Aide de l’UA ? Non, merci !
Dans sa 808è réunion, le Conseil paix et sécurité de l’UA a réitéré sa demande au gouvernement burundais de signer un mémorandum d’entente sur le déploiement des observateurs des droits de l’homme et experts militaires sur son sol. Inutile, assure Bujumbura.
Tout remonte au plus fort de la crise de 2015. Après l’échec de faire venir la Maprobu au Burundi, une force de maintien de la paix de 5000 hommes, l’Union Africaine a décidé de déployer dans l’ « immédiat » des observateurs pour prévenir l’escalade de la violence au Burundi. A l’époque, Bujumbura accepte le déploiement de 100 observateurs des droits de l’Homme et 100 experts militaires sur son territoire.
Mais la réalité sur terrain sera toute autre : seuls 32 observateurs des droits de l’Homme et 15 experts militaires ont pu fouler le sol burundais. Et ce avec un retard de six mois sur le calendrier convenu. En cause, la persistance des points de friction sur le modus operandi.
Pour le gouvernement burundais, les rapports des observateurs des droits de l’Homme à destination d’Addis-Abeba doivent d’abord avoir son aval. Inadmissible pour l’UA. Autre point de discorde, l’armement des experts militaires qui doivent être déployés sur la frontière burundo-rwandais. Les autorités burundaises furent allergiques à cette proposition, dégainant aussitôt son arme absolue : sa souveraineté.
Deux ans plus tard, la question est remise sur le tapis dans un contexte particulier. Une nouvelle Constitution est en vigueur, le président Nkurunziza a annoncé qu’il ne briguera pas un autre mandat et le dialogue inter-burundais est toujours en panne.
Analyse
Des signes précurseurs d’une (re)prise du dossier burundais en main?
Recevant un rapport sur l’échec du dialogue inter-burundais du facilitateur Benjamin Mkapa, lundi 19 novembre, le président Yoweri Museveni, le médiateur dans la crise burundaise, a tenu ces propos relayés par ChimpReports, un quotidien ougandais : «Le Burundi devrait élaborer une nouvelle Constitution capable de mettre en œuvre la sécurité et la protection de tout le peuple afin que les Burundais puissent rentrer chez eux et vivre en paix.»
Le Conseil paix et sécurité de l’UA a demandé instamment, le même jour, au Burundi de signer le mémorandum d’entente avec l’UA sur le déploiement des observateurs des droits de l’Homme et experts militaires. Des signes précurseurs d’une initiative en cours de ces deux organisations sous-régionale et continentale après avoir été humiliées par Bujumbura? L’EAC du fait du refus de Bujumbura de participer au « dernier round » du dialogue inter-burundais, invoquant, à la dernière minute, une période de deuil pour tout le mois d’octobre. Et l’UA en raison du rejet implicite de sa proposition d’accompagner le régime burundais dans l'organisation d'élections « crédibles » via notamment la création d’un climat apaisé. Aux dires de son porte-parole, Jean-Claude Ndenzako, le président Nkurunziza avait un « carnet chargé », l’empêchant de rencontrer le commissaire paix et sécurité de l’UA, Smaël Chergui, comme « convenu », lors de sa visite de travail, au Burundi, du 5 au 7 novembre 2018.
Perdre la face ou reprendre la main ?
Dans cette hypothèse, l’initiative devrait s’assortir d’un levier puissant pour infléchir la position de Bujumbura, qui n’a pas bougé d’un iota depuis le 28 décembre 2015 à Entebbe. Brandir la menace d’une mise à terme de la mission du contingent burundais au sein de l’Amisom? Hautement improbable, à court terme, tant remplacer plus de 5 mille hommes au pied levé n’est pas envisageable et même souhaitable pour les uns et les autres.
Pour des raisons différentes. D’autres options seraient à mettre sur la table. Si initiative il devait y avoir, elle sortirait, ces prochains jours, pour tenter d’influer sur le cours des événements, en l’occurrence, pour que le dialogue inter-burundais à l’agonie puisse trouver un second souffle. Enjeu pour la communauté internationale : des élections crédibles, transparentes et apaisées en 2020 pour tourner définitivement la page de la crise burundaise qui a éclaté en avril 2015. Sinon, en 2019, Bujumbura aura d’autres priorités qui induiront d’autres contraintes pour l’opposition. Sans oublier les sentiers funestes que les uns et les autres peuvent suivre en désespoir de cause. Les signataires de la proposition de sortie de crise de l’opposition, l’EAC et l’UA en sont conscients : seul le régime burundais a le temps pour allier.