jui
07
2018

Grossesses précoces en milieu scolaire, les victimes et les auteurs exclus du système éducatif

Les filles enceintes et les garçons qui les ont engrossées sont désormais exclus du système d’enseignement général. Ils n’ont aucun autre recours que de se tourner vers  l’enseignement des métiers. Cette mesure  ne tranquillise pas les défenseurs du droit à l’éducation de qualité pour tous.

«Toute fille encore à l’école fondamentale ou post fondamentale, victime de grossesse ou contrainte au mariage de même que le garçon auteur d’une grossesse n’ont pas le droit de réintégrer le système éducatif formel public et privé», indique la note de Mme Janvière Ndirahisha, ministre de l’Education, de la Formation Technique et Professionnelle. Néanmoins, ils pourront fréquenter l’enseignement des métiers ou emprunter le chemin menant vers la formation professionnelle.

La mesure revêt un caractère discriminatoire

Selon Jean Samandari, représentant légal de la coalition «Education pour tous» (Bafashebige), cette mesure revêt un caractère discriminatoire du fait que l’ODD 4 à l’horizon 2030 vise à assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un même pied d’égalité et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie.

Le rôle de l’éducation

L’éducation est un droit humain vital. Elle joue un rôle crucial dans le développement humain, social et économique du pays. Etre enceinte n’est pas synonyme de fainéantise. Il précise que les exemples de filles enceintes qui ont terminé leurs études sont nombreux.

Soutenir les victimes des VBG,  plus qu’un devoir

Alice Nkunzimana, coordonnatrice de l’Association pour la Promotion des Filles Burundaises (APFB) fait savoir que les jeunes filles ne cessent d’être engrossées ,car leurs établissements scolaires  et leurs familles ne parviennent pas à assurer leur protection. Selon elle, être enceinte pour ces filles qui sont encore sur le banc de l’école est une punition. Les en chasser aussi est une autre forme de sanction.

Elle précise que toutes les écoles doivent en principe accorder des facilités à toutes les filles qui ont été victimes des violences basées sur le genre. Elle ajoute que  tous les établissements ont l’obligation de soutenir les victimes des VBG quand elles retournent à l’école. La loi qui prévient et répugne les auteurs des VBG montre que les représentants des écoles tant publiques que privées ont le devoir de se rassurer que les droits des  victimes des VBG ne sont pas bafoués d’une manière ou d’une autre.    

Quand l’enseignement des métiers est considéré comme un précipice

Selon Jean Pierre Rurihafi, un parent qui s’est entretenu avec Burundi Eco, les chasser des écoles n’est que les priver de leur droit à l’éducation. Bref c’est les exposer à tous les dangers.

En permettant à ces victimes et auteurs des grossesses de prendre le chemin de l’école des métiers, Rurihafi estime que le ministère ayant l’éducation dans ses attributions a dévalorisé l’enseignement des métiers. C’est une mesure qui décourage les élèves qui avaient déjà l’intention de s’y orienter du fait qu’il est considéré comme un précipice où on jette les ordures.

Nécessité de suspendre la mesure

Les défenseurs du droit à l’éducation pour tous demandent au ministre de l’éducation de suspendre cette mesure qui, selon eux marque la régression en matière d’accès équitable à l’éducation pour toutes les filles et fils du pays. Sinon, les exclure des écoles fondamentales et post-fondamentales constitue une une bombe à retardement, car les statistiques des victimes des grossesses vont crescendo.

Les statistiques des victimes de grossesse vont crescendo

Selon le rapport  de l’Institut des Statistiques et Etudes Economiques du Burundi sur la fécondité (ISTEEBU) publié en 2011, 4760 élèves ont abandonné l’école à cause des grossesses précoces entre 2009 et 2012.  La grossesse précoce est une des causes d’abandon scolaire pour plus de 2000 jeunes filles burundaises chaque année.

16 millions d’adolescentes en sont victîmes dans le monde

La problématique des grossesses précoces en général reste de nos jours un sujet d’actualité et en particulier celles non désirées en milieu scolaire. C’est un phénomène inquiétant. Selon un rapport de l’OMS publié en 2012, près de 16 millions d’adolescentes âgées de 15 à 19 ans accouchent chaque année dans le monde. Ce qui représente 11% des naissances à l’échelle mondiale.

