Le père Herménégilde Icoyitungiye a officié lors de la fin du carême. Il a saisi cette occasion pour protester et lancer un appel contre les exactions commises. Un sermon qui n’a pas plu à tout le monde.
Un vendredi saint pas comme les autres au sanctuaire marial du Mont Sion Gikungu à Bujumbura. L’abbé Herménégilde Icoyitungiye débute la messe. Au menu, le chemin de croix, mais aussi le sermon. Il ne sait peut-être pas alors que sa chronique va faire des vagues. Et c’est un euphémisme.
D’entrée de jeu, il parle du culte du silence imposé actuellement au Burundi. « Quand un de tes proches meurt, on te dit de garder le silence.» Il fustige le discours des autorités qui disent que la paix règne dans tout le pays. « Cette rhétorique ôte à la population le droit de pleurer les siens. Cela est devenu tabou.», a lancé le prêtre devant un parterre de dignitaires et de chrétiens venus clôturer les 40 jours de carême.
Poursuivant sur sa lancée, il regrette que la vie d’un homme n’ait plus de valeur actuellement au Burundi. En témoigne, les tueries constatées ici et là. « Sur sa croix, Jésus demande pourquoi personne ne semble compatir à sa mort. Il dit ceci : On me maltraite et certains continuent à se moquer de moi disant que la paix règne, je meurs de faim et ils continuent de dire que la récolte a été bonne au Burundi, je subis l’arbitraire et pourtant ils disent que le Burundi est un pays où règne la justice. »
Il dénonce également l’inaction
Dans sa prédication, le Père Herménégilde Icoyitungiye évoque également la corruption. « Je suis mort à cause de la corruption de Judas et les autres brandissent le programme tolérance zéro en matière de corruption, même si les gens continuent à vivre dans la misère. » Pour le père Herménégilde, le pire est de voir les sommes colossales investies pour financer les tueries au lieu de sortir le peuple de la misère, de protéger la population.
Dans son sermon, il parle de l’inaction des gens face à l’oppression. « Sachez que ce Jésus que vous pleurez aujourd’hui, vous le côtoyez chaque jour. Il est dans cette personne qui est persécutée pendant que tu te tais ou que tu y participes d’une façon ou d’une autre.»
Le prêtre appelle à la responsabilité des uns et des autres. « Que personne ne dise demain ou après-demain avoir exécuté un ordre, après avoir conduit quelqu’un à l’abattoir.»
S’adressant aux autorités présentes ce Vendredi saint au Mont Sion, cet homme d’Eglise a demandé aux puissants de ne pas abuser de leur pouvoir pour opprimer l’autre. Il a également fustigé le fait que finalement, ce soit les méchants qui soient récompensés. « Aujourd’hui beaucoup de gens pleurent sans obtenir la justice et quelques fois leurs bourreaux sont considérés comme des héros, décorés et récompensés pour leurs prouesses. »