Quand les bus changent de direction : population confuse et frustrée
La plupart des usagers de bus desservant différents quartiers de la ville économique de Bujumbura se lamentent : il arrive souvent que les bus changent soudainement de direction ou s’arrêtent dans des arrêts de bus non convenus, loin des points connus. Ce phénomène tend à se généraliser créant la confusion, des retards et des disputes entre les passagers, les convoyeurs de même que les chauffeurs.
A l’arrêt de bus du centre-ville de Bujumbura, sur les longues files des passagers, à côté des plaintes dues à la fatigue consécutive au temps passé et perdu à attendre les bus, il y a des inquiétudes des passagers de se voir « largué » quelque part avant leur destination.
« Ce qui fait mal, c’est que ce phénomène est en passe de devenir une norme dans le transport en commun », se désolent la plupart de ces passagers de bus.
Depuis quelques semaines, notent-ils, de nombreux bus en direction des différentes zones de la ville de Bujumbura modifient, selon les ’’caprices ou des calculs’’ des chauffeurs et leurs convoyeurs, leur itinéraire, déviant des lignes habituelles sans explication, ce qui laisse les passagers perplexes et désemparés. Ils se retrouvent obligés de se débrouiller pour regagner leur domicile.
Une décision de mettre des autocollants indiquant la direction de chaque bus a été prise, il y a quelques mois, mais bon nombre des usagers des bus se demandent à quoi sert cette mesure : « Il n’est pas rare de croiser un bus desservant Buterere ou un autre quartier sur le parking de Mirango à Kamenge, ou vice versa, ce qui crée la confusion parmi les passagers », se plaignent ces usagers des bus.
Les raisons de ces changements d’itinéraires demeurent floues, et chaque passager a sa propre hypothèse. Certains avancent que ces changements partent de décisions aléatoires des chauffeurs eux-mêmes pour gagner plus d’argent dans un contexte de pénurie de carburant.
D’autres confient qu’il y aurait une certaine corruption, des pots de vin versés à certains agents chargés de la sécurité aux différents parkings ou même aux policiers en poste dans les environs.
Les passagers habitant les quartiers du nord de la mairie de Bujumbura, notamment ceux des quartiers Gasenyi et Mirango récriminent qu’il n’y a plus de bus à destination de leurs quartiers.
Tous les bus, même ceux estampillés Gasenyi et Mirango desservent les points comme Busigo-Itonde et Gisandema. « Tous les chauffeurs préfèrent transporter les passagers de Busigo-Itonde parce que là on paie 1000 FBu contre 650 FBu de Mirango. C’est frustrant pour les habitants de Mirango, ils sont obligés de prendre les bus qui vont à Busigo », déplore un habitant de Mirango.
L’autre mauvaise habitude des transporteurs, ils font le trajet jusqu’au marché Cotebu à 1000 FBu et le même véhicule fait un autre itinéraire de Cotebu-ville, ce qui fait 1500 FBu pour un simple aller au lieu de 600 Fbu.
« Tous les matins, je dois payer 1500 FBU pour arriver au centre-ville. Il n’y a plus de bus ’’Ville-Mirango-Rond-point’’ ces derniers jours. Tous les bus quittent Mirango et se dirigent vers Cotebu, Kwa Siyoni ou Ruvumera. Toujours pour payer 1000 Fbu. Nous sommes habitués à cela. On arrive à Cotebu, on prend un autre bus à 500 FBu vers le centre-ville. Et c’est dans le cas où je ne paie pas 4000 FBu pour les taxis communs », se plaignent la plupart des habitants des quartiers du nord de la ville de Bujumbura comme Mirango.
Une habitante du quartier Gihosha se lamente : « Au parking de Gihosha, on peut passer plus d’une heure sans avoir de bus. Seul un bus de marque Toyota Coaster fait des va et vient. On vient de passer des mois sans que les bus passent sur notre itinéraire. Et même ce bus ne va jamais au-delà de l’arrêt de bus dit Mont Sion. Les agents chargés de la sécurité aux parkings nous ont dit que lors de l’identification des bus, Gihosha ne disposait que d’un seul bus Coaster ».
Ces changements d’itinéraires affectent les travailleurs, les étudiants et les commerçants, perturbant leurs horaires suite aux retards enregistrés. « Je fais toujours deux trajets plutôt qu’un seul, pour arriver au boulot. Tu t’imagines un trajet à 650 FBu, tu le fais toujours à 1500 voire 2000 FBu ou plus. On ne sait jamais à quel point le trajet sera long ou court », se plaint un passager rencontré après avoir raté son bus.
Les autorités réagissent
Le maire indique que la politique des autocollants répondait au besoin d’éviter le désordre : « C’était, premièrement, pour que les passagers trouvent facilement leurs bus. Secundo, c’était pour que les chauffeurs ne se dirigent pas seulement vers un itinéraire et éviter les autres et enfin les bus ont été recensés dans l’optique de transporter les gens à jusqu’à leur destination ».
Concernant les possibles arrangements ou magouilles qui se font entre certains policiers, les chauffeurs ou les agents chargés de la sécurité des parkings, le maire de la ville, Jimmy Hatungimana avoue qu’il n’était pas au courant : « Nous invitons la population à contacter la mairie et de dénoncer des cas pareils ».
Charles Ntirampeba, le représentant de l’Association des Transporteurs du Burundi donne quelques éclaircissements : « Le problème réside en grande partie au manque de carburant. C’est la loi de l’offre et de la demande, les passagers sont nombreux et les véhicules sont peu nombreux. Le peu d’automobiles qui parviennent à avoir du carburant essaient à leur tour de prendre des destinations qui ne leur demande pas trop de longs trajets pour économiser le carburant ».
Pour le cas de Mutanga-Nord-Gihosha, le représentant de l’Atrabu fait savoir que ces bus ne fonctionnent presque plus à cause de la pénurie d’essence et de mazout.
Concernant les chauffeurs qui se facilitent la tâche prenant des directions ou l’on paie 1000 FBu laissant celles de 600 FBu, souligne-t-il, la mairie et la police peuvent aider pour corriger cela.
Le représentant de l’Atrabu, soulève tout de même ses craintes : « Notre secteur est le plus touché à avoir des problèmes liés au manque de carburant. Il y a les impôts et taxes que nous peinons à payer, les dettes auprès des banques à apurer, la cherté des pièces de recharge et des pneus, sans oublier la quantité de carburant dont nous bénéficions afin de transporter les passagers à un prix raisonnable. Si l’Etat pouvait nous exempter des taxes pendant cette période cela nous aiderait beaucoup », plaide-t-il.
Le représentant de l’ATRABU explique que son association n’était chargée que de l’identification des véhicules, la tâche de mettre des autocollants indiquant la destination revenant à la mairie de Bujumbura. C’est pour cela qu’il demande à la mairie et aux chargés de la sécurité aux différents parkings de bien faire le suivi pour qu’il n’y ait pas des disparités entre les passagers et ceux qui se rendent à leur boulot soient pris en compte.
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