Interview exclusive avec Agathon Rwasa :«Pourquoi vouloir rééditer le monopartisme ? »
Etat des lieux sur l’agrément de son nouveau parti politique, le code électoral, sa participation aux prochaines élections, le quotidien de ses sympathisants en province, le dialogue inter-burundais, etc. Le Premier vice-président de l’Assemblée nationale revient, dans les colonnes d’Iwacu, sur les questions de l’heure en ce début d’année préélectorale.
Après le refus de l’agrément de votre nouveau parti, vous êtes-vous conformé aux exigences ?
Tout d’abord je dois dire qu’on n’a jamais été contre les exigences dont on parle. Nous avons consulté la loi avant de faire quoi que ce soit. Seulement, dans notre pays, il est presque de notoriété publique pour ceux qui sont au pouvoir de chercher à écarter les autres. Sinon, comment dire qu’une dénomination est la même parce qu’il y a des lettres qui se ressemblent avec des sens différents. Je ne pense pas qu’il pourrait y avoir des confusions entre Front national pour la liberté et Forces nationales pour la Libération. Ce n’est pas du copier-coller. Tout simplement le Cndd –Fdd veut monopoliser l’espace politique. Cette attitude ne nous aide pas à avancer .La démocratie suppose le pluralisme et la complémentarité. Le Cndd-Fdd devrait savoir qu’il ne doit pas prendre en otage notre pays.
Le président la République a indiqué que la balle est désormais dans votre camp. Quel est l’état d’avancement du dossier ?
J’ai été très surpris par les propos du chef de l’Etat. Depuis le 14 novembre 2018, tout ce qu’on nous avait demandé de modifier avait été fait. Il a fallu attendre 2019, pour qu’on nous signifie que nous devons encore modifier le vocable Amizero y ‘Abarundi. Ce dernier serait une propriété d’un autre parti. C ‘est incroyable car nous avons participé aux élections de 2015 avec ce vocable. Aucune formation politique n’a levé de doigts pour nous accuser d’usurpation de nom. Tout simplement ce sont des manœuvres dilatoires. Nous ne voulons pas faire de guerres d’appellation. Nous avons sursis ce patronyme. Nous attendons la réaction du ministère de l’Intérieur.
Quels sont vos appréhensions par rapport au nouveau projet du code électoral ?
Je l’ai toujours dit et je ne cesserai pas de le répéter. Le pouvoir en place cherche à exclure les uns et associer les autres. C’est du sectarisme. L’intérêt national devrait primer sur toute chose. Tout le monde devrait être associé à l’élaboration du code électoral. Pourquoi faire du code électoral un apanage du Cndd-Fdd et ses alliés ? Cela ne présage pas l’épanouissement de la démocratie dans notre pays.
Un commentaire sur les dispositions du code électoral ?
Dans un pays où le droit de rencontrer les militants est systématiquement bafoué, une campagne électorale ne devrait pas durer deux semaines. S’il existe un parti qui a eu 5 ans de campagne détournée, il ne doit pas imposer des délais courts pour les autres. Surtout que les scrutins seront combinés .En outre, le traitement que le nouveau code réserve aux indépendants est injuste.
Du deux poids deux mesures donc?
Absolument. Lors du lancement de la campagne du référendum, un article de la constitution (171 si je me rappelle bien) traitait les listes des indépendants et les partis politiques à titre égal. Mais lors de la promulgation, les choses ont subitement changé. Une discrimination y a été insérée. Pour les partis politiques et leurs coalitions, l’article stipule qu’il faut 2 % des suffrages exprimés au niveau national pour un siège. Tandis que pour les indépendants, plus question de liste, et il va leur falloir 40% des suffrages au niveau de la circonscription. La base de comptage est nationale pour les uns, provinciale pour les autres. Y aura-t-il deux parlements ? Provincial et national ? Personnellement, j’y perds mon latin. Exclure les gens sur base des lois, ce n’est pas loin de l’apartheid.
Quelle est la situation de vos militants sur terrain ?
C’est difficile de faire la politique sans la bénédiction du parti au pouvoir. Ici et là des violences et des arrestations intempestives sont opérées en l’encontre des personnes qui n’adhèrent pas à la mouvance présidentielle. Cette intolérance politique ira jusqu’où ? Pourquoi vouloir rééditer le monopartisme alors que les textes consacrent le pluralisme politique ? Telle attitude bloque le développement de ce pays.
Où est votre lieutenant Pierre Célestin Ndikumana ?
L’honorable Ndikumana a eu des problèmes avec le pouvoir en place. On l’accuse d’avoir ourdi un complot visant à assassiner les hautes autorités du pays. C’est une affaire rocambolesque d’autant plus qu’il serait de connivence avec des domestiques. Avec la levée de son immunité, il ne pouvait plus exercer librement son mandat. Actuellement, il n’est plus au Burundi.
Le dialogue inter-burundais est au point mort et le Sommet des chefs d’Etas de l’EAC approche. Un dialogue inclusif entre majorité et opposition, mission impossible ?
Ce n’est pas une mission impossible. C’est juste une question de volonté de part et d’autre. Il est du ressort des chefs d’Etat de convaincre les parties prenantes à s’asseoir ensemble. Sinon, ce serait une honte qu’un dialogue qu’ils parrainent se termine en queue de poisson. Et cela à cause d’un boycott d’une seule partie. C’est gênant de voir que certains Burundais vivre dans le déni de la crise alors qu’elle rythme notre quotidien et qu’ils se soustraient à cette responsabilité de dialoguer avec leurs frères.
Des défections s’observent au Cnared. Mauvaise nouvelle ou simple reconfiguration politique en exil?
La séparation n’est jamais bonne. Je ne suis pas au courant des raisons profondes de leurs dissensions. Cependant, si bien même ce serait une reconfiguration, elle ne peut pas se faire à coup de communiqué sur les réseaux sociaux. Du reste, j’ose espérer qu’ils cherchent toujours à contribuer pour un Burundi meilleur.
Serez-vous candidat aux élections de 2020 ?
Le pacte international sur les libertés civiques et politiques en son article 3 stipule que tout le monde a le droit d’élire et de se faire élire. Et la Constitution reconnaît implicitement ce pacte. Donc, c’est notre droit de participer au processus de 2020. Peu importe la situation dans laquelle nous nous trouvons. C’est par cette voie que nous pouvons contribuer aux changements de la situation dans ce pays.