juin
05
2017

Mkapa évoque les obstacles rencontrés dans sa médiation

  

Le rapport sur le dialogue burundais présenté au sommet des chefs d’Etat de l’EAC par Benjamin Mkapa.

 "J’apprécie l’occasion qui m’a été offerte aujourd’hui dans ce Sommet. Dans mon rapport à vous, j’ai l’intention de vous mettre au courant des activités entreprises, les obstacles rencontrés et les progrès faits jusqu’à présent. Dans la période comprise entre le dernier sommet de septembre 2016 où j’ai rendu compte de mes progrès et celui de février 2017, j’ai eu des consultations avec différentes parties prenantes dans la crise du Burundi. J’ai rencontré l’opposition extérieure opérant sous l’acronyme Cnared, dont les leaders sont venus à Dar–Es-Salaam deux fois. J’ai également rencontré à Dar es-Salaam, le secrétaire général du CNDD-FDD, qui, au cours des consultations, a réitéré le plein et inconditionnel engagement de son parti au dialogue.

En plus, il a parlé des initiatives visant à impliquer les Burundais de la diaspora dans le dialogue. Et d’en appeler ceux qui sont en exil à rentrer chez eux. Cette initiative a abouti au retour de l’ancien président Sylvestre Ntibantunganya, l’ancienne Deuxième vice-présidente, Madame Alice Nzomukunda, l’Ambassadeur Félix Ndayisenga et Mathias Basabose, secrétaire général de l’ADR.

En plus, j’ai rencontré deux fois à Dar- Es-Salaam, l’Ambassadeur Jamal Benomar, Conseiller spécial de l’ONU sur la prévention des conflits auprès du Secrétaire général des Nations Unies et le Professeur Ibrahima Fall, Représentant spécial de l’UA pour la région des Grands-Lacs et le chef du bureau de liaison de l’UA au Burundi. Tous ont réitéré le soutien inébranlable de leurs organisations respectives à ce dialogue.

Au début de décembre 2016, j’ai effectué une visite de travail de deux jours au Burundi du 7 au 9 décembre 2016. Le but de la visite était de s’entretenir avec S.E. le président Pierre Nkurunziza et d’autres parties prenantes sur le statut du dialogue et la voie à suivre. J’ai eu des discussions cordiales avec le président Nkurunziza et partagé avec lui sa vision des interventions à entreprendre dans les mois à venir conformément au mandat du Sommet des chefs d’Etats de l’EAC. De plus, je voulais promouvoir un terrain d’entente entre les parties en conflit et déterminer dans quelle mesure les autorités burundaises pourraient se rencontrer avec l’opposition de l’extérieur.

De plus, je voulais vérifier comment le dialogue inter-burundais pourrait être inclusif et dans quelle mesure les autorités burundaises pourraient s’entretenir avec leurs adversaires politiques. Je voulais également savoir l’évaluation de la représentation diplomatique concernant l’actuelle situation économique ainsi que le respect des droits de l’Homme par les autorités burundaises et s’ils pensaient qu’il pourrait y avoir une réconciliation sans l’opposition extérieure.

Au Burundi, j’ai consulté les partis politiques; la représentation diplomatique, les organisations de la société civile; les ligues de femmes et de jeunes, les chefs religieux et quelques acteurs politiques clés. Au cours de nos discussions, j’ai noté ferme détermination de la plupart des parties prenantes à mettre collectivement en place un agenda qui aboutirait à des élections crédibles et transparentes en l’an 2020. De plus, dans toutes mes interactions, j’ai reconnu la volonté de toutes les parties d’engager l’opposition extérieure non violente dans le processus de dialogue dans le cadre de l’accomplissement des engagements pour le dialogue inclusif. Certains ont suggéré que la facilitation engage même des groupes armés parce que tout accord conclu sans leur participation ne serait pas durable.

J’ai également senti une convergence notable sur le fait qu’il y a eu une amélioration considérable de la situation sécuritaire dont les parties prenantes devraient profiter pour l’aboutissement du processus en cours.

