jui
22
2016

Marie Arena: « Les entreprises européennes ont le droit d’accéder aux ressources minières, mais en respectant les droits de l’homme »

Bruxelles - Les minerais de sang. A Bruxelles, le sujet est ultra-sensible car il symbolise les défis socio-économiques et éthiques auxquelles font face les institutions européennes en matière de commerce internationale lorsqu’il s’agit de protéger emplois et profits des entreprises de l’espace européen et la nécessité de garantir les droits de l’homme dans le monde, dans le respect des Traités européens.

De quoi s’agit-il ? Dans de nombreuses zones du monde marquées par les conflits, l'exploitation et le commerce des ressources naturelles permettent à de nombreux acteurs armés, coupables de graves exactions à l'encontre des populations, de se financer. Or, les smartphones, téléphones portables, tablettes et autres dispositifs électroniques que nous utilisons chaque jour sont fabriqués à partir de minerais extraits, entre autre, dans des zones de conflits et importés en Europe par les entreprises européennes. A elle seule, l’Afrique concentre 30% des ressources mondiales de minerais, « où la production minière pèse en moyenne 24 % du produit intérieur brut, et où 27 conflits sont connus pour être liés aux ressources », fait noter Le Monde.

C’est pour rompre ce lien entre les chaines d’approvisionnement et les conflits armés qu’en mai 2015 le Parlement européen avait voté en faveur d’une réglementation contraignante et ainsi éviter que par manque de vigilance sur l’origine des minerais, les entreprises européennes n’alimentent indirectement des conflits armés. Ce vote contrecarrait les dessins de la Commission européenne qui, sous la pression du lobbying industriel européen et un certain nombre d’Etats membres de l’UE, était en faveur d’un mécanisme non contraignant d’auto-certification pour les importateurs.

Suite au vote du Parlement et au terme d’âpres négociations entamées en février 2016, les institutions de l'Union européenne - le Conseil, le Parlement et la Commission - se sont mises d'accord en juin dernier pour faire barrage à l'utilisation des « minerais de sang ».

« Mais le combat n’est pas terminé, l’accord doit être traduit dans un texte qui servira de base juridique pour tous les acteurs des filières de minerais », déclare à Infos Grands Lacs Marie Arena, député du Groupe des Socialistes et Démocrates européens, qui appelle « à rester vigilant jusqu’au bout ».

Dans ce long entretien accordé à IGL, Marie Arena retrace l’historique des négociations européennes sur les minerais qui ont débuté en mai 2014 avec la proposition initiale de la Commission européenne. Une interview passionnante dans laquelle la député du groupe S&D, considérée à juste titre comme une des protagonistes majeures de l'accord de juin, assure « être consciente de la nécessité pour les entreprises européennes d’avoir accès aux ressources minières pour sauvegarder leurs industries, tout comme celui des entrepreneurs et des mineurs des pays en conflits de pouvoir exploiter ces ressources, mais pas à n’importe quel prix, car les droits de l’homme doivent être protégés et respectés ». Comment concilier ce qui apparait comme inconciliable ? Telle est la mission que s’est fixée Marie Arena dans cette épineuse réglementation.

Des institutions européennes au lobby industriel, en passant par les intérêts des groupes armés, les propriétaires des mines et leurs travailleurs, jusqu’à la société civile à laquelle Marie Arena rend un vibrant hommage, tous les acteurs du dossier des « minerais de sang » sont passés en revue, ainsi que la flexibilité dont certains d'entre eux ont fait preuve pour aboutir à un accord « certes imparfait », mais vital pour sortir du vide juridique actuel.

Entretien réalisé par Joshua Massarenti pour Infos Grands Lacs, en collaboration avec Afronline/VITA (Italie).

 

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Durée: 
00:40:00

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