mar
27
2016

Karenga Ramadhani (CNC) : « Il faut aider les médias privés burundais »

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Joshua Massarenti/IPGL/VITA/Afronline

Bruxelles – « Les organes de presse qui ont été attaqués ne sont pas juridiquement ni légalement fermés, mais leurs responsables sont sous la coupe de poursuites judiciaires. En tant que responsable du CNC, j’invite à séparer les choses car les charges portées contre des responsables de médias ne peuvent pas empêcher ces médias de fonctionner ». Tels sont les propos rapportés à Infos Grands Lacs par le président du Conseil national de la communication (CNC), Karenga Ramadhani, au lendemain de la réunion qui s’est tenue à Bruxelles sur les médias burundais à laquelle l’instance de régulation des médias du Burundi a été associée.

Nommé à la tête de la CNC le 16 mars dernier, Karenga Ramadhani a échangé pour la première fois avec les responsables des principaux médias privés pour trouver des solutions à la situation d’extrême précarité dans laquelle se trouvent les organes de presse burundais, dont la majeure partie a été détruite en 2015. A ce jour, seuls deux d’entre eux ont pu relancer leurs activités : Radio Isanganiro, dont la rédaction est aujourd’hui divisée, et Radio Rema FM, réputée pour être proche du régime. « Cette table ronde nous a permis de nous réunir pour nous confronter sur une réouverture progressive des organes de presse, dont certains travaillent en exil ».

Dans ses déclarations, Ramadhani fait référence aux mandats d’arrêt internationaux dont font l’objet plusieurs responsables de médias privés, accusés par la justice burundaise de complicité dans la tentative de putsch avortée en mai 2015. Il s’agit d’Innocent Muhozi (Radio-Télévision Renaissance), Bob Rugurika (RPA), Anne Niyuhire, Patrick Mitabaro et Arcade Havyarimana de Radio Isanganiro, Gilbert Niyonkuru (RPA) et Patrick Nduwimana (de l’Association burundaise des radiodiffuseurs). Pour le président du CNC, « il faut que les organes de presse puissent au moins continuer à fonctionner », indépendamment des charges qui sont portées contre leurs responsables.

Quels sont donc les pouvoirs dont dispose Ramadhani pour favoriser la réouverture des médias privés burundais actuellement en exil ? « Le CNC est un organe constitutionnel qui dépasse les prérogatives des pouvoirs publics qui ont l’obligation de suivre certaines procédures tracées par le CNC », a rappelé Ramadhani. « Le CNC n’est pas un organe gouvernemental comme je l’ai pu entendre pendant les discussions qui se sont tenus à Bruxelles, nous ne recevons d’ordre de qui que ce soit. Le CNC a donc en principe les pouvoirs de rouvrir les médias, il n’y a pas d’autres instruments juridiques et législatifs ». Certes poursuit-il, « je ne peux pas m’immiscer dans les procédures judiciaires, mais en tant que responsable du CNC j’ai demandé aux organes de presse privés de nous donner le temps de nous enquérir auprès des autorités concernées pour que l’on soit suffisamment informé sur les cas des uns et des autres pour donner une suite logique à cette affaire ».

Mais les propos de Karenga Ramadhani, qui s’est définit au cours de la table ronde « un poids lourds du CNDD-FFD [le parti au pouvoir] », n’ont pas totalement convaincu ses interlocuteurs. « Quelle que soit sa volonté, réelle ou irréelle, il n’a pas les moyens ni les pouvoirs pour changer la situation actuelle des médias burundais », assure Innocent Muhozi. « L’insécurité et les difficultés dans lesquelles travaillent nos journalistes au Burundi ne dépendent ni du CNC, ni de son président. Elles dépendent d’une guerre qui est en cours et d’un dialogue entre les parties en conflit ».

De son côté le président du CNC ne démord pas. « La première chose à faire est de transmettre le message qui est venu de Bruxelles, puis utiliser pleinement les instruments légaux et juridiques dont dispose le CNC et qui jusque-là n’avaient pas été suffisamment exploités, afin que le rôle du CNC soit pleinement reconnu aussi bien de la part des médias privés que des pouvoirs publics ».

Le CNC recadre la RTNB et les médias privés

Dans un contexte marqué selon de nombreux experts par « une guerre civile larvée » où les messages de haine tendent à se multiplier, Karenga Ramadhani a rappelé les responsabilités des uns et des autres. « J’ai lancé un appel aux médias privés indépendants et à la Radio-Télévision Nationale du Burundi (RTNB), qui doit elle aussi respecter l’intégrité et éviter le langage de la haine. Certains reprochent à des politiciens d’utiliser la radio-télévision nationale pour transmettre des messages de haine, mais nous disposons aussi d’enregistrements de productions réalisées par des média indépendants burundais qui travaillent à l’extérieur du pays qui émettent les mêmes discours ».

« En tant qu’organe régulateur », poursuit souligne Ramadhani, « nous allons faire en sorte que les uns et les autres se remettent en cause. C’est pourquoi j’ai demandé à ce qu’il y ait d’autres rencontres ». Le président du CNC a par ailleurs invité les organes de presse privés « de vérifier si leurs mécanismes d’autorégulation avaient suffisamment fonctionné pour éviter la situation de crise que l’on a connu ».

Enfin, il souhaite « que d’autres tables rondes puissent avoir lieu pour avancer dans cette réflexion afin de permettre un équilibre de l’information et permettre aux journalistes d’exercer leur profession au Burundi. Le CNC aura parmi ses priorités celle de promouvoir une activité de plaidoyer afin que les partenaires internationaux puissent venir en aide à certains médias privés ».

Propos recueillis à Bruxelles par Joshua Massarenti pour Infos Grands Lacs, en collaboration avec VITA/Afronline (Italie).

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00:10:00

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