Dans mes interactions avec la représentation diplomatique, j’ai été encouragé par leur volonté de jeter l’éponge sur ce qui s’est passé et de s’engager d’une manière plus constructive avec les autorités burundaises pour des actions en faveur de la relance de l’économie burundaise qui se détériore suite à la crise qui secoue le pays et les sanctions économiques prises contre le Burundi. La représentation diplomatique a énormément insisté sur le fait que les partenaires n’ont pas soutenu le changement de régime, mais ont soutenu l’ouverture de l’espace politique afin de permettre aux populations du Burundi de choisir librement leurs dirigeants. Ils ont également soutenu l’idée que l’opposition devrait s’abstenir de la posture politique de remorquer la ligne dure et embrasser un programme prospectif axé sur la création d’un environnement propice qui permettrait de tenir des élections libres, justes et crédibles et d’éviter le hiatus de 2015.

Excellences,

Comme vous le savez tous, après ma visite au Burundi, j’ai été très critiqué par certains membres de l’opposition externe, en particulier le Cnared, qui disaient que ma visite au Burundi avait pour objectif de légitimer le gouvernement du président Pierre Nkurunziza qui aurait violé l’accord de paix d’Arusha et l’Accord de réconciliation entre les Burundais. Mon communiqué de presse à la fin de ma visite où j’ai dit que déterminer la légitimité ou l’illégitimité du président Nkurunziza n’est pas dans mes prérogatives en tant que facilitateur, a été mal interprété comme conçu pour « légitimer » le Gouvernement et, en conséquence, les opposants regroupés au sein du Cnared ont écrit une lettre qui me dénonce et sont même allés en Ouganda pour rencontrer le médiateur pour lui exprimer ma récusation.

Malgré cela, j’ai organisé à Arusha une séance d’information pour l’opposition externe le 16 janvier 2017.

J’avais invité 19 acteurs de l’opposition extérieure, mais en raison de la lettre de ma récusation écrite par cette  même opposition, seuls 9 ont répondu à l’invitation. Cependant, peu d’entre eux ne pouvaient pas assister à cause des problèmes liés à l’acquisition des documents de voyage auprès des pays hôtes. J’ai informé ceux qui ont participé sur ce qui s’est passé depuis le début du dialogue inter-burundais en mai 2016, les obstacles rencontrés et le progrès atteint jusqu’ici.

L’Opposition externe m’a assuré qu’elle était prête à continuer de négocier avec le gouvernement du Burundi jusqu’à ce qu’ils concluent un accord qui leur permettra tous de coexister pacifiquement. Pour eux, entrer dans le gouvernement d’union nationale est sans importance parce que cela ne résoudrait pas le problème. Ils sont plutôt impatients de résoudre pacifiquement la crise qui en résulte afin que tous les Burundais participent à la reconstruction et à la gouvernance de leur pays. En outre, pour eux, le troisième mandat n’est plus une question d’actualité à condition que le président Pierre Nkurunziza s’engage à ne pas participer dans les élections générales de 2020.

Son parti devrait désigner un autre candidat pour concurrencer ceux de l’opposition à la présidentielle.

Le 24 janvier 2017, je suis allé en Ouganda pour informer le médiateur de la mission me confiée au Burundi ainsi que la séance d’information à l’opposition extérieure. À cet égard, j’ai informé le médiateur de mon intention de convoquer la troisième session du dialogue inter-burundais en février 2017.

Excellences,

La 3ème session du dialogue Inter-burundais a été organisée dans cette optique à Arusha, en Tanzanie, du 16 au 19 février 2017. La session a vu la participation des anciens Chefs de l’État Burundais; l’Ombudsman du Burundi; des représentants de certains partis politiques enregistrés et d’autres célèbres acteurs politiques. Le gouvernement du Burundi a été invité mais a refusé mon invitation.

