mar
01
2016

Le Rwanda vu par Alain Billen, un éditorialiste d’origine belge

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Alain Billen Éditorialiste d’origine Belge / IGIHE Ltd

L’image du Rwanda en Europe ne correspond pas du tout à la réalité. Tel est le point de vue de l’editorialiste belge, Alain Billen. Il est interrogé par Aimable Karirima, correspondant de IGIHE Ltd.

IGIHE : Monsieur Alain BILLEN. Dernièrement, vous avez écrit quelques éditos au sujet du Rwanda. Qu’elles sont vos motivations qui vous poussent à écrire ces articles ?

Alain Billen : Pour en venir à la motivation de l’écriture par rapport à mes différents éditos, évidemment tout cela provient d’un coup de cœur, mais ce coup de cœur était tellement puissant qu’une fois rentré en Europe, le Rwanda continuait à tourner dans ma tête. Là, je me suis rendu compte, qu’effectivement l’image du Rwanda en Europe ne correspond pas du tout à la réalité, et lorsque l’on a un coup de cœur et que l’on entend des informations fausses concernant ce pays, on ne peut que réagir. Donc, à mon niveau et avec mes petits moyens, j’ai pris la décision d’essayer de rectifier en écrivant ces éditos. Par contre, je suis toujours persuadé qu’aujourd’hui il est possible de gagner certaines batailles par « la plume ».

IGIHE : C’est quoi exactement ce « coup de cœur »

Alain Billen : Ce coup de cœur, c’est avant tout une émotion. Lorsque j’ai visité ce pays, j’ai été sous le charme d’abord du développement de ce pays, seulement 20 ans après le génocide perpétré contre les Tutsi , ce qui est déjà quelque chose d’exceptionnel, ensuite c’est la partie de réconciliation, voir ces rwandais travailler ensemble, essayer de tout faire pour offrir à leurs enfants un autre avenir pour que cela ne se reproduise plus. 

On sent vraiment qu’il y a tout un pays qui est derrière son Président qui possède d’ailleurs une vision exceptionnelle. Pour ma part et je l’ai dit déjà à plusieurs reprises en privé, quand on voit le Rwanda d’aujourd’hui et le Rwanda de 1994, la personne qui a réussi à réaliser ce coup de force, pourrait prétendre au Prix Nobel de la Paix. Arriver à ce que des communautés qui s’étaient à ce point déchirées puissent proposer aujourd’hui, main dans la main, à leurs enfants et petits-enfants un autre avenir tout en disant « plus jamais cela », je suis désolé on ne peut avoir que de l’admiration.

IGIHE : La plupart des européens qui se nomment experts (du Rwanda) parlent du Rwanda sans y avoir jamais mis les pieds. Comment vous faites vos recherches pour pouvoir parler vraiment de ce pays.

Alain Billen : Si je peux écrire mes éditos avec ce que moi personnellement je pense du pays, ce n’est pas compliqué dans la mesure où je suis en contact permanent avec les rwandais, que ce soit à Kigali où dans les différentes provinces. J’ai d’ailleurs personnellement très peu de contact avec les expatriés. Dans ces conditions ce n’est pas difficile de pouvoir prendre la température et de savoir exactement ce qu’ils pensent de leur pays, de leur développement, de leurs dirigeants. 

Et lorsque l’on lit des fausses informations émanant de l’Europe ou des États-Unis en étant sur place, cela fait d’autant plus mal et c’est clair que l’on ne peut pas rester plus longtemps indifférent.

IGIHE : Vous avez écrit un article sur le Président Paul Kagame. Comment décrives-vous le Président Kagame ?

Alain Billen : Paul Kagame pour moi, c’est avant tout un visionnaire, en tous les cas c’est ce que moi je remarque en premier. Évidemment pour les rwandais, ce qui leur vient en premier à l’esprit, c’est certainement qu’il est un « libérateur ». 

Quand on voit l’œuvre qu’est la sienne, le travail énorme qu’il a fallu entreprendre pour cette réconciliation, demander de travailler ensemble et puis surtout il fallait fixer une direction vers où aller pour le développement. 

D’ailleurs je pense que les occidentaux n’aime pas trop le Président car il a une vision non seulement pour le Rwanda, mais pour le continent Africain… ce qui gêne fortement les occidentaux. 