Les causes d’un tel mal sont multiples et les conséquences désastreuses.  Dans les pays du Sud, les grossesses non désirées en milieu scolaire  sont liées à plusieurs autres causes. On peut citer l’ignorance prise comme le manque de connaissances liées à la sexualité et aux méthodes contraceptives à laquelle il faut ajouter  la sexualité clandestine des adolescents justifiée par les conflits de générations, de culture et le manque de communication entre les parents et leurs enfants sur les questions de la sexualité (le sujet étant considéré comme tabou).

La non ou la mauvaise application des méthodes contraceptives (les services spécialisés et les séances de sensibilisation étant rares), le difficile accès aux méthodes contraceptives (coût élevé pour les élèves dépendant entièrement de parents à faibles revenus)  et le manque d’éducation à la sexualité à l’école (les cours dédiés à l’éducation sexuelle sont presqu’inexistants) ne sont pas epargnés.

L’OMS évoque pas mal d’autres  causes. Ce sont entre autres le harcèlement sexuel auquel se livrent certains enseignants ou personnels administratifs des établissements envers les jeunes filles, la suppression des internats dans les établissements d’enseignement public en général,  le manque de formation des enseignants à la déontologie et   la pauvreté qui frappe bon nombre de cellules familiales en Afrique ne sont pas épargnés.

Sans ressources pour répondre aux besoins de leurs progénitures ,ces dernières s’adonnent parfois à des pratiques immorales pour pouvoir survivre sur les bancs de l’école ou se mettre au même diapason que les autres jeunes filles issus des familles ayant un niveau de vie acceptable. Ces causes multiples et variées des grossesses précoces entraînent des conséquences toutes aussi diverses que parfois dramatiques.

Les conséquences des grossesses précoces

Sur le plan sanitaire, l’OMS met au podium un risque de stérilité lié à l’interruption volontaire et clandestine de la grossesse précoce, des troubles ou maladies obstétricaux tels que la fistule obstétricale, des problèmes psychiques liés aux regards malveillants de l’entourage (surtout pour les jeunes filles), la mort suite aux complications de la grossesse et de l’accouchement.

Sur le plan psychosocial, il y a risque d’abandon du bébé, la Perte d’estime de soi surtout qu’après une maternité la fille change de physionomie (les seins tombent), le rejet par les familles et la communauté en considération des coutumes rétrogrades encore prégnantes dans certaines cultures,  la destruction des projets de vie et la perte des repères.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), on dénombre 80  millions de grossesses non désirées chaque année. Ce qui occasionne 45 millions d’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) qui ont pour conséquence 70 000 décès dont 97%  sont enregistrés dans les pays en développement. Sur le plan scolaire, il s’observe une baisse ou une absence de rendement. Chez 80% des filles en situation de grossesse précoce, le temps consacré aux études  diminue et les résultats scolaires  chutent. Il y a également l’abandon des études de façon périodique souvent parce que la fille ne supporte plus les quolibets de ses camarades et le regard de l’environnement.

« Mieux vaut prévenir que guérir », dit-on.

Avec toutes ces conséquences, il est évident que les grossesses précoces et non désirées en milieu scolaire constituent un problème de santé sexuelle face auquel il convient de se mobiliser.  La première action à promouvoir devrait être l’accessibilité de l’information concernant tous les aspects de la sexualité avant l’amorce de l’ adolescence qui commence généralement entre 10 et 11 ans chez la jeune fille et entre 12 et 13 ans chez le jeune garçon, d’où la nécessité d’insister sur les cours d’éducation sexuelle déjà au primaire et dans les classes du TC(Tronc Commun). L’accessibilité de l’information passe également par la désacralisation du sujet avec les parents. Ceux-ci pourront être sensibilisés au dialogue sur les questions de sexualité avec leurs enfants.

De plus, il faut une connaissance approfondie des méthodes contraceptives (leur mode d’action, leur intérêt et leur limites, comment les choisir, les lieux de leur prescription…) et enfin une connaissance des risques liés aux relations sexuelles non protégées (les grossesses non désirées, l’IVG et les MST/Sida).

Signalons qu’il s’avère nécessaire de distribuer gratuitement les préservatifs aux élèves (filles comme garçons) pour limiter les dégâts. Ceci ne doit pas être vu comme une incitation à la sexualité, mais surtout comme une protection au maximum de cette frange jeune qui découvre l’amour sans en maîtriser les vraies conséquences

burundi-eco.com

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