Néanmoins, le président Pierre Nkurunziza a reconnu par écrit la réception de mon invitation, mais n’a pas envoyé les représentants du gouvernement parce que la session semblait « dévier du sens habituel du respect de la souveraineté de la République du Burundi avec le risque de la violer « dans le sens où certains individus recherchés par la justice burundaise était invitée. Deuxièmement, le gouvernement du Burundi contestait la participation de l’Ambassadeur Jamal Benomar, conseiller spécial du Secrétaire général de l’ONU, alors que le Gouvernement du Burundi avait déjà retiré officiellement sa confiance en lui. Troisièmement, le gouvernement du Burundi était contre la participation du représentant de l’UA, le Professeur Ibrahima Fall du fait que les actes reprochés au gouvernement n’étaient pas en faveur de l’avancement du dialogue inter-burundais.

Le gouvernement a ajouté que la participation de ces deux personnalités notamment le Professeur Ibrahima Fall et l’ambassadeur Jamal Benomar, à toute session du dialogue inter-burundais, compromettrait sérieusement les progrès significatifs du processus atteints jusqu’ici.

J’ai répondu par écrit et envoyé mon conseiller à Bujumbura pour livrer le message au président Pierre Nkurunziza. Dans mon message, j’ai déclaré que l’UA et les Nations Unies n’ont pas informé la Facilitation de la méfiance exprimée par le gouvernement du Burundi au sujet des deux personnalités.

En outre, tant que ces deux personnes n’ont pas été retirées, la facilitation est obligée de travailler avec elles en tant que représentants de ces deux augustes organisations.

En ce qui concerne les invitations de ceux qui sont sous mandats d’arrêt, j’ai informé le Président que j’avais demandé au président de l’EAC et au médiateur de s’entretenir avec lui pour que les personnes clés qui ne sont pas directement impliquées dans la tentative de coup d’Etat soient autorisées à participer au dialogue afin de satisfaire l’exigence d’inclusion.

Ceci est conforme aux résolutions 2248 de 2015 du Conseil de sécurité des Nations unies (PO n ° 3) et 2279 de 2016 (OP n ° 5) pour s’assurer que le dialogue soit aussi inclusif que possible, surtout à ce stade où des problèmes de fond sont en cours de discussion. J’ai également déclaré que, tout en regardant la liste des personnes recherchées, je me suis rendu compte qu’il s’agissait de personnes ayant occupé des postes supérieurs dans le gouvernement Burundais. J’ai en outre informé le Président que la liste des invités n’était pas censée être soumise aux autorités burundaises parce que c’était le document de travail interne de la Facilitation. Il est surprenant que le Secrétariat de l’EAC pour des raisons qui lui sont propres, ait transmis cette liste à Bujumbura, y compris d’autres documents de travail.

Tout en ouvrant la séance plénière, j’ai présenté les huit points à l’ordre du jour, identifiés lors des sessions de dialogue précédentes, qui ont été approuvées par le 17ème sommet extraordinaire des Chefs d’Etat de la CAE qui s’est tenu le 8 septembre 2016 pour constituer la base des discussions ultérieures.

Pour faciliter huit points pris en compte ont été réduits en quatre catégories, chacune avec les sous-titres appropriés;

Il s’agit :

(A) Questions politiques;

(B) Conditions constitutionnelles, législatives et électorales;

C) Situation socio-économique et questions humanitaires, et

(D) Sécurité.

Pendant ce temps, les participants ont été invités à former des groupes de travail pour discuter des questions susmentionnées et, par la suite, me soumettre leurs réponses écrites.

Dans leurs observations, la plupart des parties prenantes étaient d’accord avec les propositions que j’ai présentées. Cependant, certains d’entre eux étaient d’avis que je n’ai pas pris en compte l’origine de la crise, c’est-à-dire le «Troisième Mandat « , y compris certaines des institutions qui en résultent jugées illégitimes.

En plus, il y a une question de modification de la Constitution selon laquelle la Commission ad hoc a déjà été mise en place.

En outre, par conséquent, l’Accord d’Arusha fait l’objet d’une révision. Pour ce faire, toutes ces questions doivent être discutées par les parties au conflit.

