Jan
14
2019

«Ne modifiez pas le Code électoral sans nous ! »

Des leaders des partis politiques se sont réunis le 4 janvier pour analyser l’avant-projet de loi portant modification du Code électoral. D’autres regrettent de n’avoir pas été associés alors que l’enjeu est important

Une réunion marquée par de grandes absences. Celles des partis Uprona, Frodebu ainsi que la Coalition Amizero y’Abarundi. Le parti de Rwagasore, allié du parti Cndd-Fdd est un peu sonné par une invitation qui se serait ‘peut-être perdue en chemin’. « Nous pensons que notre invitation était là mais qu’elle ne nous est pas parvenue, » a indiqué Abel Gashatsi, le président de ce parti.

Celui de Ndadaye quant à lui raconte l’histoire d’une invitation de la rencontre annoncée jeudi puis reportée pour vendredi sans que le parti Sahwanya Frodebu en soit averti.

La deuxième grande formation politique à siéger à l’Assemblée nationale quant à elle dit n’avoir pas été invitée. Agathon Rwasa, le leader de la coalition Amizero y’Abarundi se dit outré que l’on fasse fi d’une aussi grande formation qui pèse sur la balance.

Au total 19 partis politiques sur 33 reconnus par la loi se sont donc réunis à Gitega. Le parti Cndd-Fdd ainsi que 18 autres. Disons-le, des partis qui ne pèsent pas lourd sur l’échiquier politique burundais. Des partis qui indiquent « accompagner l’action gouvernementale. » Sauf peut-être le parti Ranac affilié au Cnared, la coalition de l’opposition en exil présent à cette rencontre.

On a donc assisté à plusieurs chaises vides des partis qui auraient aimé être là. 14 partis agréés. Un leader d’un parti politique parlera d’une « réunion-brouillon », mal organisée avec des invitations envoyées sur whatsapp.

D’autres évoquent des invitations données sans précision de programme du jour et sans document de travail. «Un véritable dysfonctionnement administratif».

Difficile dans ces conditions de parler d’une réunion consensuelle pour l’étude d’un aussi important document qui va régir les prochaines élections. L’ancien président de la République, Sylvestre Ntibantunganya dira que le Code électoral est un outil pour réglementer le plus justement et le plus équitablement possible le jeu électoral. « Cela exige l’association de tous les acteurs possibles pour éviter toute contestation dans l’avenir. »

Comment analyser un document de 76 pages dans une séance d’un jour si le document n’a pas été préalablement transmis aux personnalités clé du processus électoral ? Une étude approfondie du document s’imposait.

La séance de Gitega aurait eu pour but d’échanger sur les observations des uns et des autres. Après ce travail, la machine devrait suivre son cours. La commission transmettrait l’avant-projet au Conseil des ministres qui après étude, le soumettrait à l’Assemblée nationale.

Sauf qu’une partie de la classe politique, avec comme chef de file le parti Sahwanya Frodebu soupçonne que bien avant la réunion de Gitega, le Conseil des ministres s’était déjà penché sur le document. « La réunion de Gitega n’aurait été qu’un simulacre de consultation ».

Le projet du code électoral contesté

Les 19 partis politiques réunis à l’hôtel Rehoboth n’ont pas tous parlé la même langue. Des contestations ont fusé. Surtout quand il s’est agi de cautionnement de la déclaration d’une candidature au poste de président de la République revue à la hausse. Il passe de 15 millions BIF à 50 millions. Une caution qui ne sera remboursée qu’à une condition : que le candidat obtienne au moins 5% des suffrages exprimés au premier tour. De quoi refroidir ceux qui voudront après retirer leurs candidatures et ceux qui estiment n’avoir pas de chance d’atteindre les 5 % des suffrages exprimés.

Tandis que le parti au pouvoir s’en frotte les mains et se réjouit d’écarter ainsi des candidatures qualifiées de fantaisistes et de publicité, d’autres partis n’en démordent pas, même ceux qui soutiennent le Cndd-Fdd.

Jacques Bigirimana du FNL estime que seul le parti au pouvoir peut débloquer une telle somme. Kefa Nibizi du Sahwanya Frodebu Nyakuri parle d’une somme en fort décalage avec le niveau de vie du peuple burundais. Des propos relayés par Abel Gashatsi du parti Uprona et Jean de Dieu Mutabazi du parti Radebu qui dénoncent une somme qui ne cadre pas avec les revenus de la population.

Agathon Rwasa, leader de la coalition Amizero y’Abarundi va plus loin et déplore que pour les élections parlementaires, une même caution, à savoir 500 mille BIF, soit demandée pour un candidat d’un parti politique et un indépendant. « Il est incompréhensible que la caution de milliers de gens qui se rassemblent au sein d’un parti soit la même que celle d’un seul individu ».

En plus, un seul indépendant devra recueillir 40% de la totalité des suffrages de la circonscription pour laquelle il est candidat pour être élu. «Comment se fait-il que l’éligibilité d’un indépendant soit évaluée sur base d’une circonscription alors que pour un parti, c’est au niveau national ? », s’interroge Agathon Rwasa.

Les élections de 2020 se profilent à l’horizon et Bujumbura s’active. Après la révision de la Constitution s’en est suivie l’adoption d’une feuille de route de Kayanza. Maintenant, le Code électoral qui a été analysé dans un cadre qui est loin du consensus inclusif.

Cela dans un décor de dialogue en panne, bâclé, qui n’a pas résolu la crise que traverse le Burundi depuis 2015. Les réfugiés et particulièrement la classe politique de l’opposition en exil avaient placé en ces pourparlers externes l’espoir de rentrer au pays pour participer aux prochaines échéances électorales.

Cette opposition se sent de plus en plus exclue de la scène politique du pays. Des ingrédients qui annoncent un cocktail qui serait difficile à avaler pour le peuple burundais.

www.iwacu-burundi.org

 

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