«Jeunes filles, soyez des artisanes de la paix dans vos communautés!»
Renforcer les femmes leaders existantes et favoriser l’émergence de nouvelles filles leaders afin de promouvoir la réconciliation et la consolidation de la paix, c’était le but des formations qui se sont déroulées, du 4 décembre au 7 décembre 2018, dans les communes de Rugombo en province de Cibitoke et Kayanza et Muruta en province de Kayanza.
«Quelle est la définition d’un leader?», demande le formateur à l’assistance. «Un leader est celui qui dirige les autres», répond un participant. «Faux, celui-là est un dirigeant. Il y a une différence. On peut être dirigeant sans être nécessairement un leader», lance un autre participant. A travers des jeux, le formateur les amène à comprendre la signification d’un leader. « Maintenant je comprends, un leader est celui qui aide à résoudre les conflits sans attendre rien en retour et sans être partisan. Ce qui n’est pas toujours le cas d’un dirigeant», indique un participant.
Dans les trois communes, ils étaient plus d’une centaine de jeunes filles, femmes et hommes leaders. Ils ont été choisis parmi des femmes leaders de plus de 35 ans à la tête des organisations, des jeunes femmes de 18 à 35 ans actives dans différents groupes ainsi que des jeunes filles et femmes marginalisées et vulnérables (handicapées, les albinos, les filles-mères, les Batwa, etc).
Quant aux hommes, c’étaient des jeunes garçons de 18 à 35 ans, membres de clubs de paix, agents de changement, membres des associations ou mouvements d’action chrétienne ainsi que des élus locaux, les Bashingantahe, les membres des comités mixtes de sécurité, les agents de santé communautaire, les membres des comités collinaires de développement, les membres des comités communaux de développement communautaire, les leaders religieux, les leaders des partis politiques et des organisations de la société civile. Tous provenaient des différentes appartenances ethniques, socio-économiques, politiques et culturelles.
Déterminés à faire avancer la paix
Ces formations avaient été organisées dans le cadre du projet de l’ONG Search For Common Ground (SFCG) intitulé «Soutenir les femmes leaders d’aujourd’hui et de demain pour faire avancer la paix au Burundi» financé par United Nations Peacebuilding Fund (UNPBF).
Les partenaires d’exécution de ce projet dans ces trois communes étaient l’Association des femmes rapatriées du Burundi (AFRABU), le Réseau des organisations des Jeunes en Action (REJA) et le Collectif pour la Promotion des Associations des Jeunes (CPAJ). Les bénéficiaires de ce projet se sont engagés à consolider la paix dans leurs communautés.
Espérance Ndayishimiye, albinos de la commune Kayanza, trouve que les albinos en général et les filles albinos en particulier ne se mettent pas en valeur suffisamment. «Je ne savais pas ce que c’est un leader et son rôle dans la communauté. Je croyais qu’une fille et encore moins une albinos n’avait pas de mot à dire dans les affaires de la communauté.
Aujourd’hui, je viens d’apprendre beaucoup de choses. Nous autres albinos, nous sommes stigmatisés ce qui fait qu’on n’ose pas élever la voix. Je n’aurais plus peur d’être un leader sur ma colline et d’aider les autres à résoudre leurs conflits». Et d’exhorter les autres albinos à ne pas avoir peur de s’exprimer.
Bonaventure Harerimana, originaire de la commune Rugombo, est de l’institution des Bashingantahe. «Dans ces temps-ci, il est impensable d’exclure les femmes dans la résolution pacifique des conflits.
Certaines femmes ont du charisme plus que des hommes.» Pour lui, les pratiques anciennes n’ont plus lieu d’être. «Il faut soutenir ce genre d’enseignements qui mettent en avant les leaders féminins. Ils permettent aux femmes, qui sont en grand nombre, de s’ouvrir au monde.» M. Harerimana conseille aux autres Bashingantahe d’associer les femmes lors des résolutions des conflits. «Il n’y a aucune différence entre les hommes et les femmes. Ceux qui pensent le contraire doivent changer de mentalités.»
Pour Aline Ndayishimiye, de la colline Mihigo en province Kayanza, ce projet de soutenir les jeunes filles leaders arrive à point nommé. «On apprend beaucoup de choses qu’on ne connaissait pas. De plus, il permet aux jeunes filles de s’épanouir et de ne pas avoir peur pour aider à consolider la paix». D’après elle, ces nouvelles connaissances vont améliorer leur façon de résoudre les conflits dans la communauté. Cette jeune fille d’une vingtaine d’années assure qu’elle aide les gens de sa colline dans la résolution de leurs conflits. «Parfois, c’est moi qui impose la solution ce qui est une mauvaise stratégie. Je viens d’apprendre qu’il faut laisser les personnes en conflit trouver une solution eux-mêmes. Mon rôle sera de les guider afin qu’elles trouvent un consensus.» Elle exhorte les jeunes filles à s’affirmer : « L’âge ou la stature ne comptent pas pour être un bon leader. Il faut être un artisan de la paix où que vous soyez».
Appolonie Nikonabasanze, de la colline Nkongwe, commune Muruta en province de Kayanza, trouve que ce projet de soutenir les femmes leaders d’aujourd’hui et de demain permet à ces dernières de s’émanciper et de montrer aux hommes qu’elles peuvent réaliser de grandes choses. « Soutenir les femmes leaders peut beaucoup contribuer dans le développement du pays et la cohésion sociale». Pour cette jeune femme de 25 ans, ces formations sont très bénéfiques pour les jeunes. «Souvent on ne sait pas comment se comporter devant un conflit. Ces enseignements nous éclairent». Selon Adrienne Niyokwizigira, de la même colline, les gens font confiance à Appolonie Nikonabasanze. «Elle est dans plusieurs associations et les gens qui ont des conflits la consultent. Elle est célibataire, mais les couples mariés lui demandent conseil». Selon Appolonie Nikonabasanze, certaines filles se sous-estiment. «Il faut se réveiller, si nous voulons être respectées. Ce que les garçons peuvent faire, les filles aussi le peuvent».