Ce que j’apprécie également c’est que Paul Kagame ne se met pas à genoux devant les dirigeants Européens ou Américains. Ce n’est pas parce que le pays est petit que l’on ne peut pas avoir de grands hommes et une grande nation. Il a réussi à unir tout le pays derrière lui et le référendum tout comme le résultat de l’Institut international de sondage IPSOS le confirment, plus de 92% des rwandais veulent le voir rester au pouvoir. Peu de dirigeants occidentaux peuvent prétendre avoir eu un pourcentage aussi important pour une élection ou une réélection.

IGIHE : Vous allez rester au Rwanda pour le reste de votre vie, pourquoi ?

Alain Billen : En fait je suis belge de naissance et j’aime mon pays, mais je suis rwandais de cœur. Je ne connais peu de gens qui voudrait quitter un endroit où il se trouve bien, où il a été si bien accueilli. En plus, au Rwanda, il y a encore beaucoup de choses à faire. Ici on peut participer au développement du pays, ce que font la plupart des rwandais et j’ai l’impression que l’on se trouve plus dans la position d’être utile au pays. J’ai l’impression qu’ici j’ai des choses à faire, j’y suis bien et je ne vois aucune raison de quitter ce pays qui devient le mien.

IGIHE : Vous qui venez de l’Europe, quelles différences vous ont le plus marqué ?

Alain Billen : Je vois d’énormes différences entre le Rwanda et ce que je connais de l’Europe. Tout d’abord, le pays est d’une propreté exemplaire. Vous ne pouvez pas retrouver en Europe une telle propreté. Ensuite, la sécurité, que ce soit à Kigali ou ailleurs dans le pays, vous n’avez aucuns soucis de sécurité. Vous n’avez pas d’endroits comme c’est le cas à Paris ou à Bruxelles, où il vaut mieux ne pas s’aventurer la nuit. Au niveau professionnel, il a plein d’opportunités ici, alors l’Europe semble « mourir » petit à petit.

IGIHE : Les critiques vous insupportent ?

Alain Billen : C’est toujours hyper compliqué pour les rwandais de voir leur pays se faire critique de la sorte sur l’international. Eux, ils savent, leurs plaies sont toujours présentes, pas encore cicatrisées et ils savent d’où ils viennent. Il ya vingt ans, c’était comme au Moyen Âge ici au Rwanda, il a fallu combien de siècle à la France pour sortir du Moyen Âge ? 

Ce qui est super énervant c’est de voir la fixation que font les différents dirigeants occidentaux sur le Rwanda et Paul Kagame. On a vraiment l’impression que ce qui se passe dans les autres pays du continent africain ne les dérange pas plus que cela. Cette façon de voir le Rwanda en bouc émissaire commence par irrité d’autant plus qu’au moment du génocide, personne n’était là, on les a laissé se débrouiller et que maintenant qu’ils sont sorti du chaos, maintenant qu’ils arrivent à un développement assez exceptionnel, on veut venir mettre son petit grain de sel et expliquer comment le Rwanda doit faire pour se gérer… et bien désolé, le Rwanda est assez grand pour savoir ce qui est nécessaire à son développement, le Rwanda est assez grand pour pouvoir décider de qui ils veulent à la tête de leur pays et c’est aussi cela la démocratie. Pour moi, le référendum rwandais est un exemple de démocratie, l’idée et l’initiative venue du peuple qui a demandé aux autorités de modifier la constitution ce qu’ils ont fait puis on a voté le référendum…ce qui n’a rien à voir avec le dernier référendum qui a eu lieu en France, où le peuple dit « NON » et les autorités disent « OUI » ! On n’a pas de leçon à recevoir, démocratique ou autres, de la part des dirigeants occidentaux.

IGIHE : Comment changer cet état de fait ?

Alain Billen : Je pense que l’on doit absolument essayer d’être présents dans les média occidentaux. L’autre jour, mon sang n’a fait qu’un tour lorsque j’ai vu cet article paru dans France 24 qui titrait en gros que le Rwanda trichait sur ses statistiques par rapport à la pauvreté Ils ont en réalité mis une photo de GOMA (RDC) pour illustrer la pauvreté à KIGALI et ensuite ils ont mis une photo de mendiants comme s’ils courraient les rues à Kigali. 

Cette désinformation est insupportable alors moi, avec quelques éditos et quelques articles j’essaye de rectifier le tir mais je pense que ce serait bien que les rwandais et la diaspora rwandaise réagissent à chaque fois, c’est de notre devoir ! Il faut réagir pour montrer combien cette désinformation est néfaste et pas digne de la part de journaliste…travailler à France 24 et tromper le lecteur par une photo volée dans un pays voisin, peut-on encore appeler cela du journalisme ?

Aimable Karirima, IGIHE Ltd, Europe 

L’intégralité de l’Interview ici : 

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