avr
11
2025

Le jour où la France garda le silence sur le projet d’extermination des Tutsi

Alors que le Rwanda commémore le 31e anniversaire du génocide de 1994 contre les Tutsi, des négationnistes et des révisionnistes tentent régulièrement de minimiser cette tragédie en diffusant des thèses erronées selon lesquelles ces horreurs auraient été spontanées et dépourvues de toute planification.

Ces récits prétendent que le génocide contre les Tutsi aurait été une réaction des civils hutu, furieux suite à l’attentat contre l’avion du président Habyarimana, qui les auraient incitant à se déchaîner et à massacrer les Tutsi à travers tout le pays du jour au lendemain.

Cependant, bien au-delà des listes de noms, des fosses communes pré-creusées et des premiers massacres qui ont eu lieu à travers le Rwanda, des preuves irréfutables avaient déjà été recueillies par la communauté internationale, démontrant que le régime de Habyarimana avait bel et bien planifié l’extermination d’au moins 700 000 Tutsi.

La France, un allié de longue date du président Habyarimana, fut informée de ce complot dès octobre 1990, quelques jours après le lancement de la lutte de libération par le Front patriotique rwandais (FPR).

À l’époque, le colonel René Galinié, attaché militaire français à l’ambassade de France à Kigali, était en poste au Rwanda depuis trois ans.

Le 8 octobre 1990, il adressa un rapport à ses supérieurs à Paris dans lequel il alertait sur l’arrestation et l’assassinat de civils tutsi à Kigali, à la suite d’une répression contre de supposés collaborateurs du FPR, lancée le 5 octobre la même année.

Cinq jours plus tard, Galinié envoyait une nouvelle dépêche, faisant état de la traque de Tutsi par des groupes hutu organisés dans les collines. Il signalait que les tueries avaient déjà débuté dans la commune de Kibilira (actuellement située dans le district de Ngororero).

Un rapport de la Commission parlementaire française de 1998 a confirmé qu’entre le 11 et le 13 octobre 1990, 348 Tutsi avaient été massacrés à Kibilira et que plus de 500 maisons avaient été incendiées. Aucune des victimes n’était membre du FPR ni affiliée à ce mouvement ; elles ont été tuées uniquement en raison de leur appartenance à l’ethnie tutsi.

Lorsqu’on interrogea le président Habyarimana sur le massacre de Kibilira, il minimisa l’ampleur de l’événement en déclarant : « Il n’y a rien de grave, tout le monde respecte les autorités. »

Le 9 octobre 1990, soit un peu plus d’une semaine après que le FPR ait lancé son offensive, le ministère de la Justice annonça l’arrestation de plus de 3 000 prétendus collaborateurs du FPR, tandis que d’autres rapports évaluaient à plus de 10 000 le nombre de personnes détenues.

Galinié continua d’envoyer des télégrammes à Paris, rapportant la persistance des meurtres de Tutsi et insistant sur le fait que le président Habyarimana soutenait activement cette violence. Il est crucial de souligner que ces événements se déroulaient dès 1990, soit quatre ans avant le déclenchement effectif du génocide contre les Tutsi.

Dans ses rapports, Galinié mettait en garde contre l’intensification des attaques sur les civils tutsi si le FPR n’était pas stoppé dans sa reconquête du territoire. Il suggérait que la France pourrait se voir contrainte d’intervenir militairement pour soutenir le régime de Habyarimana.

Dans un télégramme daté du 24 octobre 1990, le colonel Galinié écrivait : « D’après mon analyse et les informations reçues ces derniers jours, un plan est en cours pour éliminer environ 700 000 Tutsi à l’intérieur du pays. »

« Le gouvernement refusera de céder des territoires lors des négociations de paix s’il s’agit de les remettre aux Tutsi, qui souhaitent récupérer le pouvoir perdu en 1959. Ils redoutent que le FPR n’instaure une monarchie tutsi dans ces régions. Que cela se fasse ouvertement ou discrètement, cela pourrait conduire à l’assassinat de 500 000 à 700 000 Tutsi, exécuté par les Hutu », poursuivait-il.

Malgré ces avertissements alarmants, La France a délibérément fermé les yeux, et n’a entrepris aucune action pour empêcher la mise en œuvre de ce plan génocidaire. Au contraire, lorsque le FPR captura la région d’ "Umutara", La France déploya des troupes au Rwanda sous couvert de l’opération "Noroît", officiellement justifiée par la protection de ses ressortissants, mais qui visait en réalité à soutenir militairement le régime de Juvénal Habyarimana.

Les troupes françaises non seulement restèrent au Rwanda, mais continuèrent également à former l’armée d’Habyarimana et à l’assister dans les combats, et ce, même après avoir été informées de la préparation d’un génocide imminent contre les Tutsi.

Plutôt que de faire pression sur Habyarimana pour qu’il mette un terme aux violences, la France alla jusqu’à cautionner sa gestion des prétendus “complices” à la fin de l’année 1990 — une décision largement condamnée par les organisations de défense des droits humains, qui accusaient le gouvernement rwandais de poursuivre les massacres et les persécutions d’innocents sous couvert de lutte contre les collaborateurs de la rébellion.

Même Radio France Internationale (RFI), pourtant financée par le gouvernement français, n’a pas rendu compte de l’ampleur des atrocités, en dépit de preuves accablantes. Au contraire, elle a minimisé les événements au Rwanda, fermant délibérément les yeux sur la réalité du carnage en cours.

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