En fait, la 3ème session était spécifiquement destinée aux partis politiques enregistrés au Burundi et d’autres acteurs politiques clés de l’intérieur ainsi que ceux de l’extérieur du pays.

Avec l’invitation du gouvernement, je voulais que ses représentants, à Arusha, rejoignent toutes les parties prenantes, ses alliés et ses adversaires. Comme expression de magnanimité, je voulais que le gouvernement prenne l’initiative et s’engage dans un dialogue avec tout le monde sans exception aucune.

Pour les préparatifs efficaces des élections générales de 2020, la plupart des parties prenantes veulent que l’environnement politique aujourd’hui pollué soit nettoyé comme suit:

(I) Il semble y avoir l’érosion du professionnalisme, donc ce dernier doit être observé dans la fonction publique, les institutions publiques et les organes de sécurité.

Deuxièmement, les fonctionnaires et les membres des organes de sécurité devraient ne pas être engagés dans la politique comme c’est la tendance actuelle;

(Ii) La Constitution et l’Accord d’Arusha ne doivent pas être touchés pendant la période préparatoire;

(Iii) Réhabiliter les partis politiques

Certaines initiatives doivent être prises pour réunifier les parties politiques fragmentés, par ex. FRODEBU, UPRONA, FNL, etc.

(Iv) Ouverture de l’espace politique et création de conditions favorables pour

l’exercice des droits civils;

V) Le désarmement des civils et des groupes de jeunes armés;

(Vi) Encourager le retour des réfugiés et des acteurs politiques proclamés exilés;

(Vii) Déploiement des missions observatrices;

(Viii) Création d’un fonds national pour les victimes de catastrophes; et

(Ix) le rétablissement de la Commission Vérité Réconciliation.

Le parti au pouvoir, CNDD-FDD a souligné le rapatriement du dialogue inter-burundais car toutes les conditions de sécurité à l’intérieur du pays sont déjà réunies.

Le parti ne voit aucune logique de continuer avec le dialogue inter-burundais parce que la Commission nationale pour le dialogue interne (CNDI) a tout finalisé, y compris la recommandation pour la modification de la Constitution de la République du Burundi. Ce volte-face dans la pensée du parti au pouvoir a surpris tout le monde et a été considéré comme un recul à la situation du processus de paix.

Malgré les quelques divergences, le consensus suivant est sorti de la 3ème session du dialogue inter-burundais. Tout d’abord, toutes les parties prenantes ont dénoncé toutes formes de violence comme moyen de régler les conflits politiques et de s’engager eux-mêmes à un dialogue pacifique en vue d’arriver à la paix durable et à une prospérité économique. Alors que la plupart des parties prenantes étaient d’accord avec les points à l’ordre du jour. Ils ont soutenu que toutes les questions sont déjà couvertes dans l’Accord d’Arusha. Ainsi, discuter ces questions à nouveau et conclure un accord équivaut à la révision de l’Accord d’Arusha. Ils ont également soutenu que, évidemment, ce qui a mal tourné, c’est la mise en application de l’Accord d’Arusha. Par conséquent, il faut trouver un moyen d’apporter des améliorations et ramener l’Accord d’Arusha sur la bonne voie.

En même temps, un comité composé d’experts régionaux et internationaux doit être mis en place pour surveiller la mise en application stricte de l’Accord d’Arusha. A cet égard, les acteurs ont réaffirmé les principes et l’esprit de l’Accord de paix d’Arusha, et de la réconciliation entre les Burundais comme base pour le développement durable, la paix, la stabilité, la sécurité ainsi que la reconnaissance politique, économique des droits sociaux de tous les Burundais.

Les parties prenantes étaient d’avis que la crise est politique et qu’elle a émané du processus électoral de 2015.

