Bannir la transmission biaisée de l’identité clanique ou ethnique à l’enfant
Le Burundi et la région des grands-lacs ont connu des crises identitaires dont les conséquences n’en finissent pas. Faut-il informer l’enfant sur son identité clanique ou ethnique ? Oui, mais sans l’inciter à la haine, conseille Chartier Niyungeko, expert en transformation et résolution pacifiques des conflits.
Est-il nécessaire que l’enfant soit informé sur son identité clanique ou ethnique ?
La famille s’avère la première institution de socialisation par excellence. Mes enfants m’ont posé un jour la question de savoir notre groupe ethnique. J’étais avec leur maman et nous avons rigolé. Mais c’est bien d’y répondre. Avant tout, je dois dire que l’identité est une chose très importante dans la vie de toute personne. Depuis la naissance, pendant le processus de croissance de l’enfant, il évolue dans une société et a des racines dans une famille. Au fur et à mesure qu’il grandit, il cherche toujours à s’identifier aux gens qui l’entourent. Avec les conflits identitaires que l’on a connus dans la sous-région, on a une mauvaise compréhension et conception des identités claniques et ethniques. Quand on parle d’ethnie, on voit directement quelque chose de négatif car toutes les crises cycliques qu’on a connues prennent racine dans des conflits identitaires.
La transmission de l’identité clanique ou ethnique à un enfant est très simple. Si on ne lui explique pas avec amour, il cherche à savoir par ses propres moyens. Le danger que représente cette situation est qu’il peut découvrir cette identité clanique ou ethnique d’une manière violente. Les autres peuvent le manipuler et l’inciter à la violence. Par exemple lui dire que nous, membres de tel groupe ethnique, nous sommes bons mais que les autres sont mauvais. Voilà ce qui est mauvais pour la société.
Comment informer l’enfant sur son identité sans l’inciter à la haine ?
On doit lui inculquer que la vie est faite de la diversité. La diversité sociale, clanique, ethnique, régionale est quelque chose de normal. Différents groupes sociaux, ethniques, différentes croyances et autres cohabitent. Comme nous sommes dans un contexte post-conflit lié aux identités, il faut expliquer qu’il y a eu mauvaise compréhension et conception des identités ethniques. Il est important que l’enfant connaisse que la diversité est une richesse. Être Hutu, Tutsi ou Twa c’est normal comme être Rwandais, Tanzanien, Congolais. Il faut lui montrer les erreurs et horreurs du passé, là où les choses ont viré au pire. Ainsi, on lui évite de sombrer dans la haine contre d’autres groupes.
Y a-t-il des moments où l’on revient souvent sur des thématiques concernant les identités ?
Dans une société ayant connu des crises cycliques, les gens n’ont pas la même version de leur histoire. C’est un même passé dont les interprétations diffèrent. C’est pendant des moments de commémoration de ces évènements que les gens transmettent ces informations aux enfants. Malheureusement, les enfants captent ces informations très marquantes, vexantes et soutiennent que les membres de l’autre groupe leur ont fait du mal. Cette transmission des identités aux enfants devient dangereuse.
Quel est le danger que représente cette transmission des identités mêlée d’incitation à la haine ?
Le danger est imminent. L’enfant devient susceptible d’être tombé dans la manipulation identitaire. Quand on transmet une identité ethnique à l’enfant d’une façon négative, on l’empoisonne sans le savoir. Il peut grandir avec des blessures et des potentialités de violence. Il suffira de vivre un évènement qui va raviver les tensions, il réagit directement sur base des informations reçues et ses croyances. La transmission biaisée de l’identité clanique ou ethnique à l’enfant ne fait que créer un cycle de violence. Il suffit de vivre des courants socio-politiques et les gens commencent à se ranger.
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