Le Burundi au centre des débats à Genève... en attendant la plénière du Conseil des Droits de l'homme de l'ONU
A quelques jours de l’analyse de la situation des droits de l’homme au Burundi, la 31ème session du Conseil des Droits de l’homme bat son plein avec son ballet des centaines de délégations. En marge de la plénière du Conseil, les organisations de la société civile s’activent dans l’organisation de ‘’side-events’’ pour mettre un accent particulier sur des situations spécifiques de certains pays. Le cas du Burundi qui traverse une crise profonde depuis avril 2015 et des violations importantes des droits de l’homme est aussi un sujet de débats.
Le Burundi sera à l’ordre du jour de la 31ème session du Conseil des droits de l’homme le 21 mars 2016 à Genève. Au cours de cette session très attendue, l’équipe des experts indépendants désignés pour enquêter sur les graves violations des droits de l’homme commises au Burundi depuis le début de la crise devra aussi rendre son rapport préliminaire.
En attendant la sortie de ce rapport, quelques organisations de la société civile organisent des ‘’side-events’’ ou ‘’événements en marge’’ pour tenter de mobiliser l’attention sur le Burundi et les violations des droits de l’homme. Ce mercredi 16 mars 2016, le président de la Commission Vérité et Réconciliation Monseigneur Jean Louis Nahimana était aux côtés de Frère Emmanuel Ntakarutimana, ancien président de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme pour évoquer les possibilités de sortie de « l’impasse » de la crise actuelle.
Pour Michel Forst, Rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des défenseurs des droits de l’homme qui participait comme paneliste auprès des deux prélats, le Burundi traverse une « situation de chaos ». Il avoue que les signaux annonceurs de ce chaos étaient visibles mais que la communauté internationale a failli : « nous avons commis l’erreur en n’étant pas attentifs aux signaux d’alerte portés par ceux qui voyageaient dans le pays ». Michel Forst évoque aussi les « erreurs » du Conseil des droits de l’homme notamment lorsqu’il a « aboli » le mandat de l’expert indépendant sur la situation des droits de l’homme pour favoriser la mise sur pieds de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme : « je crois qu’on a aboli le mandat beaucoup trop tôt et l’on a abandonné une supervision importante de la part de la communauté internationale ».
Il estime que beaucoup de forces vives ont été contraintes à quitter le pays : les journalistes, les défenseurs des droits de l’homme, les acteurs politiques ou encore les avocats. « Il faut faire la désescalade et permettre à toutes ces forces vives de rentrer pour participer au dialogue» a déclaré l’expert onusien.
« Le Burundi se trouve dans une impasse politique »
C’est l’analyse de Monseigneur Jean Louis Nahimana, président de la Commission Vérité et Réconciliation. Selon lui, il existe une crise de confiance profonde entre le pouvoir et les partis de l’opposition mais aussi la société civile. Monseigneur Nahimana déplore par ailleurs l’insécurité née de cette crise par le recours à la violence de toutes parts : « d’une part la répression musclée de l’Etat et d’autre part du côté des opposants il y a des actes de violence que je qualifie même d’irresponsables » a-t-il déclaré citant les attaques à la grenade répétées contre des civils. « Il y a la violence des uns qui appelle la violence des autres » déplore l’orateur qui s’exprimait devant une soixantaine de personnes.
Pour le président de la CVR, l’accord d’Arusha avait pourtant permis de trouver un terrain d’entente après des années de guerre et de violence. « Comment en est-on arrivé là ? » s’interroge alors le président de la CVR ? Pour lui, le point de départ c’est « l’interprétation double de la Constitution » qu’il juge « mal rédigée et ambivalente » et le lanque de vrai débat autour de la question.
Monseigneur Jean Louis Nahimana insiste sur la nécessité de mettre à tout prix fin à la violence. Le président de la CVR a mis un accent particulier sur le besoin d’une « facilitation très forte et convaincue » mais aussi des « interlocuteurs » ainsi qu’un « agenda clair » pour le bon déroulement d’un dialogue politique inclusif. Sur ce point, le président de la CVR s’est montré ferme vis-à-vis des politiques : « on a l’impression que les hommes politiques se battent beaucoup plus pour des postes plutôt que pour la cause du citoyen ».
Les réfugiés Burundais, composés essentiellement de femmes et d’enfants qui n’ont rien à voir avec les luttes politiques, doivent être rassurés et leur permettre de rentrer, a conclu Monseigneur Jean Louis Nahimana.
Frère Emmanuel Ntakarutimana, ancien président de la Commission Nationale Indépendante des droits de l’homme, a dressé l’historique des différentes crises qu’a connu le Burundi. La crise de 1993 a pour lui apporté une plus-value aux Burundais en l’occurrence un « débat long et couteux » qui a permis de débattre sur la question de l’unité nationale à Arusha.
Pour la crise en cours, Frère Ntakarutimana s’interroge sur l’issue de celle-ci et estime qu’il faudra « de véritables médiateurs et de véritables gestionnaires des passions ». Il en appelle à la « responsabilité et l’engagement personnel » du Chef de l’Etat pour faire en sorte que la crise actuelle laisse une plus-value aux Burundais comme celles de 1988 et 1993.
Revenant sur les violences en cours, le Frère Dominicain a plaidé pour les jeunes au centre de ces violences afin qu’un avenir meilleur leur soit offert. Tout en déplorant la violation des droits civils et politiques des citoyens, Frère Emmanuel Ntakarutimana a jugé de « bombe à retardement » la violation des droits sociaux-économiques : « demain il y aura de nouvelles explosions si les droits sociaux-économiques ne sont pas pris en compte ».
Selon Frère Emmanuel Ntakarutimana, il ne faut pas être défaitiste à l’heure actuelle. Le danger est la « fatigue » au niveau du système des Nations Unies, des diplomates, des ONGs, des partis politiques et des citoyens. « Il faut sortir de cette fatigue généralisée qui limite la capacité d’imagination et de créativité au niveau des solutions » a conclu l’ancien président de la CNIDH.
Prenant la parole, le chargé de la Communication à la Présidence de la République a qualifié de « virtuel » le Burundi dépeint par certaines personnes en regrettant que des Burundais soient en exil : « j’ai été réfugié et je ne voudrais que personne ne vive en exil » a déclaré Willy Nyamitwe. Pour démontrer l’exagération de la crise, le Conseiller du Président a fait un parallèlisme avec l’année 2010 : « ce que nous vivons aujourd’hui est le reflet de ce que nous avons vécu en 2010 : le déni du résultat des élections, des grenades jetées, des morts chaque jour mais qui se passait loin de la capitale Bujumbura, loin des journalistes et loin des diplomates » a-t-il déclaré.
Plusieurs autres ‘’side-events’’ sont organisés où des Burundais expriment leurs points de vue sur la situation actuelle. La journée de lundi 21 mars 2016 sera à nouveau consacrée en partie au Burundi qui sera à l’ordre du jour du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies.
Source : RPA