déc
10
2018

Filière huile de palme : Un potentiel de développement

La culture du palmier à huile a été encouragée dès les années 1980 pour combler le déficit lipidique qui était estimé à 98%. Sa production est majoritairement consommée par la population locale. Mais les tendances peuvent être inversées. Le palmier à huile peut devenir une source de devises, d’autant que c’est une culture de plus en plus industrielle

« Le palmier à huile constitue un élément moteur de développement non seulement pour les ménages, mais aussi pour le pays. Il crée de l’emploi depuis l’importation de sa semence, la préparation des pépinières, la plantation, le labeur, la cueillette des noix de palme, le triage et la transformation. Il génère des revenus pour les ménages lors de sa commercialisation et des devises pour le pays lors de son exportation », déclare Ir  Augustin Kabaragasa, directeur général de l’Office de l’Huile de Palme du Burundi (OHP).

Selon l’OHP, cet Office dont la mission principale est de promouvoir, encadrer et coordonner les activités de la filière huile de palme au Burundi, est en train de remplacer les vieux palmiers « Dura » communément appelés « Ibirundi ». « Ceux-ci sont devenus moins productifs », indique Ir Kabaragasa, c’est pourquoi l’office les remplace par une nouvelle variété dénommée «Tenera». Plus productive, celle-ci est importée de Côte d’Ivoire, du Bénin ou du Costa Rica.

Et d’ajouter : « La variété Tenera est en expérimentation depuis l’an 2 000. Elle peut produire 40 régimes de palme alors que la variété «Dura» produit la moitié voire moins ».

Une évolution en dent de scie de la production industrielle de l’huile de palme

Selon l’annuaire des statistiques agricoles 2016 de l’Institut des Statistiques et Etudes Economiques du Burundi (ISTEEBU), la production industrielle du palmier à huile est passée de 11 164 tonnes en 2007 à 12 977 tonnes en 2008. Cette production est passée de 12 217 tonnes en 2009 à 11 418 tonnes en 2010, de 9 689 tonnes en 2011 à 9 923 tonnes en 2012, de 15 778 tonnes en 2013 à 18 468 tonnes en 2014 et enfin de 16 571 tonnes en 2015 à 19 216 tonnes en 2016.

Années

Production industrielle en tonnes

2007

11 164

2008

12 977

2009

12 217

2010

11 418

2011

9689

2012

9 923

2013

15 778

2014

18 468

2015

16 571

2016

19 216

Evolution de la production industrielle de l’huile de palme (source: ISTEEBU)

Ir Augustin Kabaragasa explique que pour augmenter la production de l’huile de palme, la filière a besoin de remplacer toutes les vieilles palmeraies dans la région de l’Imbo, de mettre fin au désordre dans la transformation, d’approvisionner les palméiculteurs en engrais, de mobiliser les moyens financiers pour aménager le système d’irrigation des palmeraies ainsi que d’engager des ingénieurs. Cela afin de faire des recherches sur les maladies qui attaquent les palmiers à huile.

La filière mérite une attention particulière

Selon la Stratégie Agricole Nationale (SAN 2018-2015), la filière huile de palme est pratiquée actuellement sur plus de 9.700 hectares de palmeraies sélectionnées «Tenera». A ceux-ci viennent s’ajouter environ 3.000 hectares de palmeraies naturelles de variété « Dura ». Cette filière a permis de fournir annuellement entre 16.000 et 20.000 tonnes d’huile brute pour l’approvisionnement d’un marché national dont les besoins en lipides sont estimés à plus de 100.000 tonnes.

D’après cette stratégie, le cas de la filière huile de palme est unique. Il mérite une attention particulière. Si l’organisation des producteurs laisse à désirer, si la qualité des huiles produites par les unités artisanales mérite un contrôle et un suivi, si l’appui apporté aux producteurs non organisés reste léger, il est un domaine qui demeure unique: le commerce de l’huile de palme répond totalement aux règles du marché.

Pour cette stratégie, les prix de cession des produits sont totalement déconnectés des cours internationaux pour le plus grand bénéfice du consommateur. Cela sans pour autant que le producteur se trouve lésé. Pour la campagne 2007 les prix au producteur ont varié de 80 FBu par kg de régime en période de pic de production à 140 FBu par kg, atteignant même 150 FBu en période de chute de production. Les usiniers industriels, semi-industriels et artisanaux adaptent leurs prix pour garantir leur approvisionnement.

Une transformation majoritairement artisanale

Trois modes de transformation de l’huile de palme sont pratiqués au Burundi. Il s’agit de la transformation artisanale, semi industrielle et industrielle.

