avr
19
2025

Goma devient le théâtre d’une recomposition politique de la RDC

Depuis près de trois mois que les forces de l’AFC/M23 ont pris le contrôle de la ville de Goma, véritable verrou stratégique de l’Est congolais, l’on assiste à une métamorphose inédite et déroutante du paysage politique et sécuritaire de la République démocratique du Congo.

 

Ceux que le discours officiel qualifiait naguère de “ pantins », de supplétifs de puissances étrangères et de « terroristes », sont désormais devenus des interlocuteurs que l’on fréquente, voire que l’on courtise dans les arcanes feutrés des négociations parallèles. Cette volte-face lexicale et diplomatique, lourde de significations politiques, témoigne de l’extraordinaire plasticité des alliances et de la brutalité des renversements d’équilibres dans un espace national où l’idéologie se plie aisément aux impératifs de survie et de recomposition du pouvoir.

A Goma comme à Kinshasa, les masques tombent et la rhétorique guerrière cède peu à peu la place aux tractations obscures, où les intérêts convergents de certains acteurs politiques et militaires réécrivent à huis clos les rapports de force que le peuple subit dans le fracas des armes et l’écho des promesses trahies.

En politique congolaise, rien n’est jamais anodin. Aucun déplacement ne se veut innocent, et chaque geste posé par les figures majeures de l’histoire nationale recèle son lot de symboles et de stratégies voilées.

L’arrivée de l’ancien président Joseph Kabila Kabange à Goma, au cœur du Nord-Kivu ensanglanté, s’inscrit précisément dans cette logique de lectures à plusieurs niveaux et d’arrière-plans mouvants.

Confirmée en ce 18 avril par des sources crédibles, aussi bien dans les cercles de l’AFC/M23 que dans l’entourage immédiat de l’ancien chef de l’État, cette descente a pris des allures de séisme politique dans une région où la moindre initiative d’un acteur de cette stature pèse de tout son poids.

Plus révélateur encore : Joseph Kabila aurait transité par Kigali avant de gagner Goma, un itinéraire qui, dans le contexte actuel de tensions régionales et d’accusations croisées, ne peut relever du simple hasard diplomatique.

Ce déplacement s’apparente à un acte politique délibéré, un signal adressé tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières, dans une RDC où le pouvoir se dispute et se négocie aussi bien à Kinshasa qu’à travers les collines du Kivu. Il intervient dans un climat où l’actuel président Félix Tshisekedi accuse ouvertement son prédécesseur d’entretenir, dans l’ombre, des accointances avec l’AFC/M23, acteur militaire et politique majeur dans la partie orientale du pays. Dès lors, loin d’être anodine, ceci pourrait bien s’inscrire dans une vaste recomposition de la scène politique congolaise.

Sur les rives du lac Kivu, la population oscille entre espoir et méfiance. Certains, lassés d’une guerre interminable, veulent croire à la capacité de Joseph Kabila de servir, dans un conflit où les lignes de fracture dépassent de loin les seules considérations ethniques et militaires. D’autres, à raison, redoutent une manœuvre de retour en grâce, un coup de maître dans l’art congolais de la résurgence politique par les marges.

Car il serait naïf de penser que l’ancien président, fort de ses réseaux sécuritaires, militaires et économiques tissés durant ses dix-huit années de pouvoir, ne nourrit aucune ambition dans la configuration à venir du pouvoir d’État.

La RDC se trouve ainsi à la croisée des chemins : entre la consolidation d’un pouvoir central affaibli et contesté, et la résurgence d’anciens barons politiques prêts à capter à leur avantage les failles du système. Joseph Kabila à Goma pourrait bien être le prélude à une réarticulation politique de grande ampleur, où alliances, trahisons et nouvelles coalitions redessineront les contours du pouvoir congolais à l’approche des prochaines échéances.

Le pays, pris entre l’aspiration légitime à la paix et les jeux cyniques d’appareils politiques en quête de survie et d’influence, s’apprête sans doute à écrire une nouvelle page de son histoire tourmentée.

Le retour de Joseph Kabila sur le théâtre politique, sous couvert d’une visite dans une zone de conflit, sonne ainsi comme un rappel brutal : en RDC, le passé ne meurt jamais vraiment. Il sommeille, guette, et reprend place au moment où les fractures du présent le rendent inévitable.

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