Burundi/Médias : « Point de salut pour les médias burundais sans aller vers les opérateurs économiques »
Il y avait trop de passions dans le débat entre les responsables des médias et les représentants du secteur privé dont les banques, les microfinances, des entreprises et les assureurs. Une rencontre organisée ce mardi 11 octobre par les ONG d’appui aux médias : La Benevolencija et la Fondation Hirondelle, financées notamment par l’UE.
Invité à cette réunion d’échange, le directeur général de la communication et des médias au sein du ministère de la Communication, des Technologies de l’Information et des Médias, appelle les opérateurs économiques à appuyer les médias pour la visibilité de leur business soulignant l’importance de la communication.
« Vous avez un savoir-faire, et ils vont le faire savoir, et par leur pouvoir multiplicateur, vous y trouvez votre compte et eux aussi vont pouvoir en bénéficier. Il faut faire savoir vos produits et services à travers les médias », fait savoir Jacques Bukuru.
Selon lui, il faut que les médias suivent les opérateurs économiques sur leurs lieux de travail. « La capacité de collecte des informations n’est pas encore au beau fixe », souligne le directeur général de la communication et des médias.
Mais cet ancien secrétaire exécutif du Conseil national de la communication, un organe de régulation des médias, insistera sur l’indépendance éditoriale des médias : « Il faut certes une sorte d’échange de services, collaborer mais sans influencer ».
Et de toucher un autre problème : « Tout le monde le sait, les journalistes burundais ne sont pas bien payés et il y en a qui ont cette tendance à tout bout de champ ».
Nostalgie quand tu nous tiens…
Et Nestor Nkurunziza, chef de mission de l’ONG La Benevolencija de renchérir : « Il y en a qui tirent le diable par la queue, bon nombre de médias n’ont pas de moyens ».
Petite anecdote de ce féru du micro : « Quand nous avons ouvert la deuxième chaîne de la RTNB, nous organisions des jeux radiophoniques comme Radio Vacances avec les Charles Mukasi, les Jabo Jean-Marie et autres Antoine Ntamikevyo, et quelques fois, il nous manquait des prix substantiels à donner aux heureux gagnants et il nous fallait alors des sponsors ».
Quand nous avons décidé d’aller voir Innocent Muhozi, le DG de la RTNB, raconte cet ancien animateur de la deuxième chaîne de la RTNB, sa réponse a été claire : avec cette lettre qu’est-ce que vous espérez avoir ? Rien ! « J’ai dit : signez seulement, on va voir. Quelques sponsors ont positivement donné une suite à notre demande ».
Il poursuit son récit : « Je me rappelle, nous avons décidé de toquer à la porte du Dr Joseph Wakana du CNLS (Centre national de lutte contre le Sida) et nous lui avons vendu un slogan qui accompagnerait nos émissions pour sensibiliser les jeunes à se protéger contre ce fléau : « Sida, il faut agir maintenant, demain sera trop tard ! » Et ça a marché, il y a eu des financements et nous avons séduit l’Unicef avec ce slogan et ça a également marché et il l’a même exporté ».
Et un jour, relate Nestor Nkurunziza, j’ai trouvé mon slogan dans un pays de l’Afrique de l’Ouest lors d’un voyage effectué là-bas.
« C’est pour vous dire qu’il vous faut avancer vers les opérateurs économiques, des institutions et autres ONG, ce n’est pas sûr qu’ils viendront à vous », avertit ce journaliste sénior.
Un partenariat gagnant-gagnant
Et de donner un exemple : « Le journal kenyan, The Nation, a un chiffre d’affaires, en termes de millions de dollars, à faire pâlir d’envie et de jalousie pas mal d’entre vous. Leur secret, la publicité, ils offrent des services aux divers entreprises ».
A ces mots, Claude Nkurunziza, directeur de Rema FM resté pensif lève la main et demande la parole : « Mais le secteur privé au Burundi, semble ignorer les médias alors qu’ils ont de l’espace à vendre pour faire connaître leurs produits et leurs services ».
Selon Mitterrand Ndayegamiye, directeur de la Radio Ijwi ry’Umukenyezi basée à Giheta dans la province de Gitega, c’est rare que les campagnes de publicités des différentes entreprises passent dans les médias de proximité alors qu’ils sont crédibles et ont du succès auprès de la population. « Il faut que différentes entreprises y pensent pour la promotion de leurs produits et services ».
D’après Dieudonné Bukuru de Ejo Heza News, les médias et le secteur privé sont appelés à cheminer ensemble : « C’est un partenariat gagnant-gagnant ».
Pour Yvonne Kamariza, directrice de la télévision BETV, c’est un peu déplorable que les opérateurs économiques semblent ne pas comprendre le rôle des médias : « Ou bien, on n’est pas convaincant, agressif ou fonceur ? », s’est-elle interrogée.
Et Excellent Nimubona de RFM (Radio Fréquence Menya) de tenter une réponse : « Que les opérateurs économiques burundais sachent qu’ils ont des partenaires, les médias, efficaces qui peuvent contribuer dans le développement de leur business. Mais du côté des médias on n’est pas fonceur », semble regretter ce communicateur.
A y regarder de près, fait remarquer, Salomé Ndayishimiye, directrice de Radio Culture, c’est comme si le secteur de la publicité était méconnu, négligé, pas assez exploité. « C’est à revoir, les services de communication doivent convaincre les patrons pour qu’ils y mettent des moyens ».
Savoir se vendre
Christian Bigirimana de Jimbere Magazine appellera différents médias à avoir une certaine expertise pour bien faire une publicité d’une entreprise donnée : « Si c’est mal fait, c’est une perte et pour le média et pour l’entreprise qui a fait la commande. Il faut y mettre tout le savoir-faire ».
Quelquefois, fait remarquer Rossalyn Kamariza d’IngoMag, certains opérateurs économiques approchés, nous disent qu’il n’y a pas de fonds pour la publicité. « C’est dommage mais il nous faut penser grand, global et associer d’autres partenaires ».
La plupart des représentants du secteur privé conviés à cette rencontre avec les responsables des médias demanderont à ces derniers de savoir se faire connaître et de ne pas adopter une attitude attentiste : « C’est le temps de se vendre et il faut aller vers une entreprise avec des propositions de partenariat, avec des chiffres ».
Un appel réitéré par Prosper Mérimée Ndikumana, de la banque BBCI : « Il faut venir avec du concret, du quantifiable avec des résultats attendus ».
Le président de l’ABR (Association burundaise des radiodiffuseurs), demande qu’il y ait une sorte de synergies entre les médias et les opérateurs économiques. « Et il faut que ces derniers financent les synergies des médias sur des thématiques convenues ».
Selon Nestor Ndikumana, chargé au sein de La Benevolencija du projet « Renforcer les médias pour soutenir les processus de démocratisation de réconciliation et de l’Etat de droit », financé par l’UE, parmi les objectif poursuivis, il y a la viabilité des médias. « Il faut qu’ils aient de projets à soumettre aux différents partenaires dont les opérateurs économiques. Il faut un « business plan » concret pour pouvoir se vendre ».
Un message bien compris, la plupart des responsables des médias échangeront des cartes de visite avec certains représentants du secteur privé invités à cette rencontre.
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