La police fâchée contre les magistrats
Le porte-parole de la police accuse la justice d’élargir des malfaiteurs, malgré la culpabilité avérée. Celui du gouvernement conseille d’éviter la globalisation.
Depuis qu’il a été emmené en mairie de Bujumbura, la police judiciaire a déjà reçu 8 plaintes contre lui concernant des montants colossaux. Et d’autres continuent à tomber. Sans oublier d’autres affaires d’escroquerie en justice.C’est la relaxe répétitive d’Osman Ndayishimiye alias Shabani, un “escroc notoire” qui s’est illustré lors du dernier séjour de la star congolaise, Koffi Olomidé, qui a mis le feu aux poudres. Shabani, arrêté, avec une bagatelle de 150 millions Fbu, en commune Vumbi de la province Kirundo, sur le point de gagner le Rwanda, est un aigrefin récidiviste.
«La police fournit tous les efforts nécessaires pour prévenir et réprimer les crimes. Mais, ils sont voués à l’échec. Notre partenaire, la justice, relaxe les criminels», a déclaré Pierre Nkurikiye, jeudi 13 juillet, dans une conférence de presse. Il ne décolère pas vis-à-vis du troisième pouvoir pour le cas de Shabani, emprisonné plusieurs fois : «Il a été remis en liberté, malgré des dossiers très bien confectionnés, des preuves et des indices de culpabilité rassemblés et transmis avec l’auteur au parquet.»
De tels actes mettent en danger les policiers et toute personne de bonne volonté, prête à collaborer avec les forces de l’ordre. «Libérés, ils récidivent les forfaits. Les policiers qui les avaient appréhendés et leurs collaborateurs sont les premières cibles.»
Les gens qui les relâchent sont des traîtres, ils donnent matière aux organisations “ennemies du pays’’, qui soutiennent que la criminalité règne en maître au Burundi. «Les criminels ont été relâchés par ceux qui étaient censés protéger la population, le pays et son image.» M. Nkurikiye évoque quatre autres cas.
Des ennemis du pays rendent justice
Il cite un groupe de malfaiteurs démantelé en mars dernier à Kazirabageni en commune Nyanza-lac de la province Makamba. Les 7 personnes qui le constituaient seront toutes appréhendées avec leurs fusils. D’abord un groupe de quatre, puis les trois autres. Elles bénéficieront des largesses de la part de la justice.
Il confie que deux d’entre eux, Déogratias Nyandwi et Protais Ndikumana, avaient été de nouveau arrêtés. «Ils avaient fait des aveux. Les preuves avaient été remises à la justice.» Mais la Cour d’Appel les a libérés, le 7 juillet dernier.
Pour rappel, le chef de l’Etat a décoré, le 1er juillet, un policier qui s’était illustré dans le démantèlement de cette bande.
Il parle également d’un cas de criminalité perpétré en zone Musaga, commune Muha de la mairie de Bujumbura. Il s’étonne que des auteurs d’une attaque à la grenade, qui a fait deux morts et plusieurs blessés, soient libérés. Il fait savoir que des indices de culpabilité avaient été remis au parquet. Ils ont été de nouveau arrêtés. «Nous les avons transférés aujourd’hui même au parquet.»
Il revient sur un cas d’un certain Njombo. Dans la zone de Gatumba, celui-ci a largué, l’année passée, une grenade dans un bus, faisant «des morts et plusieurs blessés. » Le criminel reconnaîtra sa responsabilité. Remis aux juridictions, il sera relaxé par «la justice au niveau de la province de Bujumbura.»
Après, il créera un autre groupe, qui commettra plusieurs forfaits dans la province de Bubanza, près de la frontière avec la République Démocratique du Congo.
Acculé, il se réfugiera en RDC où il sera appréhendé par un groupe criminel. Avant de l’achever, ils ont obtenu de lui des aveux mensongers pour nuire à l’image du Burundi. «Ils l’ont obligé de déclarer qu’il travaille pour le compte du Service national du renseignement du Burundi, du parti au pouvoir et des Imbonerakure.»
Sur son compte twitter, ce porte-parole avait posté, à la suite de l’arrestation de Njombo, qu’il était entre les mains de la police. «Ses bourreaux s’en serviront pour soutenir que le gouvernement est responsable d’actes d’exécutions extrajudiciaires.»
Au sujet du vol au siège de la Poste, une autre affaire qui avait défrayé la chronique, M. Nkurikiye évoque le cas d’Armel Mutore, un employé, qui a dévalisé 8 millions de Fbu. Il a été relâché trois jours après son transfèrement à la justice. Ce dernier avait aussi fait des aveux, « même devant la presse.»
Le porte-parole se veut, toutefois, optimiste : «Nous sommes sûrs que les institutions partenaires vont prendre des mesures qui s’imposent pour que de tels cas ne se reproduisent plus.»
Les membres de la quadrilogie (l’exécutif, le judiciaire, les corps de défense et de sécurité et la population) doivent avoir une même compréhension au sujet du “criminel’’. « Il est l’ennemi de la population, de la paix, de tout le monde. »
Finie la récréation
Philippe Nzobonariba, porte-parole du gouvernement, indique que les membres de l’exécutif, en retraite dans la commune de Bukirasazi de la province Gitega, en avril dernier, ont réitéré leur engagement pour le respect de la loi. Ils ont décidé de « sanctionner sévèrement des magistrats corrompus notamment ceux qui collaborent avec les escrocs et les autres criminels». Mais il ne faut pas blâmer la justice dans sa globalité.
M. Nzobonariba signale des initiatives pour décourager les brebis égarées : «Des mesures ont été prises contre des magistrats qui gardaient dans les tiroirs des jugements déjà rendus pour se faire soudoyer. Et pour l’un ou l’autre magistrat qui libérera un criminel pris en flagrant délit, ce sera considéré comme un cas de flagrance.»
Signalons que la ministre de la Justice, Aimée-Laurentine Kanyana, a été décorée le 1er juillet, lors du 55ème anniversaire de l’indépendance, pour une nette amélioration dans le traitement des dossiers au sein de son ministère.