nov
12
2018

Arusha : What’s next ?

Véritable réquisitoire, la proposition de sortie de crise de la classe politique présente à Arusha au 5è round du dialogue demande également l’implication des étrangers dans certains mécanismes. Une utopie, selon Bujumbura.

L’opposition n’y va pas de main morte. Bujumbura, la médiation, l’EAC, l’UA, l’ONU, tous sont appelés à la barre pour un réquisitoire bien corsé. Le document que l’opposition présente à la session dernière peint la déception de cette classe politique par rapport à ses attentes.

Déception concernant le médiateur qui se trouve également être le patron de la communauté Est-africaine. Museveni a brillé par son absence. Durant le processus de dialogue inter-burundais, le président ougandais n’était pas disponible.

Les chefs d’Etat de la sous-région ? Démissionnaires. Aucun sommet ‘spécial Burundi’, aucune évaluation, ils étaient désintéressés.

L’opposition n’est pas également tendre avec l’Union africaine et les Nations unies. Que des décisions et des résolutions prises, mais jetées par la suite dans les oubliettes.

Les leaders de l’opposition parlent aussi d’un Bujumbura stratège en jouant les prolongations, en faisant cavalier seul dans la prise de grandes décisions. De la modification de la Constitution à la feuille de route de Kayanza, en passant par la mise en place de la Commission électorale nationale indépendante, Ceni.

Des étrangers dans la gestion du pays

Le facilitateur Benjamin Mkapa a sonné le glas d’un dialogue en panne tout le long du processus. Son sifflet final ne marque pas la fin de la crise burundaise, loin de là. Le pouvoir en place n’a pas daigné participer à la dernière session. Une politique de la chaise vide qui en dit long sur sa volonté de ne pas s’asseoir avec l’opposition pour en finir avec la crise en cours depuis en 2015.

Dans ce contexte, l’opposition a réclamé ce qu’elle a appelé ‘un autre cadre de dialogue’ sous l’égide de l’Union africaine et les Nations unies. Les élections approchent à grands pas et il faut les préparer minutieusement. Dans ce cadre, l’ouverture de l’espace politique, l’amélioration des conditions sécuritaires et des droits de l’homme seraient à renforcer.

En outre, l’opposition présente à Ngurdoto réclame une ‘composante internationale’ dans certaines « institutions consensuelles » pour rassurer tous les Burundais. Il s’agit de quelques observateurs étrangers choisis parmi les garants de l’Accord d’Arusha de 2000, c’est-à-dire l’ONU, l’Union africaine et l’EAC.

Il faudrait donc des étrangers choisis et qui feront partie d’un mécanisme mis en place pour superviser l’évaluation du respect de la mise en application de l’Accord d’Arusha. L’opposition réclame aussi que la Commission électorale nationale indépendante, Ceni ait parmi ses membres, des étrangers et des Burundais réunis.

L’opposition pense également qu’il faut ce qu’elle appelle ‘les institutions consensuelles’ pour des élections crédibles, évitant avec soin de prononcer les mots ‘gouvernement de Transition’. Là aussi il faut des personnalités étrangères dans ce mécanisme pour veiller à l’application stricte des voies de sortie de crise. Des personnalités choisies aux Nations unies, à l’UA et à l’EAC.

En réaction aux propositions de l’opposition, Willy Nyamitwe, le Conseiller principal à la présidence de la République lance : « La folie commence par des gestes.» L’ambassadeur trouve que ‘’ces individus’’ ont prouvé qu’ils n’ont pas de vision claire pour l’avenir de leur nation jusqu’à penser que l’étranger pourrait gérer en lieu et place du peuple burundais. « Ils se sont condamnés au déclin et nous ne pouvons qu’assister malheureusement à leur déraison ».

Analyse : « Contribution à une résolution rapide de la crise » ?

Les leaders de l’opposition présente à Arusha se veulent optimistes. Le document présenté va contribuer à une résolution rapide de la crise. «Nous appelons le peuple burundais à adhérer à ces propositions porteuses d'espoir pour la Nation burundaise »



Sauf que le 5è round sonne plus comme un échec. Avec le boycott de Bujumbura, du parti au pouvoir et ses alliés, difficile d’en être autrement. On dialogue avec le protagoniste, pas entre amis. La chaise vide du gouvernement et ses alliés est aussi une humiliation pour la facilitation. Mkapa s’est dit fatigué par les demandes en cascade de Bujumbura qui a soufflé le chaud et le froid à n’en plus finir. Une lassitude qui s’est traduite par l’organisation d’une session, malgré la demande de report du gouvernement. 



Reste à savoir comment la sous-région prendra cet échec et quelle suite elle va apporter au processus. Sans jouer les oiseaux de mauvais augure, il serait difficile pour les chefs d’Etat de l’EAC de se convenir sur une position commune contre le pouvoir de Bujumbura. La Tanzanie fait face à une crise diplomatique avec l’Union européenne. L’ambassadeur de cette institution a récemment été renvoyé. Dar-Es Salem et Nairobi ont par ailleurs entrepris la réforme des ONG étrangères dans le sillage de Bujumbura. Museveni, quant à lui, aurait du mal à jouer les donneurs de leçons, au regard du contexte des droits de l’homme et de démocratie ougandais actuels.



Sans parler du Rwanda dont les relations avec son voisin du côté de la Kanyaru ne sont pas au beau fixe, sinon tourmentées par des accusations mutuelles de tentatives de déstabilisation. A ce stade, il est tout à fait logique que l’opposition, en dernier recours, appelle l’Union africaine et les Nations unies à la rescousse. Le remède miracle serait peut-être à trouver de ce côté-là. A ce propos, le président de la commission paix et sécurité de l’Union africaine est en visite à Bujumbura, lundi 5 novembre. Smaïl Chergui a rencontré différentes autorités. Même si rien n’a pour le moment filtré, certains observateurs voient dans la visite du patron de la commission Paix et Sécurité de l’UA une façon de prendre le relais après l’échec de la facilitation de Mkapa à Ngurdoto.



En tout cas, le pouvoir en place a fait son choix : plutôt que d’aller dialoguer à Arusha, pourquoi ne pas faire un détour au Sud-Kivu, histoire de déloger quelques « rebelles ou bandits,» à l’origine des récentes attaques de Ruhagarika et Nyamitanga…

 Agnès Ndirubusa

http://www.iwacu-burundi.org/

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