À cet égard, il doit y avoir des tables rondes impliquant deux côtés, c’est-à-dire le gouvernement et ses alliés d’un côté et l’opposition de l’autre. En outre, les négociations devraient être inconditionnelles et inclusives. Même les groupes armés devraient être inclus dans le dialogue inter-burundais. Ils étaient de l’avis que laisser les généraux de l’armée dans les camps de réfugiés générerait un danger pour la sécurité du Burundi. À cet égard, le gouvernement du Burundi devrait être prêt à un dialogue avec à ses adversaires, qu’il s’agisse de civils ou de soldats.

Ils ont souligné que le gouvernement burundais devrait encourager le renforcement de la culture démocratique, l’ouverture de l’espace politique ainsi que la tolérance à des opinions divergentes et à la concurrence politique.

En outre, le gouvernement burundais devrait promouvoir la paix et l’unité entre tous les Burundais qui conduiraient à un environnement pacifique et propice à l’avènement des élections général de 2020.

En ce qui concerne les modifications constitutionnelles proposées, en reconnaissant le droit souverain du Burundi de le faire, les parties prenantes ont souligné que cette priorité devrait être accordée à la consolidation de la paix et de la stabilité du pays.

Tout en appréciant l’amélioration considérable de la situation sécuritaire, les parties prenantes ont soulevé le fait qu’il y a encore des disparitions de personnes innocentes, des arrestations arbitraires et des cas de torture. De surcroît, les organes de sécurité sont devenus des instruments coercitifs de l’État. À cet égard, les parties prenantes ont demandé au gouvernement du Burundi de garantir la sécurité et les libertés de ses citoyens.

Dans l’ensemble, les parties prenantes ont mis l’accent sur la recherche d’une manière de mieux gérer le pays et ont exhorté le gouvernement à s’abstenir de diviser la société sur base des ethnies. Le gouvernement a été appelé à devenir un symbole d’unité et à encourager la coexistence pacifique entre le peuple burundais. Enfin, les parties prenantes ont souligné qu’ils devraient se concentrer d’ici 2020 sur la mise en place d’une base solide dans les domaines politique, social et économique afin de donner les chances égales à tous.

Au début de mars 2017 à Entebbe, j’ai informé le Conseil de sécurité des Nations unies par vidéoconférence sur les progrès réalisés dans le dialogue inter-burundais. Cependant, j’ai souligné que le processus évolue lentement en raison de la réticence du gouvernement du Burundi pour parler à ses adversaires. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a promis son soutien continu.

Dans mon exposé au Conseil, j’ai réitéré mes observations antérieures au sujet du manque de sérieux pour que les deux parties s’engagent pleinement et sans conditions au dialogue. J’ai aussi informé le Conseil de l’impasse qui m’est survenue où seule une directive sans équivoque de ce sommet pourrait faire la lumière sur le chemin à suivre.

Après la 3ème session, il y a eu des murmures où de nombreux partis politiques reconnus, dont les leaders sont basés au Burundi, disaient qu’ils avaient été laissés de côté dans les consultations d’Arusha. De même, certaines

organisations de la société civile, les ligues des femmes et des jeunes et les groupes religieux basés au Burundi n’ont eu aucune occasion d’être consultés.

À cet égard, j’ai été obligé d’envoyer à Bujumbura mon équipe de facilitation avec des instructions pour rechercher les points de vue de ces partis politiques et autres groupes apparentés ainsi que des organisations qui ne sont pas venues à Arusha. Ainsi, du 3 au 5 mai 2017, l’équipe a interagi avec eux. La participation était bonne. L’équipe de facilitation a présenté aux partis politiques et aux groupes concernés des propositions pour la résolution pacifique de la crise politique au Burundi. Ils ont travaillé sur ces dernières et par la suite, ont présenté leurs observations orales et écrites.

L’équipe de facilitation a noté l’émergence de deux camps.

Un camp composé de 28 partis politiques et leurs alliés, à savoir les organisations de la société civile, les ligues des femmes et des jeunes ainsi que des groupes religieux qui sont pro-gouvernementaux.

Dans leurs soumissions, ce camp a présenté dans leur position, la résolution sortie de l’ atelier tenu à Gitega le 20 avril 2017 à l’intention des chefs des partis politiques et des dirigeants politique au Burundi.

