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21
2016

Exclusif. Fatou Bensouda (CPI) : « La condamnation de Bemba est un signal clair envoyé à tous les commandants militaires »

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Le Procureur de la CPI, Fatou Bensouda

La Haye (Pays-Bas) - « La condamnation de Jean-Pierre Bemba est un signal clair envoyé à tous les commandants militaires ». C’est ce qu’a déclaré aux micros d’Infos Grands Lacs le Procureur général de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, qui a réagi en exclusivité au verdict prononcé cet après-midi à La Haye par les juges de la CPI qui ont reconnu à l’unanimité Jean-Pierre Bemba coupable de crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis par les rebelles du Mouvement de Libération du Congo (MLC) en Centrafrique en 2002 et 2003. Il s’agit du premier jugement de culpabilité pour l'utilisation du viol en tant que crime de guerre. Durant le résumé du verdict, la juge Sylvia Steiner a expliqué que Bemba « avait agi en tant que commandant militaire et avait le contrôle effectif de ses troupes en Centrafrique pendant toute la durée de l'opération ».

Madame le Procureur, comment réagissez-vous à ce verdict ?

C’est un verdict très important. Justice a finalement été rendue aux victimes des crimes perpétrés dans cette affaire. Je ne peux qu’être satisfaite de ce verdict que les victimes ont dû attendre très longtemps. Je tiens à souligner le fait que les juges se sont prononcés à l’unanimité en jugeant Bemba coupable de crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Les faits reprochés concernent des viols, des pillages et des meurtres perpétrés contre les populations civiles.

La Cour doit désormais se prononcer sur la peine. Qu’en attendez-vous ?

Il s’agit d’une autre procédure qui s’ouvre. Dès demain nous allons y travailler dessus et nous attendrons la décision des juges qui fixeront très rapidement une date. A titre personnel, je pense que la peine devrait être à la mesure des crimes qui ont été commis et qui sont extrêmement graves.

La Secrétaire générale du MLC, Eve Bezaiba, soutient que les juges ont reconnu des efforts faits par monsieur Bemba pour empêcher les crimes, mais que cette reconnaissance n’est pas prise en compte dans le verdict. Quel est votre avis ?

Nous avons toujours démontré aux juges que les efforts mis en œuvre étaient insuffisants par rapport aux crimes qui étaient en train d’être perpétrées en RCA à l’époque des faits. Les juges ont eu l’opportunité d’écouter tous les faits, y compris ceux présentés par la défense, et au final ils ont décidé que les efforts de monsieur Bemba n’étaient pas adéquats. Les juges ont aussi reconnu que monsieur Bemba exerçait une autorité et un contrôle sur ses troupes du Mouvement de libération du Congo en Centrafrique, il aurait pu donc faire plus pour les empêcher de commettre ces crimes.

En quelle mesure ce procès est historique pour la CPI ?

Ce procès et le verdict qui en découle sont historiques car c’est la première fois dans l’histoire de la CPI qu’un commandant militaire est reconnu coupable pour des crimes commis contre des civils dans un pays tiers par des troupes sur lesquels il avait un contrôle effectif, et qu’il n’a rien fait pour empêcher ces crimes. Dans ce cas, Jean-Pierre Bemba, en sa qualité de commandant en chef de troupes militaires, est coupable pour n'avoir pas su empêcher les crimes commis par les hommes du MLC en République centrafricaine. C’est aussi un signal très important envoyé à d’autres commandants militaires qui pourraient devoir répondre aux crimes commis par leurs troupes sur le terrain.

Au-delà du verdict, à quelle autre forme de réparations les victimes doivent s’attendre ?

La décision sur les réparations revient aux juges et non au bureau du Procureur. Mais nous soutiendrons les victimes dans leur demande, comme nous l’avons dans d’autres affaires dans le passé.

Propos recueillis par Joshua Massarenti pour Infos Grands Lacs et le quotidien centrafricain Le Confident, en collaboration avec VITA/Afronline (Italie)

 

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00:05:00

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