Pour Ir Augustin Kabaragasa, c’est la transformation artisanale qui prime. Elle produit entre 80 % et 90 % de l’huile de palme du pays. En 2009, les unités d’extraction artisanale étaient estimées à 785 et leur nombre s’accroît. Ir Kabaragasa explique qu’il existe aujourd’hui environ 4 unités d’extraction semi artisanales et une industrielle.

Ir Kabaragasa signale qu’auparavant, on utilisait un mortier comme matériel de concassage des noix pour en extraire l’huile. Par après, continue-t-il, une autre méthode dénommée malaxage-lavage également appelée « procédé Velghel » a été introduite. Elle est moins exigeante et demande moins d’efforts de production que la première et, de plus, elle permet de transformer de grandes quantités de noix de palme.

Dans les unités de transformation semi industrielles, ajoute Ir Kabaragasa, certaines opérations du procédé d’extraction sont mécanisées tandis que d’autres sont manuelles.

« La transformation industrielle est la plus récente », fait savoir Ir Kabaragasa.  Contrairement aux deux premières, les opérations de transformation s’arrêtent au niveau de l’extraction de l’huile brute et le défibrage. Il expose qu’après avoir séché les noix, on passe au concassage. Ce qui donne les amandes (les palmistes) et les morceaux de coque. Les amandes sont stockées dans des sacs et donne l’huile de palmiste à la suite d’une une autre transformation.

L’extraction industrielle est la plus efficace et la plus rentable

Grâce à l’extraction industrielle, on produit beaucoup d’huile dans un laps de temps plus court. Ce qui diminue également la pénibilité au travail.

Selon un palméiculteur qui a gardé l’anonymat, l’huile industrielle contient moins d’eau et de matières solides contrairement à celle de l’extraction artisanale. Le taux d’extraction de l’huile de palme contenue dans les noix est estimé à 16 % pour les unités artisanales par rapport à 22 % pour les unités industrielles. Cette extraction artisanale engendre d’énormes pertes en huile. Les 6 % d’huile gaspillée représentent environ 1 020 tonnes d’huile ayant une valeur d’environ 560 millions de FBu pour la seule année 2004.

Même si les unités industrielles produisent une huile de qualité et protègent l’environnement, elles ne sont pas décentralisées comme les unités artisanales. D’ailleurs, elles n’engagent pas beaucoup de personnes, notamment les femmes pour le triage des noix de palme et la commercialisation en milieu rural.

Exemple unique : l’huilerie SAVONOR s.a Rumonge

Elle est la seule unité d’extraction industrielle de l’huile de palme au Burundi.

« L’huilerie SAVONOR s.a Rumonge a pris le relais de l’Huilerie de Palme du Burundi (HPB) en 2003 quand le gouvernement décida de la privatiser. Implantée en 1985 et 1986, la HPB, structure paraétatique (dont la majorité des actions étaient détenues par l’Etat) a pris l’entière responsabilité de la gestion des installations. Cela à une époque où la production des nouvelles palmeraies était encore très faible et relativement dispersée. Lorsque la palmeraie, plantée avec du matériel végétal sélectionné à haut rendement a commencé à produire correctement, le volant de trésorerie initialement prévu était épuisé. L’unité s’est alors trouvée dans l’incapacité d’acheter des régimes à un prix compétitif aux producteurs», explique Ingo Vicens Burow, directeur de l’huilerie SAVONOR s.a Rumonge.

Dès la privatisation de la filière, confirme-t-il, les performances de la H.P.B n’ont fait qu’augmenter. Elles sont passées de 2 791 tonnes en 2002 à 18 800 tonnes de noix usinées en 2017.

« Par ailleurs, elle injecte une somme considérable d’argent dans la population rurale pour l’achat des noix. Le prix des noix de palme est désormais incitatif pour les fournisseurs, passant de 50 FBu par kg en 2002 à plus de 300 FBu par kg en 2017 ».

De plus, insiste-t-il, plusieurs études ont été réalisées en vue d’accroître la capacité horaire de l’usine. Initialement, l’usine était prévue pour une capacité de 1, 5 tonnes par heure extensible à maximum 2,5 tonnes par heure.

« Actuellement, sa capacité horaire est de 8 tonnes par heure. Suite aux travaux d’extension de l’usine entrepris ainsi que l’achat de nouveaux équipements, l’usine peut, en vitesse de croisière, absorber facilement une quantité de 150 tonnes de régimes par jour », rassure M.Ingo VICENS BUROW.

