avr
06
2020

Covid-19 : la bataille ne fait que commencer…

Avec trois cas déjà déclarés de Covid-19, le Burundi est plus que jamais sur le pied de guerre. 50 lits avec respirateurs sur tout le territoire national, l’opinion se demande si le Burundi est suffisamment armé pour faire face à cette pandémie.

Une femme de 26 ans a été testée positive au Covid-19. C’est l’annonce faite par le ministre de la Santé, Thaddée Ndikumana, à l’issue d’un point de presse tenu ce jeudi 2 avril dans la soirée.

Le ministre a révélé que des tests avaient été effectués sur vingt-trois « personnes contacts » des deux patients récemment testés positifs au Covid-19. M. Thaddée Ndikumana a ensuite déclaré que sur ces vingt-trois personnes dépistées, vingt-deux ont été testées négatives. « Un seul cas est revenu positif. Une jeune fille de 26 ans qui cohabitait avec un des deux patients récemment testés positifs », a précisé le ministre Ndikumana.

Cette patiente, d’après le ministre, est actuellement suivie au ‘’Centre de traitement du Covid-19’’ à la Clinique Prince Louis Rwagasore. « Son état général est bon », a souligné le ministre.

C’est un ministre de la Santé, d’habitude très à l’aise avec la presse, qui, lors de l’annonce des deux premiers cas de malades testés positifs au Covid-19, ce mardi 31 mars, a semblé quelque peu crispé, évasif…Sans doute mesure-t-il la tâche titanesque qui l’attend.

Cette nervosité semble attester qu‘au plus haut niveau, la situation n’est pas entièrement sous son contrôle malgré les assurances.

En témoigne aussi, sa dernière sortie médiatique dans la soirée du mercredi 1er avril, s’empressant de rassurer la population : « Les usagers de la Clinique Prince Louis Rwagasore ne doivent en aucune manière avoir peur d’être contaminés. Puisque toutes les dispositions ont été prises pour séparer le centre de traitement du Covid-19 avec les autres services de soins de l’hôpital ». Et de préciser : « Le travail d’identification et de mise en quarantaine des cas-contacts des 2 personnes testées positives au Covid-19 se poursuit normalement.»

Malheureusement, se désole H.N, un expert en santé publique, cette mobilisation est loin de suffire, tant que persistent certaines habitudes.

Pour lui, plus que jamais, il est grand temps que les autorités habilitées décrètent des mesures claires empêchant le rassemblement des gens dans des endroits susceptibles d’accueillir beaucoup de monde. Idem pour les transports en commun. « C’est bien que la prière affermit la foi. Mais, à ce stade, à tous les échelons, les administratifs se doivent d’éviter d’être laxistes et comprendre l’urgence de la situation ». Si besoin, cet expert n’exclut pas la pulvérisation quotidienne de tous les bus assurant le transport en commun. Les frontières poreuses de certaines provinces avec les voisins (RDC, Tanzanie, Rwanda) sont l’autre maillot faible dans la lutte. « Une bombe à retardement au plus vite qu’il faut désamorcer au risque de voir la maladie se propager à l’intérieur du pays ».

Malgré les cas déjà avérés, soutient Alain, chauffeur d’une ONG : «Il reste une large frange de la population qui ne veut pas se plier aux mesures d’hygiène.» Pour lui,  une preuve à suffisance qui montre qu’à l’instar des centres urbains, une importante sensibilisation doit être entreprise.

Un arsenal loin de suffire

Avec quatre extracteurs (machines servant à tester le Covid-19) de l’INSP dont deux à mesure de faire 96 tests en même temps toutes les 3 heures et deux autres capables de traiter 32 échantillons, si l’on s’en tient aux propos de M. Ndikumana, diagnostiquer la maladie ne serait pas un problème. Malheureusement, déplore l’expert en Santé publique interrogé par Iwacu, ce discours est loin de refléter la réalité tant le nombre de laborantins aptes à faire ces tests est loin d’être suffisant.

Idem pour l’accessibilité des gens de l’intérieur du pays à des centres de dépistage.  « Au risque d’abandonner leur poste d’attache, il est clair qu’avec trois laborantins à mesure d’effectuer le test de PCR, l’on ne peut se targuer d’être suffisamment préparés pour faire face à beaucoup de cas ». Comme les extracteurs à 32 échantillons sont mobiles, estime-t-il, il devrait y avoir des équipes de laborantins mobilisables dans chaque province. « Cela préviendrait les complications de la maladie puisque les dépistages se feraient en temps réels ».

Quid de la capacité d’accueil en cas d’hospitalisation ? Autour de 50 lits équipés (respirateurs compris) sur tout le territoire national. Des experts de l’OMS, s’exprimant sous anonymat, sont unanimes : Un nombre très insuffisant. « Si nous tenons compte des habituelles projections pour se préparer en cas de pareille pandémie, ce chiffre est 24 fois inférieur aux prévisions ».

