déc
28
2024

« Il faut mobiliser tous les Burundais, sans exception, autour d’une vision commune de paix, de sécurité, de stabilité et de développement. »

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M. Gervais Rufyikiri à Gitega ce vendredi 27 décembre

Sa parole est rare, sobre, mais toujours empreinte de recul et de gravité. Après neuf années d’absence, Gervais Rufyikiri, ancien vice-président du Burundi, était de passage dans son pays natal pour des raisons familiales. Il a partagé avec Iwacu ses impressions sur cette visite marquante.

Par Antoine Kaburahe

Monsieur Gervais Rufyikiri, sur les réseaux sociaux, des publications ont circulé sur votre « retour au pays ». Vous n’avez jamais voulu réagir ou commenter. Pourquoi ?

Je n’ai pas répondu parce que ce n’était pas le moment. D’une part, j’étais en deuil, j’étais au pays pour accompagner ma mère ; d’autre part, la raison de mon déplacement était strictement privée. Je n’avais donc pas à commenter une question privée.

Permettez-moi d’y revenir, vous êtes donc de passage pour raison familiale, après neuf ans d’absence pour des raisons politiques. N’avez-vous pas eu peur pour votre sécurité ?

En effet, comme je le disais, c’est pour des raisons familiales et donc privées que j’ai décidé d’effectuer ce voyage. Face à la douleur de perdre une maman, toute autre considération devenait moins préoccupante. De plus, je connais le Burundi, j’ai beaucoup d’amis au Burundi.

Sur la base des informations qui me parvenaient, je savais que je ne courais pas de risque sécuritaire de venir au Burundi pour la circonstance. Par ailleurs, le temps est un facteur important pour atténuer les tensions politiques.

Pensez-vous que d’autres Burundais qui, comme vous, ont été forcés de fuir le Burundi à la suite de la crise de 2015 peuvent retourner librement dans leur pays ?

La décision de retour n’est pas une affaire collective. C’est un choix et une décision personnelle qui tient compte de plusieurs facteurs, dont l’histoire personnelle et la motivation. C’est à chacun d’évaluer le degré des contraintes et d’en tenir compte dans la prise de décision dans un sens ou dans l’autre.

La réalité est qu’il y a des Burundais exilés qui sont déjà retournés et qui n’ont pas connu de menaces sécuritaires, et dont la réintégration a été possible. Pour un certain nombre d’autres, la réinsertion n’a pas été facile.

Vous avez été reçu au plus haut niveau. Est-il possible de savoir la teneur de votre entretien avec le chef de l’État ?

En effet, j’ai été reçu le samedi 21 décembre par le chef de l’État, à son initiative. Il m’a consacré suffisamment de temps pour échanger. Nous avons parlé de beaucoup de sujets, notamment d’ordre politique, économique et social.

Qu’est-ce que vous avez retenu de cette rencontre ?

Premièrement, des avancées en matière de stabilité sont remarquables par rapport aux années de pleine crise de 2015. Deuxièmement, j’ai retenu aussi que l’ouverture politique est une des composantes importantes d’une paix inclusive et d’une stabilité durable.

Cependant, il y a aussi encore des défis à surmonter dans le domaine politique. C’est le cas des dossiers politiques liés à la crise de 2015, dont la solution doit résulter d’une décision politique. Troisièmement, il existe de bonnes intentions et des projets pour faire face aux défis de développement économique. Cependant, des problèmes de natures diverses handicapent encore la mise en œuvre de certains de ces projets.

Qu’en est-il de la situation générale ? Repartirez-vous optimiste ?

Le Burundi fait face à beaucoup de défis, dont la plupart sont des conséquences de son histoire qui a été façonnée par plusieurs épisodes de crise. La structure économique du pays, caractérisée entre autres par la dominance d’une agriculture de subsistance, la dualité entre le milieu rural et le milieu urbain, et le faible niveau d’industrialisation, est une autre source de problèmes en matière de développement économique et social.

Il s’observe notamment une forte pression sur les devises et une disponibilité très limitée de carburant, avec des conséquences sur les autres aspects de la vie économique et sociale du pays. Par ailleurs, le caractère informel dominant de l’économie burundaise ne permet pas de chiffrer exactement les capacités économiques du pays.

Les Burundais disposent de quels atouts pour s’en sortir ?

Malgré ces difficultés de plusieurs natures, qui sont par ailleurs communes à la plupart des pays en développement, le peuple burundais manifeste un niveau de résilience très élevé. Dans le milieu rural, il se remarque des efforts appréciables de transformation du secteur agricole en vue de l’augmentation de la production alimentaire. Les villes principales, tout comme les villes secondaires, sont également en expansion. Il s’observe un dynamisme économique qui ne peut pas être expliqué par les statistiques économiques officielles.

Il y a en effet des éléments sur lesquels on peut fonder l’optimisme. Les conditions de stabilité se sont nettement améliorées par rapport à la période de 2015. Il y a cependant beaucoup d’actions à mener indispensables pour bâtir un État totalement réconcilié et prospère, condition préalable à une paix durable.

À votre avis, où devraient se focaliser les efforts aujourd’hui ?

Des efforts sont encore nécessaires, en particulier dans les domaines de la gestion des finances (notamment la lutte contre la corruption), de la diplomatie en vue de mobiliser des sources extérieures de financement, et de la réconciliation en vue de mobiliser tous les Burundais, sans exception, autour d’une vision commune de paix, de sécurité, de stabilité et de développement. La population manifeste une forte volonté de prendre en main sa propre destinée.

Plus particulièrement, la jeunesse est en train de développer un esprit entrepreneurial, ce qui, à moyen et long terme, favorisera une accélération du développement d’un secteur privé assez dynamique pour la création d’emplois et la création de richesses.
https://www.iwacu-burundi.org/il-faut-mobiliser-tous-les-burundais-sans-...

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