Jan
03
2018

Impact des investissements chinois dans le domaine agricole au Burundi

Dans la localité de Gihanga en province Bubanza, à une dizaine de kilomètres de la Capitale Bujumbura, un champ d’expérimentation du riz hybride a été initié. Le nom scientifique de ce riz est : « Chuan Shuang 506». La récolte vient de prouver que cette variété fournit une grande quantité par apport au riz local. Avec ce dernier, le rendement ne dépassait pas 6,9 tonnes par hectare. Mais les statistiques après la récolte du riz hybride fournissent des résultats phares : 10,5 tonnes par hectare. Les experts agricoles et les riziculteurs se réjouissent de la finalité de cette expérimentation. Leur souci est maintenant d’assister à la dissémination de cette variété au bénéfice de la population. 

Ce projet  conjointement lancé par  des experts agricoles chinois ainsi que le Ministère burundais de l’agriculture et de l’élevage à travers la Société Régionale du Développement de l’Imbo (SRDI) est devenu la cible des citoyens, toutes catégories confondues. Tout le monde veut savoir l’origine de cette variété de riz qui offre une vue splendide compte tenu de la verdure du champ et  surtout de l’abondance de grains à une simple vue. La conviction de la plupart des gens est qu’il y a des signes d’augmentation de  la production. « L’avenir est plein de promesses », affirme Ntikarihamwe Antoine, un riziculteur rencontré dans son champ à la 10èmeAvenue, à Mugerero.

Chuan Shuang 506 attire l’attention de la population de  Gihanga.

Il est 10h50 minutes, à Bujumbura, un journaliste avec des guides de la SRDI arrivent dans de vastes étendues de champs à Gihanga où des centaines de personnes s’occupent du labour du sol.  Environ 100 mètres les séparent d’une trentaine de cultivateurs, hommes et femmes, travaillant en association. Le journaliste et les guides approchent. Tout le monde dépose sa houe, tous les yeux braqués sur les visiteurs. Des doutes se lisent sur les visages.  Un des guides de la SRDI tranquillise. Le journaliste lance un petit divertissement  pour les encourager. Leur chef, Ciza Joseph, un quinquagénaire,  n’a pas le temps de se retenir. Il veut parler à tout prix mais le guide prend la parole et présente le journaliste aux agriculteurs. Tout à coup, l’interview commence. «  Nous sommes heureux de vous accueillir. Nous sommes contents parce que nous nous rassurons que l’objectif de votre visite est de nous approvisionner en semences du riz  hybride. Nous en  avons besoin dans nos champs. Nous avons le souci d’avoir des champs semblables à celui-là de la SRDI », précise Ciza Joseph, chef d’équipe. «  Si vous nous donnez des semences pour nos champs, nous allons partager équitablement  jusqu’à ce que chacun de nous ait sa part », martèle-t-il.

Après quelques minutes d’interview, une autre personne arrive. C’est Habonimana Balthazar. Il combine enseignement et agriculture du riz. Il est enseignant au Lycée Communal de Buringa depuis 20 ans. Pour lui, il n’y a pas d’autre choix qu’adopter l’agriculture du riz hybride. «  Ça fait plus de 15 ans que je pratique l’agriculture mais j’ai été étonné quand j’ai vu cette variété car il est visible qu’elle est différente de celle que nous avions l’habitude de cultiver », affirme-t-il. Marguerite Ndinzeyose, une cultivatrice rencontrée dans son champ non loin du siège social de la SRDI sent déjà la présence du projet du riz hybride dans une vaste région très fertile et dont la population prend l’agriculture comme de l’or compte tenu de ses bienfaits dans des milliers de ménages. 

Des coopératives agricoles veulent cultiver le riz hybride « Chuan Shuang 506 ».

Plusieurs coopératives  consacrées à l’agriculture du riz sont signalées à Gihanga. Sinzumusi Edouard est le président d’un regroupement de six coopératives connues sous le nom de «  Umuco w‘Abarimyi (Lumière des cultivateurs) . Ces coopératives totalisent 4000 membres vivant au quotidien de la culture du riz.  Il fait savoir que non seulement il est au courant du projet mais  a également été associé dans le cadre de la formation. «  Les conducteurs du projet nous ont offert une formation sur le suivi de cette variété de riz depuis l’étape de la pépinière jusqu’à la récolte. Dix huit personnes par coopérative ont été formées. Au total, 108 personnes ont bénéficié de la formation. Nous allons former d’autres. Cela veut dire que l’impact de ce projet sera de grande envergure »confie-t-il. «  Les membres de nos coopératives apprécient cette variété. Dans un proche avenir, nous allons produire pour des millions de consommateurs » ajoute-t-il.

Diplômé en comptabilité, il a souscrit à  la culture du riz « Chuan Shuang 506 ».

Certains arguments avancent qu’investir signifie «  injecter une somme colossale dans une affaire ». D’autres estiment que la récompense d’un diplômé d’Université, c’est brosse, cirage, cravate, costume et un bureau avec une touffe de clés. Cependant, des esprits animés de curiosité et de détermination prouvent le contraire. Evrard Ndayikeje, rencontré dans son champ à Mugerero, est jeune licencié en comptabilité depuis 2014. Il n’a pas trouvé d’emploi depuis cette période. Comme son père possède des superficies de terres, il a investi  son capital intellectuel dans la riziculture à l’aide des experts chinois et burundais. Il raconte : «  J’étais dans les champs comme d’habitude et j’ai vu des Chinois venir me demander un partenariat pour l’expérimentation du riz hybride sur mon terrain. Après plusieurs séances d’échange, j’ai accepté le partenariat. Voilà alors le fruit ». Le fruit dont il nous parle ici c’est un champ verdoyant de riz sur une superficie d’un hectare.

