Burundi : Des activités qui dégradent l’environnement dans la commune Giheta
Les montagnes et les cours d’eau dans la commune Giheta sont aujourd’hui menacés par l’exploitation illégale des matériaux de construction. Pour les vendeurs, ils payent énormément de taxes pour ne pas profiter pleinement de la nature. Le ministère qui a l’environnement dans ses attributions appelle plutôt à la rigueur pour l’octroi des autorisations.
A Gisagara dans la zone Kiriba en commune Giheta, la population, surtout les jeunes, n’a d’autres activités que d’exploiter les moellons, les graviers et le bouillon. Atteinte par la route goudronnée RN15 puis par des pistes qui serpentent cette montagne accidentée à travers les rochers et des troues béants, seuls des vrombissements des camions à benne qui font des navettes sur cette montagne viennent troubler le repos de ce monde rocheux. Dépourvu de vie si ce n’est de trop rares maisons érigées au pied de ce massif montagneux, l’extraction des carrières à cet endroit fait le bonheur des jeunes et moins jeunes. Mais avant d’atteindre le sommet de cette montagne dont les trous béants laissés par les anciens exploitants, il faut inévitablement escalader les grosses pierres et des tas de graviers que les acheteurs n’ont pas pu acheter. Au pied de cette montagne, l’agriculture est presque inexistante, la terre est devenue ingrate. Selon les sources sur place, cette terre n’a pas été toujours infertile, c’est à cause du sable et des cailloux amenés par de fortes érosions surtout pendant la saison des pluies. La majorité de la population ne vit que de la vente de ces matériaux de construction et la culture sur quelques lopins de terre épargnés par l’érosion.
Ils ne se contentent que de payer seulement les taxes
Malgré quelques billets d’argents qu’ils tirent de ces moellons et graviers, pas mal de personnes indiquent que la dégradation environnementale sur ce massif montagneux les préoccupe beaucoup. Selon eux, leur avenir est écrit en pointillé car les générations futures aura plus de problèmes si rien n’est fait dans l’immédiat.
« Ce sont nos maris et enfants qui creusent cette montagne. Beaucoup ne sentent pas la menace qui pèse sur l’environnement mais tôt ou tard ils le regretteront. Regardez, personne n’amène même plus paitre une chèvre sur cette montagne alors qu’il n’ya pas longtemps c’était une montagne de vache », déplore un septuagénaire de Gishora.
Et d’ajouter : « le vent qui souffle de là amène du sable jusque dans nos maisons. Il nous est difficile de sécher même le manioc dehors. La farine peut contenir du sable. »
Dans cette commune, ce ne sont pas seulement les montagnes et les collines qui sont menacés par cette destruction de l’environnement, même les cours d’eaux ne sont pas épargnés. C’est dans ces rivières qu’on tire la majeure partie du sable utilisé dans les constructions dans la ville de Gitega. Pour sa qualité, le sable de Ruvyironza est apprécié par les maçons. Que ce soit pendant la période des pluies ou la saison sèche, le lit de la Ruvyironza est toujours fouillé. Un travail qui n’est pas sans conséquences, les inondations sont fréquentes pendant la saison des pluies en emportant tout sur son passage.
« C’est mon métier, je n’ai jamais exercé aucune autre activité depuis mon jeune âge», déclare Gasongo. A la question se savoir s’il ne doute pas des inconvénients sur son action, il fait savoir qu’il a payé la taxe de l’OBR (Office Burundais des Recettes).
Pour l’administrateur de la commune Giheta, Alexis Manirakiza, la commune ne gagne presque rien sur ses nombreux sites d’exploitation des matériaux de construction qui, sous d’autres cieux, auraient aidé à renflouer les caisses communales.
« Ils vont chercher les quittances sans nous avoir consultés. Le comble c’est qu’ils ne respectent pas l’environnement », déplore Alexis Manirakiza.
Pour cette autorité, ce travail dans plusieurs cas, se fait dans l’illégalité. Et la commune dispose d’une faible marge de manœuvre à exercer sur les exploitants en matière de la protection de l’environnement.
« Tout ce qu’ils nous répondent c’est ce qu’ils ont payé à l’OBR pour extraire les moellons et ce qui est de l’environnement ça ne les concerne pas », souligne-t-il.
« C’est l’autorisation qui vient avant le paiement ! »
Au Ministère de l’Eau, de l’Environnement, de l’Aménagement du Territoire et de l’Urbanisme, ce problème en rapport avec l’environnement ne devait pas avoir lieu dans la mesure où c’est le seul ministère qui octroi l’autorisation d’exploitation. Selon Emmanuel Ndorimana, Directeur General de l’eau et assainissement, la destruction de l’environnement est un problème politique. Pour lui l’argent qu’on tire de l’exploitation anarchique de l’environnement représente une infime partie des bénéfices par rapport aux conséquences qui découlent de ces activités.
« En aucun cas le sable ne doit être exploité dans les rivières. La seule autorisation que le ministère donne est le curage pendant la saison de pluies Au cours de la saison sèche, les vendeurs de ces matériaux doivent vendre sur les stocks qu’ils ont faits », a-t-il signifié.
Pour ce qui est de l’extraction des carrières, le Directeur de l’Environnement et de Changements climatiques, Alfonse Polisi, est catégorique. Pour lui, tout citoyen dispose d’une responsabilité stricte et objective en cas de destruction de l’environnement à la suite des activités commerciales.
« Toute autorisation d’exploitation de carrière doit faire objet d’analyse écrite issue de la procédure préalable permettant d’évaluer, apprécier et de mesurer les effets directs et indirects à court et à long terme sur l’environnement », a souligné Alfonse Polisi.
Il fustige donc ceux qui croient que payer la taxe à l’OBR leur donne automatiquement le droit de faire tout ce qu’ils veulent.
« La quittance seule ne suffit pas pour ce genre d’activité. C’est le ministère ayant l’environnement dans ses attributions qui donne l’autorisation d’aller payer la contribution à l’OBR après toutes ces démarches et non avant», a-t-il rappelé.
Jean Noël Manirakiza, Infos Grands Lacs