Faible représentation des femmes dans les partis politiques : Quand le plafond de verre rime avec désintérêt
Dans la plupart des partis politiques au Burundi, la gent féminine est moins représentée. Selon les représentants des partis, les femmes ne se battent pas pour leur place. Ces dernières estiment se heurter à un mur de défis.
Au sein du parti au pouvoir, deux sur six membres du secrétariat national du parti sont des femmes. Dans les bureaux provinciaux, il y a au moins une femme sur six membres, selon Nancy Ninette Mutoni, porte-parole du parti.
Le parti Cnl, principal parti de l’opposition, compte 32% de femmes sur l’effectif total des membres du parti. Le comité exécutif du parti est formé de 3 femmes sur un total de dix membres.
Le parti Sahwanya Frodebu compte, quant à lui, au sein du conseil des délégués nationaux, 30 femmes sur 120 membres. Au sein des comités des provinces sur sept membres, il y a au moins 3 femmes tandis qu’un seul comité provincial est dirigé par une femme, celui de la province Bururi.
Le parti Uprona exige dans ses lois internes qu’il y ait 30% de femmes dans les comités centraux et exécutifs. Pourtant, aucune représentation du parti dans les provinces n’est dirigée par une femme au moment où 10 des 119 communes ont des femmes à la tête du parti Uprona.
La plupart des femmes avec des responsabilités dans les partis politiques occupent des postes de communication et de relations publiques.
Au sein du parti Cndd-Fdd, les deux femmes présentes dans le secrétariat national du parti sont chargées des affaires politiques, juridiques et administratives ainsi que la communication.
Au parti Cnl, les trois femmes sont chargées de la trésorerie, de la communication et des relations publiques au sein des communes.
Les représentants des partis politiques expliquent
Face à ce faible taux de représentation des femmes au sein des partis politiques, leurs représentants donnent des raisons différentes.
Uprona : « La société pèse encore sur les femmes. »
Olivier Nkurunziza, président du parti Uprona, affirme être fier que son parti soit un des rares à avoir été dirigé par une femme, Concilie Nibigira. Selon lui, il y a encore à faire pour que les femmes participent activement dans les partis politiques, notamment dans les instances dirigeantes des partis.
« Nous sommes fiers que l’UFB soit la première pépinière des femmes dans la politique. L’engagement dans la politique demande beaucoup de temps, ce qui décourage les femmes qui sont souvent dans des travaux ménagers et champêtres, en plus des autres activités. Il faut voir aussi le nombre de femmes dans les organes dirigeants du pays. Il y en a peu dans les directions générales. Il y a encore beaucoup plus d’hommes que de femmes qui font des études », déclare le président du parti Uprona.
Olivier Nkurunziza ajoute que les hommes et la société font aussi barrière aux femmes qui veulent se lancer dans la politique : « Certaines coutumes sociales font que les femmes se sentent inférieures aux hommes. Il y en a qui disent que les femmes ne peuvent pas prendre la parole quand il y a des hommes pour parler. Certains hommes n’acceptent pas que leurs femmes se lancent dans la politique, ils n’y voient que des vices. »
Frodebu : « Qu’elles se fassent élire. »
Selon Pierre Claver Nahimana, une des preuves que le parti Frodebu offre une place de prestige aux femmes est qu’il compte une vingtaine de femmes dans les 130 membres qui ont signé l’acte de sa création. Il ajoute que le Premier ministre du gouvernement Frodebu fut une femme en la personne de Sylvie Kinigi. Le président du parti Frodebu déplore que tous ses efforts soient réduits à néant par le fait que les femmes n’ont pas encore la volonté de se faire valoir : « Au sein du parti, nous faisons des élections des organes dirigeants. Très peu de femmes ont le réflexe de se faire élire. Pourtant, le peu qui se portent candidates sont souvent élues. Il faut qu’elles osent se porter candidates dans ces postes.»
CNDD FDD : « La politique est mal perçue par la gent féminine.»
Le parti au pouvoir est en train de faire des campagnes pour humaniser la politique, pour inciter les femmes à y participer, selon son porte-parole Nancy Ninette Mutoni. Elle se dit, pourtant, satisfaite de la place qu’occupent les femmes au sein de son parti politique : « Je suis satisfaite de la place qu’occupent les femmes du Cndd-Fdd au sein des organes du parti, mais nous continuons à sensibiliser et à recruter d’autres femmes. Nous faisons essentiellement des campagnes d’humanisation de la politique. Longtemps, on a remarqué que la politique était considérée comme un jeu de violence et par conséquent réservé aux hommes.»
Nancy Ninette Mutoni affirme que les lois ne sont pas discriminatoires au sein du parti, mais le combat continue pour ramener beaucoup de femmes dans les Bagumyabanga.
Katy Kezimana: « On est encore loin de l’émergence politique des femmes. »
Katy Kezimana, députée et membre du parti Cnl, affirme que le combat est toujours à faire tant dans la société qu’au sein même des partis politiques.
« D’abord, la société ne voit pas d’un bon œil l’émergence politique des femmes. En outre, au sein des partis, beaucoup d’hommes n’ont pas encore intégré que les femmes méritent leur place au sein des partis. Beaucoup nous perçoivent encore comme des gens qui sont là parce que la loi l’exige, pour les quotas ethniques et du genre », soutient Katy Kezimana. Cette dernière ajoute que peu de femmes occupent les premières places sur les listes des partis politiques. Elles sont souvent relayées à la troisième position.
Katy Kezimana affirme que s’il est difficile pour les femmes des milieux urbains de s’intégrer dans la politique, il l’est encore plus pour celles issues des milieux ruraux. « Or, c’est là que doit être la base des partis politiques », conclut-elle.
Eclairage/ « La problématique vient de loin »
Selon le sociologue Lambert Nikoyandemye, la faible représentativité des femmes dans les partis politiques commence dès le bas âge. Il souligne que les femmes reçoivent une éducation discriminante pour certaines activités : « Les femmes reçoivent une éducation de base qui les pousse à rester à la maison, à travailler sans trop se faire remarquer au moment où les hommes sont incités à l’ouverture au monde extérieur. Les activités politiques exigent une ouverture au monde pour prétendre à un poste politique. Il faut être connu dans la société. Les femmes n’ont pas cette chance. Si on leur accordait autant de chances que les hommes dès leur bas âge, elles seraient représentées à un degré plus ou moins paritaire. »