Kagano : mieux associés, mieux réconciliés
Le secteur administratif de Kagano du district de Nyamasheke, ouest, illustre une réelle réconciliation entre les victimes du génocide contre les Tutsi et leurs bourreaux respectifs. Ceux-ci se côtoient mutuellement à travers des associations qu’ils ont créées dans le but d’exercer des activités rentables et ainsi, permettre une réconciliation fraternelle et sincère.
Les associations conjointes des familles victimes du génocide contre les Tutsi de 1994 et leurs bourreaux respectifs dans le secteur administratif de Kagano du district de Nyamasheke, ouest, rendent pratique la réconciliation depuis longtemps recherchée. Les deux camps se côtoient à travers des activités lucratives qu’ils mènent ensemble, en vue de lutter contre la pauvreté et de minimiser ainsi, leur crainte de rapprochement, jadis, vu comme une barrière à leur réconciliation.
L’envol trouve racines dans l’initiative de l’Association des Volontaires de la Paix (AVP), une ONG locale qui a trouvé une autre orientation pour pouvoir matérialiser la réconciliation. ″Nous avons crée cinq petites associations dans le secteur de Kagano qui regroupent aussi bien les victimes du génocide contre les Tutsi que leurs bourreaux. Ceux-ci ont reçu des fonds pour lancer des activités génératrices des revenus, afin de lutter contre la pauvreté et de permettre les assises à la réconciliation basée sur les intérêts conjoints″, a montré Innocent Kamanzi, président de l’AVP dans un débat radiodiffusé en synergie sur trois radios, organisé par PAX PRESS.
Le secteur administratif de Kagano compte cinq associations avec 150 membres qui ont entrepris l’élevage des petits bétails et autres activités lucratives. "Chaque association doit avoir un nombre égal des rescapés du génocide à leurs bourreaux. C’est avec souci de leur permettre de tisser de bonnes relations réconciliatrices", témoigne Nzakama Léopord ancien coupable du génocide. Ce sexagénaire président de l’association ″Icyerekezo″ ou "Vision", a reçu le pardon de la part de la famille qu’il avait endeuillée. Il atteste que l’élevage des porcs a permis aux membres de son association d’améliorer leurs conditions de vie et de renforcer leurs relations fraternelles entre les familles victimes du génocide et celles de leurs bourreaux. "C’est l’AVP qui nous a d’abord formés sur l’unité et la réconciliation et puis, financé l’élevage des porcs", a-t-il rappelé.
Le ton est le même pour cette femme rescapée du génocide contre les Tutsi. Mukantabana vestine, quadragénaire mère de 6 enfants dont deux ont été tués pendant cette tragédie, a avoué que les enseignements et le financement de l’AVP ont concrétisé le rapprochement entre les familles victimes du génocide et les auteurs du crime de génocide. "Nous avons crée une association des vendeurs des fretins qui renferme aussi bien les victimes du génocide que les anciens coupables du génocide. Nous gérons bien les fonds que nous avons reçus d’AVP. Les intérêts sont partagés entre les membres et la réconciliation fraternelle en résulte comme conséquence", a-t-elle témoigné. Pour Nzakama Léopord," Les conditions de vie des victimes et leurs bourreaux respectifs sont satisfaisantes : nous parvenons à payer les frais d’assurance médicale (Mutuelle de Santé), les frais scolaires et autres besoins indispensables".
La réconciliation est tributaire de bonnes conditions de vie
"La réconciliation ne réussit que lorsqu’elle est initiée pour améliorer les conditions de vie des citoyens", a démontré le Docteur Vénuste Karambizi, ancien président de l’AVP qui justifie le motif de financement d’AVP à l’endroit des associations des victimes et des anciens coupables du crime de génocide. "C’est pourquoi l’AVP a financé certaines activités dans le secteur administratif de Kagano, comme par exemple, l’élevage de petits bétails, l’apiculture et l’agriculture des ananas dans la localité de Mwiraro et autres activités lucratives”, a-t-il souligné.
Mukarukwiza Margueritte, rescapée du même drame, habite la cellule de Rwesero. Elle témoigne sa gratitude envers l’AVP qui lui a permis de sortir de son isolement social et économique. "Le financement reçu nous a permis de faire l’élevage des caprins. Vite, nous avons remarqué que c’était rentable ; car nous en tirons profit. Sans l’AVP, nous serions toujours des moribonds", a-t-elle confirmé. Cette même opinion a été partagée par Nyirahabimana Hillary de la même localité que Mukarukwiza. Elle atteste que grâce à cet élevage, elle paie sans difficulté, les frais scolaire de ses trois enfants.
L’Association des volontaires pour la Paix (AVP) œuvre au Rwanda depuis 1991. A travers son programme de réconciliation, plusieurs districts sont en marche vers une réconciliation sincère. Parmi ceux-ci, figure, Bugesera, Rutsiro et Nyamasheke. Le secteur de Kagano compte 200 membres de l’AVP qui ont accepté la réconciliation volontaire, alors que plus de 400 personnes ont déjà bénéficié d’une formation sur la réconciliation.
Adronis Mbazumutima