Une question d’arithmétique. Prenant l’exemple de la ville de Wuhan (Chine) dont la population est estimée à 12 millions (population équivalente à celle du Burundi), 10% de cette population a contracté la maladie. 80% de cette population y ont résisté à la maladie et n’ont donc pas développé des symptômes susceptibles d’être traités à l’hôpital. Sur les 20% restants, 5% ont vu leur état se dégrader au fil du temps, développant une détresse respiratoire. Cette dernière a entraîné l’utilisation de respirateurs mécaniques. La ville a fait feu de tout bois pour trouver 12 000 lits avec respirateurs. D’après cet expert, ce chiffre correspond à l’effectif de lits dont devrait disposer le Burundi pour faire face au Covid-19.

 

Des projections qui font peur

A ses débuts, considérée comme une maladie dont les victimes sont principalement des gens âgés (généralement plus de 60 ans), les décès d’adolescents (France et Belgique) ainsi que celui d’un bébé de six mois (aux USA), montrent que la maladie peut frapper tout le monde. Un taux de létalité, d’après les études de l’OMS, qui va croissant quand les défenses immunitaires sont amoindries. Eu égard à cette situation, laisse entendre C.N, un statisticien contacté, cette maladie fera des ravages énormes au Burundi, si jamais elle venait à se généraliser sur tout le territoire national. Allusion faite au taux de malnutrition chronique avoisinant les 60% chez les enfants âgés de 0-59 mois dans plusieurs localités de l’intérieur du pays. Avec 30 % de la population burundaise dont l’âge est compris entre 15 -25 ans, ce statisticien ne cache pas que c’est la jeunesse qui serait frappée de plein fouet.


La quarantaine pour les voyageurs, une mesure chancelante

Pour faire face au Covid-19, le ministère de la Santé a notamment annoncé il y a plusieurs semaines, la mise en quarantaine pour les voyageurs arrivant des pays affectés par la pandémie. Une mesure dont l’application laisse entrevoir des failles énormes.

Hôtel Méridien Source du Nil. Une partie des passagers en provenance des pays affectés par le Covid-19 sont confinés ici.

U.T. est arrivée de Belgique le 16 mars pour le deuil d’un proche. Quatre jours plus tôt, le ministère de la Santé a décrété que les passagers en provenance de tous les pays de l’Union Européenne seront placés en quarantaine.

U.T., comme d’autres voyageurs, sera ainsi transférée à l’hôtel Méridien Source du Nil. « Des membres du personnel soignant dotés de masques venaient nous prendre la température le matin et le soir », raconte cette femme d’une quarantaine d’années.

U.T. précise que les repas étaient servis dans les chambres. Cependant, selon cette Burundaise établie en Belgique, une légèreté s’observait dans le respect de la distanciation sociale de la part des pensionnaires de l’hôtel. « Beaucoup de gens là-bas n’éprouvaient pas l’envie de rester confinés dans leurs chambres respectives. Du coup, comme tout le monde voulait sortir ‘’pour prendre de l’air’’, nous nous retrouvions souvent dehors, à plusieurs ! ».

Toutefois, la mère de famille juge que « les autorités sanitaires ont fait de leur mieux dans la prise en charge des personnes confinées à cet hôtel».

L.J. est un jeune burundais effectuant ses études secondaires au Rwanda. « Quand nous avons appris le premier cas de coronavirus au Rwanda, nous nous sommes dépêchés de rentrer au Burundi. Nous formions un groupe de 24 élèves, tous de la même école », raconte cet adolescent.

Mais ce retour sera jalonné d’obstacles. « A notre arrivée à la frontière, nous avons été stoppés net par des militaires rwandais » Pour le groupe, c’est un retour à leur établissement, escortés par les soldats rwandais. L.J. et ses amis ne renoncent pas pour autant à retourner dans leur pays natal. Au bout de six jours, ils retentent un départ vers le Burundi. Bingo ! Cette fois-ci, les militaires rwandais les laissent franchir la frontière qui sépare les deux pays.

A ce moment-là, les autorités burundaises n’ont pas encore décrété la fermeture des frontières avec les pays voisins, tous déjà atteints par le coronavirus. « Aucune mesure de confinement ne nous a été appliquée à notre arrivée sur le sol burundais. On nous a juste pris la température et il nous a été ensuite permis de regagner nos familles », témoigne cet adolescent.

L.J. révèle ensuite que d’autres personnes ont pu franchir la frontière burundo-rwandaise le même jour, sans être soumises à un isolement. « Quand nous avons constaté que le confinement nous a été épargné, nous avons pris le soin de prévenir d’autres personnes qui, à leur tour, se sont empressées de rentrer au Burundi. Certaines avaient déjà fait marche arrière en direction de Kigali », affirme l’élève.

Alphonse Yikeze

www.iwacu-burundi.org

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