Les doléances des médias privés burundais
Bruxelles - Les 23 et 24 mars une table ronde s'est tenue à Bruxelles réunissant les principaux médias privés burundais travaillant, le Conseil national de la communication (CNC) et une vingtaine d’opérateurs internationaux d’appui aux médias.
L’objectif de cette rencontre organisée par Panos Grands Lacs, le Global Forum for Media Development (GFMD) et le Centre de recherche en information et communication (Resic), avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles et la coopération suisse, était de renouer le dialogue entre les acteurs des médias travaillant à l’intérieur et à l’extérieur du Burundi et d’identifier les recommandations nécessaires à l’action des autorités burundaises et de la communauté internationale afin de restaurer la liberté de l’information au Burundi.
Retour sur une destruction sans précédent
Entre fin avril et mi-mai 2015, quelques semaines seulement auront suffi à éradiquer presque complètement le pluralisme d’un paysage médiatique burundais reconnu pour son professionnalisme et cité en exemple partout en Afrique. Le bilan est sans appel : cinq radios et une télévision indépendantes ont été détruites, et près d’une centaine de journalistes, menacés, ont été contraints à l’exil.
Alors que le Burundi continue d’être déchiré par des violences quotidiennes, et que les messages de haine se banalisent, le besoin du peuple burundais d’accéder à une information pluraliste et crédible est chaque jour plus urgent. Conscients de cette exigence et des difficultés énormes auxquelles de nombreux journalistes burundais doivent faire face au quotidien, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, les responsables des médias et leurs partenaires internationaux ont échangé leurs points de vue et leurs inquiétudes dans le cadre d’un dialogue sincère et animé.
Observations et engagements
Au terme des discussions, une série d’observations et d’engagements ont été présentées auprès des acteurs politiques et des bailleurs de fonds. L’ensemble des participants a notamment rappelé la nécessité de « préserver et permettre l’exercice des compétences d’une génération de journalistes formés et garantissant au public burundais l’accès à une information pluraliste et professionnelle ». Face aux dérives médiatiques qui se multiplient au Burundi, les participants ont appelé à « refuser avec une extrême fermeté les messages de haine ayant tendance à se banaliser et rappeler aux journalistes des médias publics et privés leur responsabilité déontologique et pénale par rapport aux contenus qu’ils diffusent ». Ils ont aussi demandé à « reconnaître les conséquences dommageables de l’absence actuelle du droit des Burundais d’accéder à une information pluraliste et crédible ».
Coté engagements, l’instance de régulation des médias (Conseil national de la communication) a réaffirmé « son engagement à assurer sa mission constitutionnelle de régulation des médias publics et privés, à garantir un espace médiatique pluraliste et à favoriser la réouverture de tous les médias ».
Les journalistes ont confirmé leur volonté « à exercer leur métier dans le respect des règles professionnelles, en dehors de tout combat partisan afin d’assurer le droit du public à l’information ». Signe de leur attachement à la déontologie journalistique, « ils projettent de rédiger un manifeste rappelant leur volonté de pratiquer un journalisme répondant aux règles déontologiques ; ce document sera ouvert à la signature de tous ».
L'appel lancé aux donateurs internationaux
Par rapport à la Communauté internationale, l’ensemble des participants a demandé à leurs partenaires de « demander aux autorités burundaises d’assurer le droit constitutionnel de la population à accéder à l’information ; de mener un plaidoyer pour la réouverture de l’espace médiatique pluraliste, en particulier les radios privées ; de demander au ministère public burundais de mettre un terme aux poursuites à l’encontre des journalistes et entreprises de presse ; de demander des garanties quant à la sécurité des journalistes dans l’exercice de leur fonction ». Enfin, ils demandent à ces mêmes partenaires internationaux « d’insister sur l’importance d’amener la Radio télévision nationale du Burundi (RTNB) à assurer, en toute intégrité, son véritable rôle de service public ».
Sur le court terme, il est demandé aux donateurs internationaux « de s’engager à fournir un appui rapide aux initiatives médiatiques actuelles et à venir (développées à l’intérieur et à l’extérieur du Burundi) permettant aux citoyens burundais d’avoir accès à l’information, dans l’attente d’une normalisation de la situation ». Face à la rigidité des règlements permettant l’accès à des appuis financiers, ils demandent « d’assouplir les mécanismes d’appui habituels pour les adapter à une situation de crise tout à fait exceptionnelle et prendre en compte la situation difficile des journalistes en exil et de ceux restés au pays, ainsi que de leurs médias ». Il est aussi recommandé de « soutenir les activités de monitoring des contenus médiatiques produits à l’intérieur et à l’extérieur du Burundi et la professionnalisation des ressources humaines du Centre de monitoring de l’Organisation des médias d'Afrique centrale (OMAC) et de soutenir et renforcer le Conseil national de la communication (CNC) afin qu’il puisse assurer effectivement sa mission constitutionnelle de régulation des médias publics et privés et garantir la liberté de la presse ».
Sur le moyen terme, les participants demandent un soutien pour « la mise en place d’un cadre de rencontres et de dialogue entre les acteurs du secteur médiatique (dont le CNC), ainsi que d’opportunités d’échanges avec les autorités ; de contribuer à la reconstruction technique et économique des médias, une fois qu’ils auront été ré-autorisés à émettre ; de soutenir des actions de sensibilisation aux médias et à leur rôle démocratique à l’attention de différentes familles d’acteurs (acteurs politiques, forces de sécurité…) ». Et enfin, « d’oeuvrer à la redynamisation rapide et claire de l’Union de la presse burundaise (UBJ), de l’Observatoire de la presse burundaise (OPB) et de l’Association de la presse burundaise (ABR), actuellement en situation difficile ».