Les données statistiques obtenues auprès du bureau du mouvement associatif montrent que le riz hybride« Chuan Shuang 506 » présente un gain économique à partir des semences même. En effet, avec le riz local il faut 80 kilogrammes de semences sur un hectare  pour  offrir une récolte de 5 tonnes. Par contre, avec le riz hybride, un hectare est couvert par  seulement 12 kilogrammes de semences et la récolte est estimée à 10 tonnes.

A la question de savoir s’il va chercher de l’emploi ailleurs dans un bureau,….Evrard Ndayikeje s’exprime dans ces termes : « De l’emploi ailleurs ! Non pas du tout. Mon bureau, c’est ce champ parce qu’après la récolte, je vais gagner de l’argent qui pourra m’aider à lancer une autre activité génératrice de revenu. Vous comprenez que la tendance est de devenir patron d’entreprise, créateur d’emploi pour les autres ». 

Les experts burundais en agriculture saluent l’apport chinois 

Le Directeur Général de la SRDI, Ingénieur Agronome Térence Nobus Butoyi précise que la coopération entre le Burundi et la Chine a de l’impact en matière de l’augmentation de la production du riz. « Je dois sincèrement dire que nous enregistrons beaucoup d’avantages en matière de la coopération sino-burundaise avec surtout l’avènement du riz hybride avec lequel nous avons fait de l’expérimentation et avons trouvé que le riz venant de la Chine parvient à fournir plus de deux fois de la production locale. », souligne-t-il.

Le Chef de Service Mouvement Associatif à la SRDI, Ingénieur Agronome Euphrem Ndikumana abonde dans le même sens : « Nous enregistrons des avantages et nous constatons que la production va augmenter ce qui pourra nous permettre de produire non seulement pour la localité mais aussi pour tout le pays,…la région. ». Notons que les chiffres montrent que la production du champ d’expérimentation s’élève à 10,5 tonnes au moment où la production du riz local n’avait jamais dépassé 6,9 tonnes au maximum. 

Le Directeur Général de la SRDI indique qu’avant  même de démarrer le projet d’expérimentation du riz hybride, des ingénieurs agronomes de la société dont il est le Directeur Général  se rendaient en Chine pour se perfectionner  en matière de la production du riz en général. «  Quatre ingénieurs agronomes de la SRDI sont déjà partis en Chine. Moi-même, j’y suis allé à deux reprises. Les techniques apprises nous aident beaucoup à améliorer nos prestations », fait-il savoir.

Le Chef de Service Mouvement Associatif, lui, indique que le champ d’expérimentation aide aussi la SRDI à bien encadrer les stagiaires. «  Les stagiaires venant de la faculté d’Agronomie à l’Université du Burundi et ceux de l’Institut des Techniques Agricoles du Burundi (ITAB) ont été encadrés à base de ce champ. Ils pourront aller former les autres partout où ils iront ce qui pourra avoir des effets positifs sur tout le territoire national », indique-t-il. 

Des défis relevés auprès des consommateurs du riz et des experts agricoles

La dissémination du riz hybride pourra être ralentie par  les prix des semences. En effet, le prix d’un kilogramme de semences a été fixé à 5 dollars (environs 8600 Francs burundais). Cela suppose un certain capital financier pour les producteurs qui auront de grandes superficies à exploiter au moment où les riziculteurs devront acheter des semences à chaque cycle de culture.

Des sources concordantes indiquent que le riz hybride exige un suivi particulier et régulier. Le souci des riziculteurs est d’accompagner le projet de multiplication du riz par un nombre suffisants d’encadreurs agricoles qui pourront aider les producteurs. La disponibilité des pesticides a été également évoquée par les riziculteurs. C’est pourquoi ils ont l’espoir que le projet pourra s’étendre sur la fourniture de pesticides aux agriculteurs afin de garantir une production suffisante dans la mesure où les conditions météorologiques extrêmes peuvent amener des maladies au riz. Des intrants sont également nécessaires pour augmenter la fertilité du sol surtout que le riz hybride dépend essentiellement des engrais.

Du plaidoyer

Le souhait de Térence Nobus Butoyi, Directeur Général de la SRDI ainsi que celui du président du regroupement des riziculteurs, Sinzumusi Edouard, est que la semence du riz hybride soit produite au Burundi pour permettre une  production à grande échelle.

« Lors de nos stages en Chine, nous avons demandé à ce que les semences du riz hybride soient produites localement. Nous réitérons cette demande dans nos différents contacts  et entretiens avec l’Ambassade de Chine au Burundi », indique le Directeur Général de la SRDI.

La même autorité ajoute : « Nous aimerions que la Chine nous aide à mécaniser l’agriculture car nous utilisons la main et ces conditions ne nous permettent pas de produire suffisamment ».

Lors de notre investigation,  nous avons réalisé que certaines idées convergent en demandant à la Chine de fournir des engins adaptés et efficaces pour le désensablement des canaux d’irrigation  afin d’avoir une quantité d’eau suffisante pour les champs. En effet, à en croire le Directeur Général de la SRDI, seulement 10% de la quantité d’eau disponible sont utilisées car les rivières Muzazi, Gikoma, Mpanda et  Musenyi utilsées dans l’irrigation de plusieurs milliers d’hectares sont fréquemment ensablées.

Compte tenu de la volonté des autorités de la Société Régionale du Développement de l’Imbo (SRDI) d’augmenter la production agricole en matière de riz, une attention particulière serait d’évaluer la capacité d’adaptation du riz hybride à différents environnements. Sa capacité de résister aux maladies et aux insectes pourrait également être évaluée afin de prendre à suffisance des mesures de prévention et garantir ainsi une bonne récolte.

burundi-eco.com

 
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