Par ailleurs, éclaire-t-il, pour contrôler tous les maillons de la chaine, depuis la pépinière jusqu’au produit fini, SAVONOR a été implanté en 2006 une palmeraie de 456 ha à Kivoga. C’est à 13 km du centre-ville de Bujumbura dans l’ancienne plantation de café (Ruzizi II). Une autre palmeraie de 150 ha a été implantée à Musenyi.

Respect des normes environnementales

Installée au bord de la rivière Murembwe qui se déverse directement dans le lac Tanganyika, l’huilerie SAVONOR veille à la protection de l’environnement. « L’eau de transformation de l’huile n’est jamais déversée dans la rivière Murembwe et, partant, dans le lac Tanganyika. Notre usine dispose de bassins de décantation pour le traitement des eaux usées », explique le directeur.

Contribution à l’amélioration du niveau de vie des ménages

Ingo VICENS BUROW affirme que l’huilerie qu’il dirige contribue à l’amélioration des conditions de vie des ménages et ses 271 employés.

« Je travaille à cette industrie depuis 1986. Aujourd’hui, mon salaire a augmenté. Je suis parvenu a donné un capital à ma femme. Elle fait le petit commerce. J’ai même construit une maison grâce au salaire que je touche », témoigne Léonidas Gatiritiri, un employé de Savonor.

Même son de cloche chez Noëlla Kubwarugira de la colline Mutambara. Sans toutefois préciser à quel prix elle s’approvisionne, elle notifie qu’elle vit grâce au commerce des noix de palme. « L’huilerie achète à 320 FBu le kilogramme de noix de palme de la variété Tenera, 180 FBu le kilogramme de noix de palme de la variété Dura et 280 FBu le kilogramme de noix de palme de Petit Fruit (PF) », se réjouit-elle.

Produire pour le pays

Le commerce de l’huile de palme débute dans les palmeraies. Des collecteurs des noix de palme dans les champs jusqu’aux industries d’extraction, les grossistes qui s’approvisionnent des unités d’extraction vers les marchés locaux et vers les marchés d’autres régions du pays (Ngozi, Kayanza, Gitega) et enfin les petits détaillants. Ces derniers se ravitaillent auprès des grossistes. Quant à l’exportation de l’huile de palme produite par huilerie SAVONOR, M.Ingo VICENS BUROW précise que l’objectif est d’abord de produire pour la consommation locale.

Salomon Cishahayo détient une unité d’extraction artisanale sur la colline Mutambara, zone Gatete, commune Rumonge. Lui, également, produit pour la consommation locale. Il dit qu’il loue un champ de palmeraies d’un demi-hectare à 2 millions 500 FBu.

C’est dans ces champs, révèle M. Cishahayo, qu’il récolte les noix de palme. Capable de produire 1 500 kg d’huile de palme par jour, l’unité artisanale de M.Cishahayo approvisionne les grossistes de Kayanza et de Ngozi. Il relate qu’il vend un bidon d’huile de 250 kg à 400 000 FBu.

Charlotte Nicoyanditse travaille au sein de l’unité artisanale de M.Cishahayo. Employée parmi une trentaine, elle fait aussi le commerce de l’huile de palme. Elle raconte qu’elle achète un bidon de 20 kg à l’unité d’extraction où elle travaille à 40 000 FBu.

« Je le vends à huilerie SAVONOR de Rumonge à 42 600 FBu. Puisque je paie 5 00 FBu pour le transport d’un bidon à vélo, je gagne 2 100 FBu pour chaque bidon vendu », articule-t-elle avec sourire aux lèvres.

Toutefois, l’huile est consommée également en quantités non encore identifiées par les populations des pays frontaliers. Ceux-ci sont la République Démocratique du Congo (RDC), le Rwanda et la Tanzanie.

L’huile de palme peut donc générer des devises à l’instar du café et du thé.

Selon le Programme National d’Investissement Agricole (PNIA), la filière huile de palme peut générer 25 millions USD chaque année et contribuer à hauteur de 2, 7 % au Produit Intérieur Brut (PIB). Elle permet de distribuer annuellement aux producteurs plus de 8 milliards de FBu.

Palmier à huile : danger déforestation !

La culture associée ne s’applique pas au palmier à l’huile. Egalement, pour le planter, on doit au préalable défricher le champ. Ce qui peut, d’une façon générale, faire penser à la déforestation. Au Burundi, cette déforestation ne se fait pas encore sentir.

Le palmier à huile est cultivé dans dix provinces de basse altitude sur les 19 que compte désormais le pays.

burundi-eco.com

Langues: 
Thématiques: 

Partager