Museveni fait la leçon au président Nkurunziza
Le président ougandais juge incorrecte la manière de Bujumbura de s’imposer en juge et partie dans la crise que traverse le Burundi. Une lettre très directe, mais qui ne ferme pas la porte au président burundais.
« M7 », comme on l’appelle souvent a vraiment pris son temps. Dans une longue lettre de cinq pages, Museveni fait un véritable réquisitoire sur le comportement de son collègue burundais.
Le patron de l’EAC hausse le ton, convoque l’histoire et se fait même donneur de leçons. Une pique de taille. Le président ougandais, comme pour dire au président Nkurunziza de faire preuve de plus de modestie, lui dit sans détour : « Votre mouvement rebelle n’a pas assiégé le pays ». En termes moins diplomatiques, « Vous n’avez pas gagné la guerre ». Museveni rappelle alors tous les efforts de la Communauté est-africaine pour le règlement du conflit burundais qui ont abouti à la signature de l’Accord d’Arusha.
Le président ougandais sait qu’il joue gros et que la crédibilité de l’EAC est en jeu si jamais l’Accord d’Arusha vole en éclats. « Si ça se passe ainsi, qui va prendre les garanties de la région au sérieux dans l’avenir ? », s’interroge-t-il.
Le vieux lutteur donne aussi une leçon de stratégie au président burundais qui refuse de « s’asseoir avec les putschistes ». Oui, dit l’Ougandais, s’asseoir avec les putschistes est possible et nécessaire. « Il faut se battre quand c’est nécessaire et négocier quand c’est nécessaire ».
C’est donc un véritable changement de ton d’un médiateur que l’opposition burundaise avait toujours jugé conciliant, voire complice du président Nkurunziza.
Un virage à 360 degrés, le fruit peut-être de plusieurs humiliations.
Bujumbura a boycotté le 5è round du dialogue au mois d’octobre. On se souviendra de l’image du facilitateur Benjamin Mkapa qui repart penaud, défait.
Un mois plus tard, rebelote. Bujumbura ignore encore l’invitation du patron de l’EAC au sommet des chefs d’Etat de la région. Les trois présidents du Kenya, Tanzanie et de l’Ouganda font le déplacement à Arusha. Faute de quorum, le sommet est annulé.
Une correspondance du président Nkurunziza en rajoute une couche. Il s’insurge contre le rapport du facilitateur Mkapa qui estime que la situation burundaise demeure « préoccupante ». Le Tanzanien demande même l’intervention d’une force extérieure pour sécuriser les prochaines élections. Dans ce rapport, Bujumbura est peint comme celui qui refuse de s’asseoir avec ses véritables protagonistes. « Inacceptable, » pour Bujumbura.
Dans sa longue lettre, le président ougandais affirme sa volonté de reprendre la main, au nom de toute la communauté. Il dénie à son homologue burundais de tracer tout seul les contours de la crise et de décider avec qui il peut négocier. Museveni, comme pour l’encourager, parle de sa propre expérience, sa négociation avec des adversaires coupables de crimes importants (il cite Joseph Kony notamment).
Diplomate, Museveni tend, toutefois, la main au président Nkurunziza. Il lui donne rendez-vous le 27 décembre prochain, date du prochain sommet. Il promet que des questions soulevées par Bujumbura seront abordées à cette occasion.