Elections collinaires : des candidats indépendants, mais…
Quels sont les enjeux ? Les candidats se présentent à titre indépendant. Pourquoi le législateur l’a voulu ainsi ? Pourquoi le non-respect des quotas ethniques et du genre dans ces élections? Quid du rôle et du salaire des conseillers collinaires ? Eclairage.
« Il y a des enjeux parce que les différents concurrents promettent à la population le mieux-être. Et ce mieux-être se concrétise par les différents aspects de la vie au niveau politique, économique et social », indique Térence Mbonabuca, directeur général de la formation patriotique au ministère de l’Intérieur. Il précise que les conseillers collinaires ou du quartier ont la mission essentielle de se pencher sur le développement et la sauvegarde de la paix sociale sur la colline ou dans le quartier. Ils assurent l’arbitrage, la médiation, la conciliation ainsi que le règlement des conflits de voisinage.
Quant au caractère indépendant des candidats, M. Mbonabuca pense que le législateur a voulu insister sur la neutralité et l’impartialité qui doivent guider les conseillers collinaires dans la gestion des questions intéressant la colline ou le quartier. Et de déplorer : « Malheureusement, à y regarder de près, les gens qui se positionnent ont un cachet partisan.»
Même constat du côté des politiques
Kefa Nibizi, président du Frodebu Nyakuri, pense que le législateur a voulu libéraliser ce genre de scrutin. Il estime que les gens ne sont pas contents des listes bloquées. Par ailleurs, insiste-t-il, les conseillers collinaires sont proches de la population. Le législateur a voulu que les gens élisent des personnes qui répondent à leurs goûts. Et de marteler : « Pour question d’efficacité, c’est mieux que les collines soient dirigées par un individu choisi directement par la population et non des gens proposés par les partis politiques.»
De son côté, Phénias Nigaba, porte-parole du Frodebu, abonde dans le même sens. Il estime que le législateur a l’intention de redynamiser l’administration à la base. Il laisse la liberté aux électeurs de choisir un candidat avec une personnalité irréprochable. Une façon d’éviter les candidats qui se cachent derrière les listes bloquées des partis politiques. Et de déplorer que dans la pratique, les partis politiques violent cette disposition.
Pour M. Nigaba, les conseillers sont de véritables animateurs de la vie politique et sociale sur la colline. Mais, regrette-t-il, parfois, ils ne terminent pas leur mandat. «Ils sont parfois limogés pour motif qu’ils n’appartiennent pas au parti au pouvoir ».
Quid du chevauchement du rôle des Bashingantahe et des élus locaux ?
Térence Mbonabuca reconnaît qu’il y a eu des conflits entre l’institution des Bashingantahe et les élus locaux. Mais il estime qu’on peut remédier à la situation. Il fonde son espoir sur l’annonce du président de la République qui a promis de redynamiser l’institution des Bashingantahe à partir de la base. « Nous pensons qu’il serait diligent maintenant que ces relations entre les Bashingantahe et les élus locaux soient clarifiées en les adaptant à la situation du moment ». Et d’interpeller le ministère de la Justice et celui de l’Intérieur qui devraient se mettre ensemble pour analyser les voies et moyens de gérer cette situation.
Faible représentativité des femmes
Jean Baptiste Kirimwinzigo, directeur exécutif de l’Association des élus locaux (Abelo), déplore la non-participation des femmes dans la vie politique au niveau des collines. Selon lui, l’étude faite dans 7 provinces montre que la représentation, surtout au poste de chef de colline, était inférieure à 10%. Et de donner les raisons.
Le cadre légal est lacunaire. Le code électoral, explique-t-il, prévoit des quotas de 30% de femmes au niveau du conseil communal, du Parlement et gouvernement. «Au niveau collinaire, c’est rare qu’on atteigne 10%. Dans certaines collines, on a même moins de 5% ».
Par ailleurs, il ajoute que la culture burundaise n’est pas favorable à la participation de la femme dans la vie politique. La femme est prise comme une personne qui doit s’occuper des activités domestiques tandis que l’homme se voit confié les tâches de représentation au niveau de la communauté.
La situation économique des femmes, poursuit-il, les soumet à la dépendance financière vis-à-vis de leurs maris. « Même si c’est la femme qui s’occupe de la production au niveau de la maison, de l’agriculture, de l’élevage, elle n’est pas responsable du produit de ses activités. C’est à l’homme de gérer les récoltes». Or, explique M. Kirimwinzigo, la participation à certaines activités politiques ou associatives demande un peu d’argent, (déplacement, cotisations, achat des uniformes). La femme doit demander au mari cet argent. En cas de refus, tient-il à préciser, la femme n’aura pas accès à ces meetings politiques. Et cela la décourage.
Quid du rôle et du salaire du conseil de colline ou du quartier ?
Article 43 :
Le conseil de colline ou de quartier se réunit une fois les trois mois en session ordinaire sur convocation du chef de colline ou du quartier. Ses membres perçoivent des jetons de présence, à charge de la commune, et dont le montant est prévu dans le budget communal en fonction des ressources de la commune.
Il peut se réunir en session extraordinaire sur convocation et à l’initiative de son chef ou à la demande des deux tiers de ses membres.
En session extraordinaire, les membres ne perçoivent pas de jetons de présence.
Article 45 :
Sous la supervision d’un chef de colline ou de quartier, le conseil de colline ou du quartier a pour missions :
– de fixer, en concertation avec l’administrateur communal, les mesures et les conditions de réalisation des actions de développement et la sauvegarde de la paix sociale sur la colline ou dans le quartier,
– d’assurer sur la colline et au sein du quartier l’arbitrage, la médiation, la conciliation ainsi que le règlement des conflits de voisinage,
– de donner des avis sur toutes les questions concernant la colline ou le quartier
– de suivre, au nom de la population, la gestion des affaires de la colline ou de quartier.
Article 46 :
Le chef de colline ou de quartier est l’animateur de la paix sociale et du développement dans sa circonscription. Pour ce faire, il organise au moins une fois par trimestre une réunion ouverte à tous les habitants de la colline ou du quartier pour analyser la situation politique, sociale, économique et sécuritaire qui prévaut sur la colline ou dans le quartier.
Le chef de colline ou du quartier et ainsi que les membres du conseil de colline ou du quartier selon le cas, perçoivent une indemnité exemptée d’impôt à charge de la commune.