Burundi: onde de choc des manifestations dans les écoles
La peur d’être attaqué par les pro mandat du président de la république actuel se manifeste. Tandis que certains élèves ne veulent plus être logés dans les internats, les autres choisissent carrément de retourner dans leurs familles. Quant aux autorités, cette peur est sans fondement.
Il est 7h30 au Lycée Technique de Kwibuka, une école située à quelques kilomètres de la ville de Gitega. Le soleil commence à poindre, ce qui n’empêche pas une légère brise matinale. Dans la cour de l’école, des élèves forment de rangs devant les salles de classe. Parmi eux, Magnifique (un nom emprunté pour question de sécurité), 17 ans. Comme ses condisciples, Magnifique a réintégré l’école deux semaines après avoir fui, juste après le début des manifestations anti troisième mandat du Pierre Nkurunziza. Après un bref séjour à la maison, les élèves tentent de reprendre une vie normale mais malheureusement ils n’en parviennent pas. Magnifique, dont la famille vit à Bujumbura, ne réclame que la sécurité afin que le climat se stabilise. Ses parents, après les appels des autorités aux parents d’encourager leurs enfants à regagner les classes, Magnifique est maintenant au lycée mais n’en est pas content.
« Si mes parents ne m’avaient pas obligé de retourner à l’école, je ne serais pas revenu. Je ne peux pas affirmer que nous sommes ici pour étudier mais plutôt se refugier .Tout le monde a peur, même ceux qui font semblants d’étudier ont l’esprit ailleurs », assure-t-il.
Au Lycée de Musinzira, la situation est la même. Certains internes ne veulent plus dormir à l’école. Ceux qui ont des familles dans la ville de Gitega vont y passer la nuit. Pour Eugène et les autres, ce climat de peur est alimenté non seulement par des tracts et des rumeurs d’attaque depuis le début des manifestations à Bujumbura mais aussi le comportement de certains élèves et professeurs qui seraient du parti au pouvoir.
« C’est quand ils reviennent des meeting politiques qu’ils nous menacent de nous remettre dans le droit chemin », déclare un élève qui estime n’appartenir à aucun parti politique.
Au Lycée Gitega, un fait saute aux yeux, les classes sont fermées. Les élèves sont rentés depuis. Le directeur multiplie des communiqués pour les faire revenir mais cet appel semble tomber dans les oreilles d’un sourd.
Au lycée Régina Pacis, une amélioration est visible, la plupart sont de retour mais là aussi personne ne peut dire jusqu’à quand ils resteront.
« Même une crevaison d’un pneu d’un vélo non loin de l’école pousse les élèves à vouloir fuir », dit un professeur dudit lycée.
Et d’ajouter, « On observe souvent le soir, des groupes d’élèves qui se forment devant les dortoirs. Même si nous essayons de les rassurer nous constatons qu’ils ne sont pas calmes. Il suffira d’un rien pour qu’ils fuient de nouveau ».
Dans ces écoles, le corps enseignant reste sceptique quant à l’organisation des examens. « Comment peut-on prétendre suivre à la lettre le calendrier scolaire alors que nous avons déjà perdu trop de temps ? Et s’il advient qu’ils reviennent au mois de Juin, vont-ils passer les examens avec les autres alors qu’ils n’avaient pas étudié tout un trimestre ou bénéficieront-ils des rattrapages ? », ainsi s’interrogent les enseignants.
« Les éducateurs sont plus politisés que les élèves ! »
Pour les parents des élèves, les rumeurs sont depuis longtemps dans les mœurs des burundais, mais ce chaos actuel est tout à fait inhabituel. Il s’agit ici des rumeurs d’attaque des imbonerakure et quelques policiers pour amener de force les élèves à soutenir la candidature de Pierre Nkurunziza.
Interrogés par nos soins, beaucoup d’entre eux déclarent qu’il n’est pas envisageable d’envoyer les enfants étudier loin des familles pendant cette période. Ils s’accordent tous à affirmer que l’expérience des années passées les ont montré que pendant les crises qui ont endeuillées le pays, ce sont les élèves qui viennent de loin qui ont été plus tués que les autres.
« Qu’il reste ici, il étudiera quand la situation politique sera stable. J’ai perdu son grand frère au Lycée de Rusengo en 1993, je ne veux pas qu’il subisse le même sort. A qui faire confiance aujourd‘hui quand un directeur d’école divise ses éduqués suivant son appartenance politique », clame Ildefonse, l’un des parents dont leurs enfants sont encore à la maison.
« Si tout le pays a peur, comment peut-on accuser les enfants d’avoir déserté l’école. Je pense que même ceux qui le disent le font pour satisfaire aux autorités sinon ils sont conscients qu’ils ne pourront pas protéger les enfants si une attaque se produise», poursuit un autre.
« Les rumeurs infondées sont à la base de tout », d’après les autorités
Comme l’indiquent les autorités politiques, administratives et policières, l’entourage des écoles amplifie ce climat de panique parmi les élèves. Elles soulignent en outre que sur le plan sécuritaire, la province de Gitega se situe certes en zones dites stabilisées, mais présente toutefois beaucoup de problèmes majeurs, notamment des rumeurs. A ce problème s’ajoutent certains parents non instruits qui encourageraient leurs enfants à rester à la maison. Elles estiment que leurs éduqués sont victimes d’intoxication de la part des politiciens qui veulent chercher à déstabiliser le pouvoir et la jeunesse.
« A voir la situation actuelle, l’école est aujourd’hui débordée, la solution viendra des efforts de l’administration pour tranquilliser les esprits », a-t-il suggéré.
Quant à Charlemagne Nduwayo, Directeur du Lycée Musinzira, leurs efforts de convaincre les élèves à se détacher des politiciens commencent à donner des fruits ni était certains parents qui sapent le moral des enfants en les appelant à regagner la maison au lieu de les encourager à rester à l’école.
« Mais ce qui me surprend, je croyais que c’est quand ils sont ensemble à l’école qu’ils sont en sécurité », s’indigne Charlemagne Nduwayo. Et d’ajouter, «heureusement que beaucoup nous ont compris car ceux qui étaient partis commencent déjà à revenir ».
Pour l’inspecteur provincial d’enseignement, il n’ya pas de preuves tangibles pour que les élèves désertent les établissements. Comme il l’indique, si c’est la question de sécurité, rien n’empêche pas que la police soit dépêchée sur place.
« C’est dans leur intérêt pour qu’ils restent à l’école et s’appliquent aux études car à ma connaissance le calendrier scolaire reste inchangé », leur a conseillé Rénovat Niyonkuru.
Même son de cloche chez le commissaire provincial de la police à Gitega. Il rassure les élèves en expliquant que la sécurité est presque totale et qu’il n’y a pas donc raison d’avoir peur.
Jean noël MANIRAKIZA, Iwacu, pour Infos Grands Lacs