L’âge de Sosthène MUNYEMANA lui donne faveur à sa peine génocidaire
Le retraité rwandais Sosthène MUNYEMANA âgé de 68 ans, a été reconnu coupable de génocide, de crimes contre l’humanité, de participation à une entente en vue de la préparation de ces crimes, ainsi que de complicité. Il a été condamné à une peine de réclusion criminelle de 24 ans. Pendant huit années consécutives, il restera incarcéré, puis il pourra bénéficier d'un allégement de sa peine avec la possibilité de libération conditionnelle.
Le verdict émis par la Cour d’Assise de Paris semble accorder une clémence à un fugitif de longue date dont le Dr Sosthène MUNYEMANA, coupable d'un crime aussi grave que le génocide. Les survivants de la tragédie rwandaise de 1994 perçoivent cette décision comme une faveur accordée à un criminel qui devrait répondre pleinement de ses actes odieux commis à Tumba, dans l’ancienne Préfecture de Butare, au Sud du Rwanda.
Selon un rescapé de Tumba qui a préféré rester anonyme, « Les fugitifs poursuivis par la justice jouent sur la dimension temporelle. Ils se dissimulent principalement dans les pays occidentaux, notamment en France et en Belgique. Même lorsqu'ils sont appréhendés, ils n'accomplissent pas intégralement leur peine infligée, car beaucoup d'entre eux ont vieilli et bénéficient, par conséquent, d'une certaine souplesse dans les conditions de leur incarcération ».
Il déplore la célérité insuffisante de la justice internationale, arguant qu'elle ne mobilise pas les efforts adéquats pour appréhender de manière immédiate les présumés génocidaires en fuite. Il évoque, à titre d'exemple, le procès du fugitif recherché Félicien KABUGA, appréhendé en 2020 à proximité de Paris après 25 années de cavale.
Au cours de quelques jours de son procès, le tribunal de l'Organisation des Nations Unies, établi à La Haye, a notifié que Félicien KABUGA, présumé financier du génocide au Rwanda en 1994, aujourd'hui octogénaire, présentait une « inaptitude » manifeste à être jugé selon les modalités traditionnelles en raison d'une dégradation significative de ses facultés mentales. Cette circonstance, souligne-t-il, insuffle vigueur et encouragement aux fugitifs avancés en âge qui pourraient tirer profit de cette flexibilité dans les conditions d'incarcération, étant donné leur avancée en âge. Il déplore ainsi l'écart entre leur responsabilité criminelle et la peine encourue.
"Le Dr Sosthène MUNYEMANA est une figure emblématique dans l’entité administrative de Tumba pour sa position politique et sa place sociale entant qu’un Médecin qui connaissait ce qu’il faisait pendant le génocide perpétré contre les Tutsi en 1994", ajoute Prosper MUHIGANWA natif de Tumba dont les parents ne cessent de lui parler du rôle indéniable de MUNYEMANA dans le crime de génocide dans la ville de Butare.
La France ne constitue plus un refuge pour les présumés génocidaires
L'Ambassadeur de France au Rwanda a affirmé que son pays ne représente plus un lieu de refuge pour les présumés génocidaires rwandais. Cette déclaration a été prononcée le 17 novembre 2023 lors de l'atelier organisé par PAX PRESS, en partenariat avec RCN Justice et Démocratie, visant l'échange d'informations sur les processus de compétence universelle, avec une focalisation particulière sur le cas du Dr Sosthène MUNYEMANA.
Les survivants du génocide discernent en cette déclaration un message éloquent qui a son mérite, tout en nécessitant une détermination collective de la part de tous les États européens abritant encore des fugitifs faisant l'objet d'un mandat d'arrêt international émis par le Rwanda, afin d'accélérer les procédures d'inculpation à leur encontre. "Il s'est écoulé bientôt trois décennies, jour pour jour, depuis la perpétration du génocide contre les Tutsi. Cette période considérable semble avoir induit un oubli du poids de ce crime, toujours pesant sur les victimes, tandis que les responsables errent en toute quiétude, revêtus d'une innocence criminelle", a répliqué NIYOYITA Emmanuel, rescapé du génocide à Ngoma, dans la ville de Butare, actuellement Huye.
Il enjoint tous les États de la planète à procéder à l'arrestation de tous les présumés fugitifs génocidaires, afin qu'ils comparaissent devant les tribunaux au nom de la justice et de l'humanité. À défaut, il prévoit également une dizaine de procès pour les coupables de premier plan, à l'instar du Dr Sosthène MUNYEMANA qui n'a devant lui que huit années de réclusion criminelle, avec le reste de sa peine notablement atténuée. De même, il attire l'attention sur les tribunaux européens susceptibles d'accueillir des cas de coupables avancés en âge, qui pourraient bénéficier du même sort que Félicien KABUGA, portant ainsi préjudice à la justice et aux victimes.
MUNYEMANA doublement inculpé, légèrement condamné
Le Dr Sosthène MUNYEMANA, affublé du sinistre surnom de "Boucher de Tumba" en raison de ses actes ignobles similaires à ceux du "Boucher humain", fut condamné en 2008 par les Juridictions Participatives Gacaca à une peine d'emprisonnement à perpétuité. Puis, en cette date du 20 décembre 2023, il a été de nouveau reconnu coupable, écopant cette fois-ci d'une réclusion criminelle de 24 ans, assortie d'une option d'adoucissement de sa peine.
"Nous formulons le vœu ardent que tous les présumés coupables du crime de génocide comparaissent devant les tribunaux dans les plus brefs délais, avant d'atteindre l'âge d'incapacité mentale, comme c'est le cas pour le fugitif notoire et regrettable Félicien KABUGA, ou avant de bénéficier de toute indulgence de peine en raison de leur état de santé ou de leur âge, à l'instar de la situation de Sosthène MUNYEMANA. Nous déplorons également le risque de décès pour ces présumés coupables avant qu'ils ne puissent comparaître devant les tribunaux", recommande avec insistance UMUKUNDWA Immaculée.
Hategekimana Innocent