
Les rebondissements du procès de Félicien Kabuga
Félicien Kabuga, considéré comme l’un des principaux financiers du génocide de 1994 contre les Tutsi, a été arrêté en France en 2020 après avoir échappé à la justice pendant 26 ans. Pendant cette longue période, de nombreuses rumeurs ont circulé, évoquant ses prétendus déguisements, changements d’identité, recours à la magie, voire des transformations en animaux ou en femmes pour échapper à la capture.
Son arrestation a été un choc pour beaucoup, qui commençaient à perdre espoir qu’il soit un jour retrouvé. Comme le disent souvent un dicton rwandais : « Un voleur n’a que 40 jours », et son temps était enfin venu.
L’ex-ministre rwandais de la Justice, Johnson Busingye, a souligné que l’arrestation de Kabuga représentait à la fois un immense soulagement et une étape cruciale. « Après 26 ans de fuite, cela démontre que l’on peut fuir, mais on ne peut jamais se cacher indéfiniment. Beaucoup avaient commencé à croire qu’il ne serait jamais capturé », a-t-il déclaré.
Malgré l’euphorie initiale, le procès de Kabuga est rapidement devenu une affaire judiciaire exceptionnelle. Il a été le seul rwandais jugé par le Mécanisme résiduel international de justice pénale (IRMCT) à La Haye, les autres accusés ayant été jugés auparavant à Arusha, avant la fermeture de ce tribunal.
Au cours des trois années qui ont précédé la suspension de son procès en 2023, les procédures ont été marquées par des événements sans précédent. Le procès de Kabuga n’a pas suivi la procédure classique, ni été une simple formalité ; il a été caractérisé par des complexités juridiques et procédurales exceptionnelles.
Un procès inhabituel
Les comparutions de Kabuga en salle d’audience étaient limitées à seulement 90 minutes par session, contrairement à d’autres accusés qui pouvaient participer à des audiences toute la journée. Son procès était planifié trois fois par semaine, en contraste avec les procès quotidiens auxquels d’autres étaient confrontés. En raison de problèmes de santé signalés, Kabuga assistait fréquemment à ses audiences par vidéoconférence.
Cinq experts médicaux ont été chargés de l’évaluer et ont conclu qu’il n’était pas en état de subir un procès. En septembre 2023, sur la base de leur rapport, la cour a décidé de suspendre formellement les procédures à son encontre.
Kabuga est ainsi devenu le premier accusé à être exempté de ses obligations judiciaires en raison de son inaptitude physique. Cette décision a suscité une profonde déception parmi de nombreux Rwandais, en particulier les survivants du génocide contre les Tutsi, qui nourrissaient l’espoir de voir justice rendue et les responsables rendre des comptes.
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