Le franc burundais, au rythme de la crise
Depuis le mois de mai, le franc burundais se déprécie. Dans le milieu de change, l’avenir est incertain. Petit à petit, le franc burundais est devenu le thermomètre des inquiétudes face à la crise politique.
Le dollar s’est échangé à la fin du mois de mai contre 2200 frbu. Une dépréciation fulgurante du franc burundais par rapport à toutes les devises. Avant la crise, il s’échangeait contre 1750 frbu. Aujourd’hui il est autour de 1950 frbu. Toujours sur le marché « noir ».
Comment parler de la crise de franc burundais si le taux de change n’a jamais changé ni à la Banque de la République du Burundi (BRB), ni dans toutes les banques commerciales ? Il est toujours autour de 1550 frbu. Moins compréhensible, mais Célestin Ndakoze, qui travaille à l’avenue de l’Amitié, au centre ville de Bujumbura, comme changeur explique: « Depuis cette crise, la BRB et les autres banques n’ont plus de devises à vendre aux bureaux de change. Nous achetons des billets reçus des particuliers. Ces billets en devises sont rares, nous les achetons chers et la vente l’est davantage. »
Le change des monnaies comme toute transaction commerciale en général, suit la loi de l’offre et de la demande. Au Burundi, le change est sous régulation de la BRB. Lorsqu’elle a des devises, elle les vend aux banques commerciales. Ces dernières les revendent aux bureaux de change. De la sorte, la BRB, assure le principe de l’égalité d’accès des devises de banques et des bureaux de change, contrôle le circuit qui, aujourd’hui, est interrompu par la crise politique. La BRB ne vend plus ces devises.
La conséquence est immédiate, les maisons de change régulent les cours des devises, loin du regard de la RBR mais au grand dam des acheteurs.
Aloys travaille dans une ONG. Il voulait se rendre en mission en Egypte au mois de mai dernier. Le taux de change du franc burundais a estompé ses ambitions : « Avec le taux élevé, on ne pouvait plus avoir suffisamment de dollars pour supporter mon voyage. Les finances chez moi n’ont pas voulu ajuster les frais pour ma mission. Elles l’ont purement et simplement annulée », conclut-il avec regret.
Célestin, changeur, n’hésite pas à évoquer une spéculation dans les circonstances actuelles : « Un bureau de change peut acheter presque toutes les devises. Cette foi-ci, il influencera le taux de change du jour », insinue-t-il.
Ces changeurs ne sont pas les seuls à spéculer. Un enseignant d’économie politique à l’université du Burundi, a mis à profit ses connaissances pour son bonheur personnel. Il affirme avoir acheté des dollars au taux de 1800 frbu et a revendu à 2200 frbu. Il a dégagé un bénéfice d’un million. Pour lui, la formule est simple : « Aujourd’hui, il y a moins de demande des devises pour l’import. Le marché des devises est animé par les particuliers. S’il y a moins de peur sur la situation actuelle, il vaut mieux acheter. Lorsque la peur s’installe, il faut alors vendre », précise-t-il avec sourire.
L’idée est simple. Si les gens ont peur, ceux qui ont de devises les retiennent au moment où ceux qui n’en disposent pas, sont à leur recherche. Et là, une pénurie des devises se crée. La situation est loin d’être bonne si l’aide internationale s’avère dans l’horizon indisponible suite aux décisions des partenaires financiers du Burundi.
Faut-il espérer que cette fluctuation du dollar face au franc burundais, et d’autres devises en général, prendra fin avec la crise politique qui l’a inspirée ? L’avenir nous le dira.
Pacifique Cubahiro, Infos Grands Lacs