver en face d’un système financier au bord de l’apoplexie.
Cet économiste indique que le gouvernement a déjà tenté plusieurs solutions pour pallier cette crise mais sans résultats tangibles. Le fait de maintenir artificiellement le taux de change du BIF et de limiter les transactions faites en monnaies étrangères ne fait qu’aggraver la situation d’une crise qui risque de se transformer en récession.
Le gouvernement devrait réagir en se servant des canaux budgétaires et monétaires pour instaurer la rigueur du système financier.
Les conséquences de cette crise de devises se traduisent par un ralentissement considérable des opérations d’importation d’intrants, de produits et d’équipements de production, de maintenance de l’outil de production.
Il ajoute que certains produits finaux qui permettaient de compléter la production du pays ne seront plus importés ce qui occasionnera une hausse des produits de première nécessité par le simple fait que la seule production locale ne peut couvrir la demande domestique .
Contactées, les autorités de la banque centrale n’ont pas voulu s’exprimer.
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