Ce camp maintient que le pays est pacifique, stable et que la situation sécuritaire s’est considérablement amélioré. Par conséquent, ils préconisent le rapatriement du dialogue inter-burundais.

En outre, ils veulent que la Commission procède aussitôt que possible à la modification de la Constitution comme l’a recommandé la Commission nationale pour le dialogue interne (CNDI).

Le deuxième camp composé de partis politiques, d’organisations de la société civile, de ligues des femmes et jeunes alliés à l’opposition a rejeté les points de vue du premier.

Ce camp maintient qu’il existe encore une instabilité politique dans le pays et que la situation sécuritaire est précaire. Il soutient qu’il y a encore des disparitions de personnes innocentes, des arrestations arbitraires et des cas de torture.

Ce groupe est totalement opposé à la modification de la Constitution et de la révision de l’Accord d’Arusha. Ils soutiennent que dans un pays où il y a une instabilité politique, la souveraineté devient sans pertinence, et son avenir est décidé ailleurs.

Les femmes ont demandé à l’équipe de la facilitation de les rencontrer seules afin qu’elles puissent donner leurs points de vue en tant que femmes. Elles font savoir qu’elles sont les plus touchées par la crise politique en cours au Burundi. Dans leur exposé, elles demandent d’être incluses dans les négociations de paix. Elles ont aussi recommandé l’implication des premières dames de la région pour qu’elles aident à trouver une solution au conflit burundais.

Elles pourraient entreprendre des visites au Burundi pour sensibiliser le grand public non seulement à une résolution pacifique de la crise mais aussi au renforcement de la démocratie et de la bonne gouvernance.

Excellences,

Les nouveaux développements importants sont ceux du 12 mai 2017, la Commission Nationale du Dialogue Inter-burundais (CNDI) a soumis un rapport de son travail de 86 pages au président Nkurunziza.

Dans une note de couverture, Mgr Justin Nzoyisaba, le président de la Commission a souligné que la proposition principale dans le rapport est de modifier la Constitution afin de la mettre à jour et de l’améliorer.

La CNDI indique en outre dans son rapport que si certains voient cela comme une mesure anti-démocratique, la majorité des personnes interrogées veulent la suppression de la limitation du mandat présidentiel. Le rapport affirme que la pauvreté et le chômage sont à la base de l’insécurité.

D’autres éléments préoccupants pour les personnes interrogées sont la justice sociale, la séparation des pouvoirs, le respect des droits de l’Homme et l’indépendance de la magistrature. Mgr Justin Nzoyisaba conclut en disant que ce rapport est factuel, pas de fiction, et représente les opinions de la majorité des 26 000 personnes interrogées sur le territoire.

Excellences,

Il est intervenu la promulgation par le Président, le même jour après la réception du rapport, d’un décret no 100/89 du 12 mai 2017 portant nomination de 15 membres d’une commission nationale pour commencer à travailler sur le rapport et proposer les amendements de la Constitution de la République.

En outre, tout aussi important est la déclaration du parti au pouvoir, le CNDD-FDD sur le 2ème anniversaire du coup d’Etat manqué, le 12 mai 2017 saluant et félicitant la Commission nationale pour le dialogue interne pour l’excellent travail produit.

Où va la médiation par l’EAC dont je facilite le dialogue? Je crains que la région puisse se retrouver devant un fait accompli. À cet égard, j’ai besoin des lignes directrices très claires sur la façon d’aller de l’avant dans cette situation apparemment très complexe.

Les propositions à la Communauté internationale

Malgré les nouveaux développements, je voudrais faire les propositions suivantes :

1. Vos Excellences, votre engagement personnel est indispensable en amenant les parties en conflit, en particulier le gouvernement et ses alliés à s’engager de nouveau à un dialogue sérieux et inclusif sans conditions préalables.

À cet égard, je demande à Vos Excellences de prendre des mesures décisives permettant au processus de paix d’avancer.

