Gitega : un nouveau métier pour les femmes, un peu singulier
Parmi les commerçants œuvrant dans différents marchés de la ville de Gitega, il y a une nouvelle catégorie toute à part : des femmes pilant les feuilles de manioc. Ces braves dames travaillent dès l’ouverture du marché jusqu’à la tombée de la nuit. Elles indiquent gagner bien leur vie qu’avant.
Il est 10h au marché de Magarama dans la partie réservée à la vente de légumes particulièrement les feuilles de manioc. La place est bruyante et rythmée de coups de pilons qu’on entend jusqu’à plus de 50 m du marché.
Devant chaque vendeuse de feuilles de manioc, deux, voire même quatre femmes pilent les feuilles de manioc pour les clients. Elles sont elles-mêmes le plus souvent vendeuses sur le marché. Ainsi s’est développé un véritable métier.
Les domestiques envoyés pour faire des courses se bousculent et font la queue attendant chacun son tour pour faire piler les feuilles de manioc. Le prix varie de 200 à 500 Fbu suivant la quantité des feuilles. La plupart de ces femmes interviewées assurent qu’elles sont fières de leur travail malgré la fatigue.
«Plus question d’attendre que mon époux rentre avec la ration le soir ou m’achète un pagne à la fin de l’année. Ce problème est aujourd’hui résolu », raconte Fabiola, une mère de trois enfants. Pour cette dame, ce travail lui permet de compenser le maigre salaire que son époux gagne.
«Avant que je vienne ici, nous étions toujours en conflit avec mon époux à cause de l’argent mais maintenant je participe aux besoins de notre ménage», ajoute-t-elle. Fabiola n’est pas la seule à avoir trouvé un moyen de substance dans le pilage de feuille de manioc. Ingrid raconte qu’elle était travailleuse de sexe avant d’accepter de faire ce travail qu’elle considérait comme répugnant.
« Je croyais que c’était un travail des femmes pauvres et qu’elles ne gagnent rien. C’est maintenant que j’ai découvert que c’est un véritable métier au lieu de faire le trottoir. Je paie le loyer et ma petite famille mange trois fois par jour et je crois aussi si Dieu le veut je construirai ma propre maison», a-t-elle indiqué.
Et à Jacqueline de plaisanter qu’elle n’a rien à envier aux fonctionnaires. «Je peux gagner 5.000 Fbu par jour sans aucun problème. Si quelqu’un m’invite dans une fête personne ne peut soupçonner que je pile les feuilles de manioc au marché. J’ai des pagnes et des souliers présentables !»
Chacun y trouve son compte
En l’absence des mortiers et des pilons dans beaucoup de ménages, ces femmes sont sollicitées dès l’ouverture du marché jusqu’à sa fermeture. Selon Marie Rose une femme du quartier Yoba, effeuiller les tiges, piler lui prenait plus de deux heures sur son temps. Elle nous a confié que ses enfants raffolent les feuilles de manioc mais qu’ils refusent de les piler.
«Quand je les avertis que nous allons manger du riz avec les feuilles de manioc, ils disparaissaient de la maison pour échapper au pilage. Nous nous contentions des choux ou autres légumes à cause de sa préparation ! » Même sentiment de satisfaction chez Elisabeth. Elle fait savoir que sa famille avait complétement cessé de manger les feuilles de manioc.
«Payer 300 Fbu n’est pas grand-chose à voir les ampoules que cause le pilon dans les mains. C’est vite fait et je récupère le temps de m’occuper d’autres travaux», indique cette ménagère.
Même son de cloche chez les vendeuses de ces feuilles de manioc. Comme elles le font savoir, la quantité de leurs légumes vendues par jour est grande. «J’écoule plus de trois paniers par jour alors que je peinais à vendre même un seul panier avant qu’elles ne viennent ici. Elles sont très estimées par beaucoup car ces femmes pilent bien plus que les domestiques», nous a signifié Capitoline.
Une chose se fait remarquer dans ce marché de Magarama : le nombre de ces femmes pileuses de feuilles de manioc augmente chaque jour. Quelques hommes apparemment intéressés commencent à regarder s’ils ne chercheront pas à intégrer le groupe au vu des gains que ces femmes en retirent.
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