2. Il y a une impasse parce que le gouvernement du Burundi est réticent à s’engager au dialogue avec ses opposants. Pour l’heure, il choisit les parties prenantes qui lui sont proches en ignorant les autres. Le gouvernement doit se rendre compte que la réconciliation est entre deux camps opposés et pas entre amis. Le sommet peut faire pression au gouvernement du Burundi afin de s’engager pleinement avec ses opposants en vue de parvenir à une résolution de la crise politique en cours à l’amiable.

3. Le gouvernement burundais reste essentiel dans ces pourparlers. Par conséquent, il devrait prendre des mesures de confiance afin d’accélérer la résolution du conflit. Ces mesures comprennent :

(I) Le gouvernement du Burundi devrait s’engager dans le dialogue Inter-burundais et négocier de bonne foi. Malgré de nombreuses déclarations de son engagement envers ce processus, ses actions ont invariablement suggéré le contraire.

(Ii) Suppression des mandats d’arrêt. Certaines personnes qui apparaissent sur la liste de ces derniers ont auparavant occupé des postes importants au Burundi et sont des acteurs politiques de taille au Burundi. De plus, elles semblent ne pas être directement impliquées dans la tentative de coup d’Etat. Par conséquent, ils doivent participer dans le dialogue afin de remplir le principe de dialogue inclusif conformément aux décisions du Sommet de l’EAC et les résolutions subséquentes du Conseil de sécurité des Nations unies.

(Iii) Retour des exilés politiques. Le gouvernement du Burundi doit créer un environnement propice au retour de ces personnes sans encombre.

En revanche, en raison de la pénurie de fonds, le gouvernement du Burundi m’a demandé en ma qualité de facilitateur de contribuer pour le retour des exilés.

(Iv) Libération des prisonniers politiques. Le gouvernement du Burundi doit mettre en place une commission chargée de distinguer les prisonniers politiques des criminels et libérer les premiers. Cela lui accordera la crédibilité.

(V) Retour des réfugiés. Leur retour est un indicateur majeur de l’amélioration de la situation sécuritaire dans le pays. Le gouvernement du Burundi doit créer un environnement propice et réactiver des commissions tripartites pour que les réfugiés rentrent chez eux en toute sécurité et d’une manière digne.

(Vi) Renforcer la culture démocratique et ouvrir une espace politique. Il y a eu des plaintes selon lesquelles les partis d’opposition ne sont pas autorisés à mener leurs activités. Le gouvernement du Burundi doit créer une atmosphère favorable pour qu’ils puissent accomplir leurs activités en toute sécurité et sans harcèlement par les organes de sécurité.

Si les mesures susmentionnées sont prises, le gouvernement du Burundi aura démontré un bon geste de confiance entre le peuple burundais en particulier et la communauté internationale en général.

4. De même, le Sommet souhaiterait trouver un moyen d’intégrer les groupes armés dans le dialogue inter-burundais. La Facilitation a été informée des messages de divers groupes armés indiquant qu’ils sont prêts à poursuivre une résolution pacifique de la crise à laquelle le Burundi fait face. Évidemment, leur exclusion entraînera une menace permanente pour la sécurité au Burundi.

5. Je voudrais répéter mon inquiétude antérieure concernant le problème de la finance. Le processus de paix dépend totalement du soutien généreux de certains donateurs mais principalement de l’Union européenne et de la Chine. L’UA et l’ONU ont également contribué à l’organisation des réunions.

Je ressens toujours le besoin de vos Excellences pour envisager de fournir un financement plus fiable du processus. Car, outre la crédibilité et l’indépendance de la Facilitation, l’ appropriation du processus revient à la région.

6. À plusieurs reprises, j’ai été bloqué par de nombreuses fuites d’ informations et documents.

Tout en ne pointant pas un doigt accusateur vers quiconque, je pourrais informer le sommet que la structure de mon travail me demande de soumettre des informations et des documents au Secrétariat de l’EAC. C’est important que la confidentialité soit strictement observée afin que des informations et des documents ne soient pas partagés avec des parties au conflit.

Je vous remercie de votre aimable attention."

 

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